La petite bourgade de Carp. Sa rivière, sa rue principale, son jeu annuel morbide. Vous savez, une bourgade comme tant d’autres !
Après tout rien ne symbolise mieux l’esprit small town qu’un high concept. Panic est la série YA ont tout le monde parle cette semaine, et vu que dans une semaine ce sera une autre, je me suis dit que j’allais dire quelques mots sur son premier épisode. Par contre, je ne m’engage pas à ce qu’ils soient positifs.
En un sens, Panic devrait avoir du mérite. Elle fait partie des séries qui commencent à parler des petites villes du ventre mou de l’Amérique sous un angle moins idéalisé qu’à l’ordinaire (Dare Me en est une autre). Cette approche « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » a longtemps été la norme dans les séries produites aux USA, et c’est d’ailleurs encore la règle pour la fiction conservatrice. On y dépeint une existence qui n’est plus décrite comme simple, mais comme limitée, et la nuance est énorme ; naître dans ces villes, y passer sa vie et y mourir, c’est le scénario cauchemar, à plus forte raison pour un public jeune. Ce n’est donc pas très étonnant que ce soit des séries pour jeunes adultes qui s’emparent en priorité du sujet.
Ce n’est pas plus étonnant que ce soit le terrain de jeu idéal pour du high concept.
En l’occurrence, Panic décrit une ville où l’avenir semble bouché. On ne sait trop par qui ni comment, à la fin de chaque année scolaire depuis plusieurs années, est organisée une compétition avec plusieurs milliers de dollars à la clé. Son nom est « Panic », tout simplement. Les jeunes qui veulent décrocher cet argent, et avec lui les opportunités de se tirer de ce trou perdu, doivent y risquer leur vie. Le meilleur moyen de survivre, car c’est vraiment de survie qu’il s’agit, est de maîtriser sa peur. Voilà, c’est comme le Port-Salut.
En tout cas ça c’est sur le papier, parce que malgré les efforts du premier épisode de Panic pour essayer de nous exposer tout ça via une voix-off, on n’en a pas trop le sentiment. Les règles du jeu sont obscures voire contradictoires (pour les joueuses c’est compréhensible, pour les spectatrices moins), la mythologie autour de la compétition ne fait pas sens (si on ne veut pas répondre à des questions, le plus simple dans un pilote est encore de ne pas les poser), et même l’attitude de la ville à propos de ces défis est floue et mal introduite (on ne parle que de ça, mais on n’est pas supposée y penser).
On ne sait pas pourquoi cette ville semble penser que c’est le seul moyen de s’extraire d’une situation sans issue ! Le premier épisode n’a même pas l’idée de nous montrer ce qui arriverait si l’une de ces gosses décidait de prendre sa voiture et de partir chercher un job ailleurs. Comme plein de gamines issues de ces localités le font, d’ailleurs. Pourquoi pas les jeunes de Carp ? Et puis, pourquoi les adultes sont aussi inutiles ? Ne sont-elles pas passées par la même terreur d’échouer, voire, pour les générations les plus récentes, par le même jeu ? Bon, à part pour des raisons évidentes de « on veut une série sur l’entrée dans le monde adulte mais sans adulte », comme absolument toutes les séries similaires.
Qui plus est, nous sommes sommées de suivre dans ce jeu mortel une héroïne dont on a su dés la première scène (ne serait-ce qu’à cause de la voix-off, qui lui appartient) qu’elle y prendrait part, quand bien même elle jure mordicus ne pas être intéressée. A d’autres. Pourquoi le fait-elle ? Eh bien primo parce que, sans ça, il n’y a pas de série, et deuzio, because of reasons. Les causes immédiates sont claires, mais ressemblent à des lubies de scénariste ; et les causes profondes ne sont pas vraiment explicitées ou alors à la va-vite.
Panic veut en fait EMPLOYER ce désespoir causé par une condamnation à rester en ville, mais elle ne veut pas l’EXPLORER. Et au final, il apparaît de son pilote mal ficelé veut surtout donner dans le torture porn, et pas trop se poser de questions sur comment on en arrive là. Dramatiquement, ne surtout pas trop se fouler.
Qu’on ne veuille pas faire une série trop intellectuelle, ça se comprend ; qu’on la conçoive avec les pieds faute de se pencher réellement sur ce qu’on décrit, c’est un autre problème. La bonne nouvelle, c’est qu’au-delà du micro-évènement de sa sortie sur Amazon Prime Video, il n’en restera rien. Des séries high concept comme elle, les plateformes nous en chient à l’année. Alors passez-y votre weekend si vous avez vraiment envie de frissons à bas prix (et que vous avez déjà regardé toutes les meilleures séries high concept du marché), et puis oubliez-la… De toute façon, c’est probablement ce que le reste de la planète fera également dés lundi.
Je n’en avais même pas entendu parler à sa sortie et je vais continuer à l’ignorer. 😛