Il est rare, quand une série est l’adaptation d’une autre oeuvre d’art (un roman, un film, etc.), que je fasse la démarche de consommer l’original avant de voir l’adaptation télévisée. Par principe, d’abord, parce que je considère qu’une série devrait se suffire à elle-même, et ensuite par manque de temps. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui me donne des regrets.
Sauf dans le cas de The Beast Must Die, une série britannique qui est non seulement l’adaptation en série d’un roman publié dans les années 30, mais aussi qui arrive après que deux films aient déjà porté l’histoire à l’écran (juste pas le même). Il est des différences d’interprétation apportées par la série qui sautent aux yeux (un genderflip, ou la présence d’une personne racisée parmi les protagonistes centrales), mais je me demande quelles sont les nuances plus subtiles qui m’ont échappé. Après tout, une adaptation, ce sont toujours des choix, et ces choix sont parlants ; je ne saurai pas ce qu’ils disent. Néanmoins, comme je me connais et sais que je ne lirai jamais ce bouquin ni ne verrai jamais ces films (tout au plus l’un d’entre eux arrivera-t-il sur ma to-watch list et y croupira jusqu’à ce que je fasse de la place sur mes disques durs… ça s’est déjà produit), je vais quand même me lancer dans une review du premier épisode. Je voulais simplement vous prévenir à l’avance qu’elle allait être incomplète.
Fort heureusement ce n’est pas l’exercice de comparaison qui donnerait tout son intérêt au visionnage de The Beast Must Die. En revanche, ce qui fait sa force est aussi ce qui peut faire du mal, attention donc.
Sur le papier, The Beast Must Die est une énième série sur la mort d’un enfant, avec une enquête de police en sus. Mais vous savez comme moi que le synopsis, ce n’est pas ce qui fait une série.
Les premières scènes de l’épisode inaugural pourraient vous tromper. On nous y familiarise avec ce qu’il convient d’appeler « l’affaire » : pendant le weekend de Pâques, lors d’un événement organisé sur l’île de Wight, un petit garçon a été renversé et est mort. Le chauffard (statistiquement c’est probablement un homme, mais on n’a pas son identité) a pris la fuite, et la police n’a jamais réussi à faire progresser l’enquête, si bien qu’il n’y a jamais eu de suspect. Pire encore, le chef de la police où l’accident a eu lieu décède peu de temps après, et son remplaçant Nigel Strangeways, bien-sûr, n’est pas trop au courant des détails.
Le crime, pourtant, hante au moins une autre personne : la mère de la victime.
Frances Cairnes était professeure des écoles quand un inconnu l’a privée à jamais de son enfant, et cela a, naturellement, tout changé pour elle. Dans le premier épisode, on sait qu’elle a arrêté de travaillé, mais après une rencontre avec Strangeways, elle décide de tout plaquer et de poursuivre elle-même l’enquête. Sauf que bien-sûr ce n’est pas une enquête, pas tout-à-fait : le but n’est pas d’obtenir justice. C’est de la faire soi-même. Quelle que soit la personne responsable de la mort de son fils, Frances a décidé de tuer le coupable.
Bien que The Beast Must Die passe un peu de temps en compagnie de Strangeways (un excellent élément de la police, qui a demandé à transfert sur l’île de Wight suite à un incident pendant lequel il a assisté à la mort d’une de ses collègues), le premier épisode se concentre principalement sur Frances Cairnes. Sa transformation extérieure, d’abord (elle reprend son nom de jeune fille, se coupe et teint les cheveux, loue un nouveau logement…), mais surtout sa transformation intérieure. Toute la colère qu’elle ressent, elle la dirige vers son but : trouver, puisque la police en a été incapable, qui a causé la mort de son petit garçon. Les spectatrices sont invitées à la voir affiner ses méthodes, trouver le bon angle, s’adapter à l’enquête qu’elle a décidé de mener, elle qui n’avait jamais rien fait de tel jusqu’à présent.
Le premier épisode ne nous laisse toutefois pas penser qu’il s’agit là du cœur de la série. Cette enquête est de courte durée : à la fin de la première heure, Frances sait (et nous aussi) qui est probablement l’ordure qui a tué son fils sans se retourner. La question centrale, c’est ce qui va se passer après.
Parce que l’aspect enquête est si secondaire (il ne l’est pas pour Frances, entendons-nous bien, mais il l’est pour la série), The Beast Must Die n’est donc pas un polar ou un thriller.
C’est avant tout un human drama (ce n’est pas sale) qui prend le temps d’explorer diverses formes de douleur. Le deuil que vit Frances, d’abord et surtout ; le traumatisme du détective Strangeways, aussi (même si pour le moment ça ne semble pas avoir un impact direct sur l’intrigue) ; et même les difficultés émotionnelles d’un personnage secondaire dont on va progressivement faire connaissance pendant l’épisode (non, il ne s’agit pas de Jared Harris que vous voyez sur le matériel promotionnel). Au final c’est un mélange de diverses formes de deuil que d’assister à ce premier épisode, et la promesse, à terme, d’explorer d’autre aspects sombres de la nature humaine, surtout si Frances finit par mettre ses plans à exécution.
L’aspect émotionnel prend le dessus dans The Beast Must Die, et quelques dilemmes moraux font également une timide apparition. Ce qui compte, ce n’est pas qui a tué l’enfant, mais plutôt comment (si c’est même possible) il est possible de trouver une conclusion satisfaisante après pareilles épreuves.
J’avais entendu parler de la série à sa sortie. Pas mon genre de série, mais c’est toujours intéressant d’en entendre parler.