The practice makes perfect

14 mars 2021 à 20:52

Ce weekend, à la base, je voulais vous parler de Bombay Begums. C’était sur le planning et tout. Le premier problème que j’ai eu a été de me procurer le premier épisode. Le second problème a été que je l’ai tellement aimé… que maintenant je veux vous parler plutôt de toute la saison ! La tuile, quoi. Mais euh, du coup… retour au premier problème d’acheminement. En plus ya un troisième problème, mais je vous en parlerai le moment venu.
Donc euh, qu’est-ce qu’on fait, on plie les gaules et on annule tout ?

Je vous rassure, en l’an de grâce 2021, il y a beaucoup de choses dont on peut se plaindre… mais certainement pas de n’avoir rien à dire sur les séries. Comme par exemple, mettons, un legal drama afro-américain ? C’est pas le genre de choses dont on a l’occasion de parler tous les jours. Cette semaine, OWN lançait en effet sa nouvelle série Delilah, qu’on doit à Craig Wright.

Ce nom ne parlera pas forcément à tout le monde et pourtant ça fait 20 ans qu’il travaille sur quelques unes des séries les plus importantes de la télévision étasunienne : il a fait ses débuts au sein de la writers’ room de Six Feet Under (et obtenu un Emmy pour un épisode écrit à l’époque), puis on l’a trouvé sur Lost et Brothers & Sisters. Par la suite il a pu créer sa première série, Dirty Sexy Money ; ça n’a pas duré, comme on sait, et il a passé quelques années à tenter sa chance sur des projets aussi différents qu’Underemployed, Rush ou Tyrant. Finalement c’est sur OWN qu’il a posé ses valises, grâce à Greenleaf qui est devenue un solide succès de 5 saisons sur la chaîne d’Oprah (et qui a un spin-off en préparation à l’heure actuelle).
Jusqu’à Greenleaf, personne dans le monde téléphagique n’avait vraiment pris OWN au sérieux ; s’acoquiner avec Tyler Perry a ce genre de conséquences, étant donné que son succès financier se traduit rarement en succès critique et qu’il avait créé pour la chaîne The Haves and the Have NotsIf Loving You Is Wrong et Love Thy Neighbor. Certaines ont eu plus de succès que d’autres, sans conteste, mais les chiffres, ça ne fait pas toujours tout. Et à OWN, une toute jeune chaîne visant le public noir, dont la politique de fiction était plus récente encore, il semblait manquer une légitimité qu’il a fallu aller chercher chez d’autres créateurs. Greenleaf était la première étape de cette transformation (et Queen Sugar une autre). Aussi bien au niveau de son CV que sur un plan symbolique, Wright a donc accompli énormément.
Ce qu’ont les séries de son parcours ont en commun ? Rien ou trois fois rien. Certaines scénaristes de télévision ont un genre ou un ton bien spécifique ; Wright est plutôt un touche-à-tout (il a des thèmes, cependant, et j’ai hâte de voir comment ils vont être développés ici). Ce n’est pas sans curiosité que j’ai attaqué son nouveau projet ; croyez-moi, ce visionnage du premier épisode de Delilah n’était pas un pis-aller.

Delilah est le nom d’une avocate et mère de famille (incarnée avec une présence incroyable par Maahra Hill qui jusque là était passée sous mon radar). Lorsque la série commence, elle jongle entre toutes sortes de responsabilités : ses deux enfants Maia et Marcus, d’abord, qu’elle élève seule depuis son divorce (et son ex-mari n’est pas franchement fiable) ; son neveu Dion, qu’elle héberge depuis plusieurs mois (le père de celui-ci, un militaire, a été blessé au combat, et sa mère est aux abonnées absentes) ; son cabinet, qu’elle tient seule (même si elle est largement épaulée par une assistante épatante, Harper) et où elle s’est promis de venir en aide aux plus faibles ; et sa vie sociale, parce qu’elle essaie quand même d’en avoir une, notamment avec sa meilleure amie Tamara (également une avocate). La vie de Delilah est donc, sans conteste, très bien remplie. Financièrement ce n’est pas toujours facile, mais les choses ne sont pas si pires dans l’ensemble. Malgré cet emploi du temps perpétuellement chargé, Delilah trouve d’ailleurs toujours le moyen d’écouter ses enfants, son neveu ou ses clients avec attention et patience, et le premier épisode montre cela en dépit d’une journée d’introduction vécue à 712m/h.

Pourtant plusieurs choses, sans qu’elle s’en aperçoive, vont commencer à venir charger encore un peu la mule.
D’une part, il y a cette jeune femme, Demetria, qui se présente à elle sans dévoiler tout de suite qu’elle cherche à rejoindre le cabinet de Delilah (je crois que je n’avais jamais vu quelqu’un faire passer un entretien d’embauche sans le savoir avant !). Mais surtout, il y a cette vieille connaissance, Leah, qui reprend contact un peu brutalement.

Delilah comme Delilah minimisent d’abord l’importance du premier message de Leah. Le premier épisode semble au début être un drama comme tant d’autres sur une femme qui essaie de « tout » avoir (et qui ne se débrouille d’ailleurs pas trop mal malgré les circonstances), mais bifurque sans qu’on s’en rende vraiment compte vers un legal drama pur jus. Chaque interaction avec Leah va faire monter crescendo les enjeux ; ce qui semblait n’être qu’une affaire de plus (et une affaire que Delilah ne voulait même pas accepter, en plus) va clairement devenir un fil rouge pour la suite.
A la fin de cet épisode introductif, c’est comme si on avait complètement changé d’univers. Les scènes familiales et amicales sont toujours là, mais elles ont d’ores et déjà un air plus inquiétant voire menaçant, à cause de ce qui se trame au cabinet. Delilah a mis le doigt dans un engrenage qui pourrait tout menacer.

La montée en puissance de cette introduction est du genre qu’on devrait faire figurer dans les livres de classe. Delilah n’abat pas toutes ses cartes tout de suite, mais n’est pas non plus dans une démarche de nous faire mariner avant que les choses ne deviennent sérieuses. La vie de son héroïne est composée d’ingrédients qui sont suffisamment forts dramatiquement par eux-mêmes sans que l’épisode ne semble se reposer sur le suspense.
Pourtant, quand est venue la fin de cet épisode (en moins de 40 minutes montre en main, en plus), j’ai laissé échapper une exclamation mi-choquée mi-ravie. Delilah est une série qui a 20 ans d’expérience et ça se sent.

C’est, en outre, l’un des très rares legal dramas commandés par une chaîne Black-owned, à destination d’un public afro-américain et un cast uniquement noir. C’est encore très, très rare de voir des séries de ce type sur ces chaînes, qui n’en ont pas la tradition (mais j’ai déjà résumé l’histoire de la télévision afro-américaine plusieurs fois, par exemple ici, donc permettez que je ne me répète pas). Il y en a eu, bien-sûr, comme In Contempt sur BET, mais ça reste encore très marginal. Pour quelqu’un qui, comme moi, raffole des séries juridiques, un genre où on ne peut tolérer rien moins que de la finesse et de l’intelligence, assister à une aussi solide mise en place ne peut être qu’un régal.
Il n’y a, à tous les niveaux, que de bonnes choses à dire de ce premier épisode de Delilah. Et du coup je n’ai aucun regret : on parlera de Bombay Begums une prochaine fois.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Oh, j’espère bien que la série arrivera par chez nous un jour, ça ravirais ma mère.

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