Cassandra commence enfin à avoir la vie dont elle rêvait : un petit ami dévoué, son tout premier appartement rien qu’à elle, et un job qui lui plaît, bien que pas assez rémunérateur. Après trois décennies de galère, elle trouve lentement son équilibre.
C’est le moment qu’a choisi son ex, Leide, pour réapparaître dans sa vie, et lui présenter un petit garçon de 10 ans qui serait leur fils.
Le premier épisode de la série brésilienne Manhãs de Setembro, lancée cette semaine par Amazon Prime Video, essaie de parler de beaucoup de choses à la fois, tout en s’essayant à la chronique ; le mélange est parfois un peu hasardeux, surtout pour un premier épisode qui doit également remplir son rôle d’exposition. Toutefois, il y a des moments de grâce dés cette introduction.
Dans ce premier épisode, Cassandra est avant tout présentée comme une femme qui travaille dur la journée, dans un boulot ingrat : elle fait à longueur de journée des livraisons pour une plateforme quelconque, où généralement malgré ses efforts, elle est mal notée. Mais lesdits efforts lui ont permis de désormais louer son propre appartement (enfin, plutôt un studio d’une pièce, techniquement), qui bien que vétuste est… eh bien, à elle. Pendant l’épisode, elle va y amener son petit ami Ivaldo, et lui montrer, émerveillée, ce qu’un peu de peinture peut faire pour se sentir chez soi (et faire disparaître des traces de moisissure). Plus tard on la verra se rendre au club où l’une de ses amies, qui jusque là l’hébergeait, lui donne régulièrement l’opportunité de chanter professionnellement devant un public ; comme Cassandra est une fan inconditionnelle de la chanteuse Vanusa, dont elle couvre systématiquement le répertoire, c’est quelque chose d’important quand bien même ça ne paie pas le loyer.
Bref Cassandra n’a peut-être pas une vie de rêve, mais lentement, elle commence à créer de ses mains la vie de ses rêves. Et pour une femme trans noire dans le Brésil d’aujourd’hui (…l’épisode se fait fort d’indiquer qu’elle vit à deux pas de la rue Marielle Franco), ce n’est pas rien d’en arriver là.
Cette histoire serait déjà riche de nuances à détailler, surtout pour une saison qui s’annonce courte (5 épisodes d’environ une demi-heure au total, mais avec mes problèmes de dos j’ai dû faire l’impasse sur cette courte intégrale pour le moment). Le bonheur, encore fragile, mais décidé, de Cassandra, est communicatif. On se réjouit de la voir partager des moments d’une si tendre complicité avec Ivaldo, on partage son bonheur d’enfin avoir son propre domicile, on prend la mesure de son admiration pour Vanusa… Manhãs de Setembro a d’autres choses à dire, encore en plus.
Leide arrive à un moment où Cassandra aspire à la stabilité, et renverse le fragile équilibre que l’héroïne venait de construire. Leur unique nuit ensemble, il y a 10 ans, a apparemment donné un fils, Gersinho. Leide prétend que celui-ci veut connaître son « père » (elle ignorait que Cassandra avait fait son coming out au moment de toquer à sa porte), mais la réalité apparaît comme bien plus complexe : la mère et le fils sont sans domicile, survivent à grand’peine dans les rues dangereuses de São Paulo, et la situation est désespérée. Gersinho, dont l’avenir semble déjà perdu d’avance, n’est pas tant à la recherche de ses origines que de quelqu’un qui pourrait le sauver d’une vie de misère…
Au fil de son épisode inaugural, Manhãs de Setembro mélange progressivement ces deux mondes. Celui de Cassandra, où les premières victoires sont enfin obtenues de haute lutte après des années de galère, et celui de Leide et Gersinho, fait d’un quotidien glauque.
De fait, ce n’est pas exactement la parentalité qui pose question dans ce premier épisode ; en fait elle est peu mise en doute par qui que ce soit. Mais surtout la façon dont Cassandra va devoir choisir le rôle qu’elle va jouer dans la vie de ce petit garçon. Va-t-elle tourner le dos à ce gamin parce qu’elle a une idée bien précise de la vie qu’elle veut ? On se doute un peu du résultat, cependant ce n’est pas la question qui fait la valeur de la série, mais bien l’exploration de cette réponse. Après avoir choisi quelle vie elle voulait mener, Cassandra est un peu forcée de répondre à une question autrement plus difficile : quel genre de personne veut-elle être ?
Décidée à parler de beaucoup de choses à la fois, a fortiori vu la brièveté de sa saison, Manhãs de Setembro est un human drama (ce n’est pas sale) qui ne recule pas devant la difficulté. Et qui, au passage, offre un sublime premier rôle principal à la chanteuse Liniker.
J’étais un peu confuse en lisant une mère qui ne savait pas qu’elle avait eu un enfant, mais le fait que l’héroïne soit une femme trans ajoute à l’histoire (qui pour le reste est assez classique). C’est court, ça me ravie que des séries avec ce genre d’histoires et des personnes trans commencent de plus en plus à se développer !