Rien de plus innocent qu’un club lycéen dédié à la littérature, pas vrai ? Pas exactement. Au fil de leurs lectures, les 5 adolescentes d’Araburu Kisetsu no Otomedomo yo vont découvrir la littérature érotique, et à travers elle, former leurs propres désirs.
Cela ne devrait pas être un sujet de série étonnant. Environ 23,5% des lycéennes japonaises ont déjà eu des relations sexuelles, après tout (c’est en tout cas la statistique que Momoko dévoile au début de ce premier épisode à l’héroïne, Kazusa), mais à voir les séries japonaises, on ne dirait pas. Tentative assez inédite dans le panorama audiovisuel nippon, Araburu Kisetsu no Otomedomo yo met des mots sur l’éveil sexuel de ces jeunes filles.
Tout commence avec la lecture d’une scène explicite dans un roman, que Kazusa, Momoko, Hitoha, Niina et Rika lisent ensemble lors de leur club, tenu en petit comité et sans supervision adulte. Ce qui au départ devait être une opportunité de lire des ouvrages plus avancés que le programme scolaire classique suscite bientôt l’embarras dans la petite salle sombre où elles se réunissent. Rika, présidente du club, n’apprécie pas la vulgarité du moment ; certaines de ses camarades sont moins bien révulsées. La conversation s’oriente vers le prochain ouvrage d’un auteur que le club a beaucoup apprécié, et qui reposerait sur le principe de bucket list. D’ailleurs, qu’est-ce qui figurerait dans leur bucket list, si elles devaient mourir bientôt ? La réponse de Niina est sans détour : le sexe.
Et maintenant que les mots ont été prononcés, ils vont tourner dans la tête de tout le monde.
De mots il va vraiment être question ici. Sans doute plus encore que dans Mousou Shimai, une autre série japonaise mêlant sensualité et littérature. Dans Araburu Kisetsu no Otomedomo yo, les mots sont intrigants, envoûtants, mais aussi parfois choquants ; plutôt qu’éviter ce choc à ses personnages (et donc ses spectatrices), la série les emploie, et regarde l’effet qu’ils ont. Quand bien même Rika est décidée à remplacer le mot « sexe » par un terme plus littéraire, n’importe lequel, il est leur désormais impossible d’éviter le language. Et avec le language viennent les idées. Ou plutôt, elles se communiquent plus facilement.
Notre héroïne est principalement Kazusa, donc, non pas en dépit du fait qu’elle soit quelconque, mais parce qu’elle l’est. Elle oscille un peu, encore, entre l’innocence enfantine et le monde adulte ; comme Rika elle est parfois écœurée, mais comme Niina elle est intriguée. Le premier épisode la suit, aussi bien dans ses conversations avec sa meilleure amie Momoko, que dans les scènes embarrassantes qu’elle partage avec son voisin et ami d’enfance, aujourd’hui devenu un garçon si populaire, le si beau Izumi. Les sentiments qu’elle a fait son possible pour étouffer font surface au même moment qu’elle peut mettre des mots sur certaines formes de son attraction pour lui. Les choses ne peuvent indéfiniment rester innocentes ; Kazusa réalise aussi qu’elle ne le veut pas vraiment. Mais qu’elle ne le veut pas. Argh, c’est compliqué !
L’épisode culmine avec une scène formidable pendant laquelle, sur ordre de sa mère, elle apporte des restes à Izumi, et le surprend en pleine session de masturbation devant du porno. C’est une chose de lire des mots comme « gourde ouverte » dans un roman, et de murmurer des mots comme « sexe » en petit comité, mais c’en est une autre que de découvrir que l’autre y pense aussi.
Je n’ai pas lu le manga qui a donné naissance à Araburu Kisetsu no Otomedomo yo (ou O Maidens in Your Savage Season de son titre anglophone, et pour une fois j’adore aussi le titre anglophone), pas plus que je n’ai vu l’adaptation animée qui précède la série live d’environ un an. Ne manque plus qu’une novelisation et la boucle serait parfaitement bouclée ! Je trouve intrigant que le manga soit paru dans une publication shounen, donc avec un public-cible masculin, et que la série soit en revanche si peu intéressée par le male gaze. Voilà qui me donnerait presque (presque !) envie de me lancer dans une étude comparative, mais même si je décidais de m’y mettre, ce ne sera certainement pas le sujet du jour.
En tout cas, le succès sous divers format de ces personnages et leur éveil sexuel semble indiquer que pas mal de monde se retrouve dedans. Ce qui me donne beaucoup de soulagement parce que c’est toujours le genre de choses sur lesquelles je ne sais pas me placer ; c’est difficile de comparer ce par quoi chacune et chacun peut passer à l’adolescence, parce qu’il y a une dimension sociale particulièrement envahissante. Quand à l’adolescence je discutais avec des amies de sexe (et encore, c’était rare), il y avait toujours un peu l’idée sous-jacente que chacune ne dirait pas toute la vérité, qu’il y aurait des choses passées sous silence et d’autres qui seraient embellies. Puis, à l’âge adulte, ça n’a plus autant d’importance de se comparer pour savoir si on est « normale », et au final on n’a jamais qu’une vague idée.
Pourtant je me suis retrouvée, presque comme pour un flashback, dans les réactions de Kazusa. Le mélange de répulsion et de fascination est intéressant, et promet dans les épisodes suivants d’être exploré de façon complexe.
Certaines, peut-être, sûrement, vont faire des expériences ; d’autres probablement pas. Car ce qui compte bien-sûr dans Araburu Kisetsu no Otomedomo yo, ce n’est pas tellement que les héroïnes aient des relations sexuelles : c’est qu’elles y pensent. Et comment.
Passionnant comme sujet de série !