Comme je vous le disais récemment, j’avais des envies de séries fantastiques en ce moment, et ne trouvant rien d’épatant du côté des séries chinoises (mais je continue de fouiller), où pourtant mes pas me guidaient, j’ai dû faire preuve d’un peu plus de créativité. C’est à ce moment-là de ma quête que je me suis souvenue d’un dorama nippon diffusé l’an dernier, et sur lequel, au départ, j’avais joyeusement fait l’impasse.
Ce que j’ai trouvé dans Densetsu no Okaasan n’est pas vraiment ce que j’étais venue y chercher. Mais j’ai eu la surprise de découvrir une série avec quelque chose de très actuel à raconter sur notre société, et je m’en vais partager ma trouvaille.
Densetsu no Okaasan, il me faut commencer par là, est en réalité une comédie d’heroic fantasy ! Elle se déroule dans un royaume imaginaire dans lequel le Mal incarné (« maou« , un terme générique qui peut se traduire entre autres par démon ou diable) a été jadis scellé, mais s’est depuis libéré. Son armée avance vite et il faut absolument faire quelque chose, aussi tous attendent du Roi qu’il prenne une décision. C’est finalement son conseiller Katou qui rappelle à tous qu’une équipe légendaire a su par le passé se débarrasser du Mal. Elle peut sûrement le faire une deuxième fois ?
Manque de chance, l’une de ses membres, la légendaire sorcière Mei, a aujourd’hui des empêchements : elle est mère d’une fille en bas âge et tout son temps est accaparé par ses occupations de femme au foyer.
Il faudra donc se débrouiller sans elle pour se débarrasser du Mal !
Evidemment, non. Toute l’intrigue de Densetsu no Okaasan va tourner autour de la problématique suivante : comment Mei peut retourner au combat, où elle ses compétences sont nécessaires, tout en s’assurant que son bébé est entre de bonnes mains ? D’ailleurs c’est annoncé dés le générique de la série…
Aaah oui, parce qu’il faut que je vous dise : Densetsu no Okaasan utilise pour son univers, et donc une large partie de son humour, les codes du jeu video, et plus particulièrement du RPG traditionnel. C’est ce qui explique les décors pseudo-européens, les costumes, et tout le toutim. Amateurs de jeux videos en 2D top-down, vous allez d’ailleurs vous régaler ! Chaque fois que Densetsu no Okaasan (qui est une série nocturne de la NHK, donc produite sans un rond) veut proposer une scène un peu fantastique, plutôt que d’investir dans des effets spéciaux, elle propose une scène (voire même parfois seulement un plan) en pixel art, reprenant les visuels et les menus des classiques du genre. Quant à la musique ? C’est de la musique de RPG également, et on a même des effets sonores en 8-bits. La totale. Quand ce n’est pas ça, ce sont des personnages qu’on surprend avec, à la main, une vieille Game Boy (l’originale, en noir et blanc !) ou une manette de SNES.
L’hommage est total, et crée un décalage extraordinaire avec l’action (et le fait que ce monde a des téléphones portables et toute cette sorte de choses).
Parce que je maintiens que l’intrigue est très actuelle, alors revenons-y.
Le problème de départ de la série, c’est donc que Mei est désormais mère au foyer et qu’il faut bien que quelqu’un s’occupe de sa petite fille. D’autant que son mari, Mob, est un employé avec des heures de travail plutôt longues, et qu’il ne peut pas s’en charger.
Partant de là, Mei va tout tenter pour essayer de retourner faire son travail de sorcière légendaire, et quand même veiller au bien-être de sa fille. Dans le même temps, le Roi aussi essaie de trouver une solution (rapport au fait qu’il a quand même un peu envie que l’équipe légendaire puisse sauver son royaume), et essaie d’intervenir.
Premier problème : les crèches sont pleines. Il y a presque deux ans d’attente entre l’inscription et l’obtention d’une place ! Mei pourrait obtenir une dérogation parce que ses services sont importants, mais elle refuse de passer devant toutes les autres familles également sur liste d’attente. Le Roi décide alors qu’il y a une solution toute trouvée : faire en sorte que Mob soit viré, comme ça il reste à la maison et Mei peut partir au combat. Le problème c’est que jusqu’alors, Mob a vécu l’existence paisible d’un époux japonais comme les autres, ne s’étant jamais préoccupé de tâches ménagères et encore moins de soins infantiles. Mei conclut rapidement qu’elle ne peut pas laisser sa fille à la maison avec lui. Elle tente aussi d’emmener le bébé pendant ses aventures avec l’équipe légendaire, mais c’est trop dangereux et ne marche pas non plus…
Vous l’aurez compris, Densetsu no Okaasan est une série sur le problème de la garde d’enfants, mais aussi sur les rôles genrés dans le couple. A la fin, de qui est-ce donc réellement le travail de tenir la maison et éduquer les enfants ?
Avec des ingrédients de départ très similaires à la saga parodique Yuusha Yoshihiko (trois séries de TV Tokyo diffusées entre 2011 et 2016), Densetsu no Okaasan essaie d’aller plus loin que l’humour, et emploie son univers complètement décalé comme une vaste satire.
L’incarnation du Mal, Maou (qui a bien du mal à comprendre pourquoi les humains ont tant de mal à s’organiser pour venir se battre), essaie de se familiariser avec les codes sociaux humains. Ca n’a aucun sens pour elle (oui, le Mal est une femme aussi) que l’humanité n’ait pas mis en place de système de garde, ou que les parents ne contribuent pas à part égale aux tâches domestiques. Les choses prennent même un tour surréaliste quand elle décide de piéger tout le monde, et attirer les humaines en créant un gigantesque système de garde universel dans le monde des Enfers, ce qui forcément est très alléchant. Parce que Maou se place du côté de la logique et reste insensible aux constructions sociales, elle est systématiquement incapable de comprendre la faille terrible qui menace toute la société humaine. Pendant ce temps, le Roi humain (qui est une triple andouille dont la seule préoccupation est qu’on lui répète combien il est un bon roi) est proprement incapable de comprendre le problème.
