Il y a des jours pendant lesquels tout semble aller de travers. Des jours où tout semble trop lourd à porter et où on espère qu’à un moment, le plus insignifiant des détails va nous requinquer. Des jours à la fin desquels tout ce qu’on veut, c’est trouver quelque chose ou quelqu’un pour nous remettre d’aplomb, histoire de pouvoir aller affronter le suivant.
La série d’appétit dont on va parler aujourd’hui est une nouvelle variation autour de la formule, et s’intitule Nishiogikubo Mitsuboshi Youshudou. Un nom qu’elle doit au quartier tokyoïte de Nishiogikubo, connu principalement pour ses bars élégants, ses restaurants intimistes et ses boutiques d’antiquité. Ca vous donne déjà un peu une idée de l’ambiance.
J’ai déjà eu l’honneur de vous parler, par le passé, de ce que je surnomme « séries d’appétit », faute d’une appellation officielle. Les séries d’appétit (qui souvent sont des adaptations de manga) ont l’apparence d’une série sans grands enjeux, et presque sans intrigue même, où l’essentiel est de présenter divers mets consommés par des personnages de tout acabit. C’est de la slow TV scriptée, en un sens.
Derrière cette vocation simple, il y a l’une des tâches les plus nobles qu’on puisse imaginer : celle d’apporter un peu de réconfort aux spectatrices. Quand à la fin d’un épisode, les protagonistes ont le ventre plein, les spectatrices ont leur cœur réchauffé.
En réalité, Nishiogikubo Mitsuboshi Youshudou n’est pas une série d’appétit classique ; la formule de ce sous-genre est en fait très spécifique (et détaillée ici), et n’a d’ordinaire qu’une seule protagoniste.
Le premier épisode de Nishiogikubo Mitsuboshi Youshudou semble commencer de cette façon : un chef démissionne du restaurant étoilé où il travaillait (et est même prêt à se séparer de ses couteaux, n’ayant plus l’intention de cuisiner à l’avenir), et erre dans la ville, le cœur en peine, sous la pluie, bien-sûr sous la pluie, avant de tomber par hasard sur un établissement où il va finir par entrer.
Sauf que le twist, c’est que le barman de cet établissement est quelqu’un avec qui il allait au lycée, et que c’est avant tout la raison pour laquelle il entre dans ce bar.
Nakauchi, c’est le nom de notre chef, déguste un cocktail tout en prenant des nouvelles de son camarade, Amamiya. Celui-ci était l’un des meilleurs élèves, et président du conseil de classe, à l’époque ; aussi c’est un peu surprenant de le voir opérer derrière un comptoir servir des verres à longueur de soirée. Mais une chose est sûre : Amamiya est resté le même. Il a toujours eu un don pour parler à des personnes très différentes, avec ce mélange d’intelligence émotionnelle et d’insistance qui fait qu’on se sent à la fois invitée à lui parler, et un peu obligée aussi. Force est de constater que le rôle de barman sied parfaitement à Amamiya.
Pendant que les deux anciens camarades de classe discutent, dans le fond du bar, Nakauchi découvre qu’un troisième homme est présent. Il va s’avérer que cet homme n’est autre que Kobayashi, également une connaissance remontant au lycée. Les trois garçons n’étaient pas spécialement amis, mais les trois hommesse mettent à discuter, maladroitement, comme n’importe qui après plus d’une décennie sans se parler. Dans le même temps, une jeune femme trempée par la pluie entre dans le bar, et sur l’invitation d’Amamiya, commande un verre en attendant que le temps soit plus clément pour rentrer chez elle.
C’est à peu près l’intégralité de l’intrigue de ce premier épisode (dans les grandes lignes, en tout cas), au cours duquel les échanges entre les personnages remplacent le dialogue intérieur propre aux séries d’appétit. On retrouve, certes, un point d’orgue similaire, atteint vers la fin de l’épisode lorsque la cliente commande à manger. C’est à ce moment-là qu’on découvre qu’outre les cocktails préparés par Amamiya l’établissement sert des plats en conserve, que Nakauchi est invité à cuisiner pour la cliente, et que finalement celle-ci déguste, étonnée et ravie, un plat qui va totalement apaiser ses tourments. Mais pour l’essentiel, cet épisode évite plusieurs des passages obligés de la série d’appétit.
Il y a une bonne raison à cela : Nishiogikubo Mitsuboshi Youshudou a décidé (un peu comme Konya wa Konoji de, si vous vous souvenez), que l’appétit des personnages était plus pour les interactions que pour une boisson ou un plat. C’est de contact humain dont tout ce petit monde a besoin, et plus spécifiquement, de l’environnement très particulier que favorise un bar calme comme celui-là. Le genre d’endroit où on peut vraiment parler de ce qu’on a sur le cœur, de ce qui pèse, de tout ce qui semble aller de travers. Et, oui, certes, des cocktails et un étonnant plat à base de conserves (qui sont clairement le gimmick de cette série ; toutes les séries d’appétit on le leur).
Si vous voulez voir des gens boire des cocktails colorés et déguster des plats étranges à base de conserves pendant une petite demi-heure, bon, effectivement vous avez poussé la bonne porte, mais il y a mieux dans le genre. Cela étant, si vous aviez besoin de voir des personnages ouvrir leur cœur à des inconnues (ou quasi-inconnues) pendant un peu moins d’une demi-heure, dans un univers comme parallèle, où le monde extérieur n’aurait aucun pouvoir sur personne, pour vous sentir mieux, alors Nishiogikubo Mitsuboshi Youshudou est absolument la série que vous avez besoin de découvrir en ce début d’année.
Il y a des jours pendant lesquels tout semble aller de travers. Pour ces jours-là, il y a la fiction japonaise.
Je suis contente d’être tombée sur le drama grâce à Machida Keita. Ça n’est pas la série de l’année et je l’aurai sûrement oublié lorsqu’elle sera finie, mais en attendant quand je commence l’épisode, ça me met de bonne humeur et je suis dans une petite bulle toute sage pendant 30 minutes. (Et puis l’autre jour après avoir découvert que la conserve de bœuf servie coûtait $20, j’ai écrit un sonnet sur les boîtes de conserve alors rien que pour cette soirée absurde qui m’a mise de bonne humeur, ça valait le coup de la regarder.)