Ce sera donc à Mei d’essayer de trouver la solution toute seule. Enfin, pas toute seule : elle peut compter sur le soutien de Katou, le conseiller du roi, qui secrètement en pince pour elle depuis des années. Il y a aussi le reste de l’équipe légendaire, ses amies de longue de date : la voleuse Vera (aujourd’hui divorcée et mère d’un petit garçon), la guerrière Poko et le moine Kukai (qui vont tomber amoureux pendant la saison), et, au moins au début, le héros Masamune (lui-même mari et père d’un enfant, le second est en route). Tout ce petit monde a ses propres biais, ses propres expériences, ses propres difficultés avec les rôles genrés, et certains épisodes vont les explorer comme autant de scénarios qui pourraient donner la solution à Mei pour résoudre ses problèmes… Et puis, et Mob dans tout ça ?
Il y a donc de bonnes choses qui se disent, et qui se disent de façon loufoque, dans Densetsu no Okaasan ; si vous êtes ne serait-ce qu’un peu familier de l’humour japonais, ça devrait vous plaire. Mais je tiens aussi à vous mettre en garde : outre son petit budget, elle a quelques défauts.
Je ne pensais pas dire ça un jour d’une série nippone, mais avec ses 8 épisodes d’une demi-heure chacun, Densetsu no Okaasan est limite trop longue. Il y a plusieurs épisodes qui reviennent sur des choses déjà dites, ou introduisent des péripéties qui ne sont ni les plus drôles sur la forme, ni les plus pertinentes sur le fond. Même si je veux bien croire que certaines subtilités de la métaphore qu’emploie la série m’aient échappé, je crois quand même aussi qu’il y a simplement des moments où l’intrigue joue les prolongations pour pas grand’chose. Certains passages m’ont évoqué le reproche qu’on fait parfois à des sketches de Saturday Night Live : l’idée de départ était bonne, mais la faire tenir sur plusieurs minutes relève de l’impossible.
Et puis, il y a la fin de la série. Personnellement je l’ai trouvée un peu couarde après avoir mis en place certaines choses. Je ne vous en dis pas plus, des fois que vous voudriez y jeter un oeil, et ça ne signifie pas que cette fin est totalement ratée, mais politiquement, bon, c’est pas exactement la conclusion que j’en aurais tirée.
Reste qu’avec tout ce qu’elle met en place, son humour étrange, ses références vidéoludiques, et ses problématiques pourtant tellement sérieuses, Densetsu no Okaasan a au moins le mérite d’avoir essayé de faire quelque chose d’original et de risqué. Tous les défis n’ont pas forcément été relevés à la hauteur de mes espérance, mais je me suis bien marrée et ça reste, dans le fond, l’essentiel pour une comédie.
Je n’y connais rien en séries nipponnes, mais malgré ses défauts tu me l’as très bien vendue. Je la regarde dès que possible !
Mmh… L’article est intéressant (comme toujours) et à ce que tu dis de la série, je suis intéressée par le propos, et également par la forme (le pixel art). Ce qui m’attire moins c’est que tu évoques Yuusha Yoshihiko que j’avais essayé de regarder (sur tes conseils, il me semble) mais auquel je n’avais pas vraiment adhéré, l’humour ne me correspondant pas, du moins à l’époque. Je ne sais même plus si j’avais terminé le premier épisode. J’ai bien compris qu’ici la série développe aussi quelque chose, mais ce que tu dis à la fin sur les longueurs me fait un peu peur, compte tenu de mon a priori sur l’humour de base. Enfin, que je décide de tester ou pas, j’ai pris plaisir à te lire 🙂
Ah c’est quasiment sûr que c’est moi qui ai fait du lobbying sur Yuusha Yoshihiko, je suis ultra fan de la franchise. Mais je reconnais que l’humour japonais (et plus encore quand il est bourré de références comme là), c’est pas pour tout le monde. J’ai une autre review d’une comédie japonaises dans les starting blocks, je promets pas que ça te donnera plus envie, mais au moins ça te donnera plus de choix XD
Ben après l’humour japonais, ça dépend un peu, je suppose. Par exemple, je suis très fan des comédies de Kudo Kankuro en général, mais c’est vrai que Yuusha Yoshihiko, j’avais pas accroché pour le coup. Et oui, c’est possible aussi que je n’aie pas capté toutes les références^^ Il faudrait que je retente. Des fois c’est une question de timing et d’humeur, aussi 🙂 Je suis curieuse de voir de quelle comédie japonaise tu nous parleras, alors !
Ah non mais des fois faut pas chercher midi à quatorze heure, si ça passe pas, ça passe pas. Mais c’est vrai que le timing fait pour beaucoup.
(wow, après vérification, j’ai vu AUCUNE de ses séries, et je suis dans une phase de séries japonaises… bien bien bien)
Il a ses hauts et ses bas. Récemment j’ai beaucoup aimé Kangoku no ohimesama, en tous cas 🙂 En plus, le cast est extra ♥ Et Mitsushima Hikari = ♥
Bon, j’ai regardé et en fait je suis assise sur le premier épisode de Kangoku no Ohimesama depuis le 26 décembre 2017. Heureusement que je ne crois pas au retard, hein…
Pas sûre du tout que je regarde la série, mais j’aime beaucoup le concept et rien que le fait qu’elle existe, malgré ses défauts, me met très en joie. Au moins quelque chose est tenté et ça, j’aime bien. 😀