Horsepower

9 janvier 2021 à 21:58

A ce stade, associer adolescence et chevaux relève du plus banal des clichés. D’ailleurs la télévision ne s’y est jamais trompée, et de nombreuses séries ont utilisé cette recette. Ce ne sont pas les exemples qui manquent : The Adventures of Black Beauty (dés 1972, avec un sequel deux décennies plus tard), The Black Stallion (diffusée sous nos latitudes sous le titre L’étalon noir dans les années 90), Caitlin’s Way (2000, mais plus connue chez nous comme Caitlin, Montana), The Saddle Club (2001), Wildfire (brièvement en 2005), Heartland (la plus longue série dramatique dans l’histoire de la télévision canadienne, à l’antenne depuis 2007), Ride (2017) ou Free Reign (lancée par Netflix en 2017)… J’en oublie sûrement.

Ah, oui, tiens, justement, j’ai failli oublier Mystic.

Comme beaucoup des séries équestres que je viens de citer, Mystic est une co-production entre des chaînes de plusieurs contrées, ici la Nouvelle-Zélande (où est également tournée la série), l’Australie et le Royaume-Uni. En fait les canassons n’y sont pour très peu dans tout cela : c’est la norme pour la plupart des séries live action à destination de la jeunesse. La fiction pour cette tranche d’âge est si difficile à financer dans chaque pays individuel, que ce genre de coopération internationale est devenue quasiment obligatoire. Sitôt qu’on veut sortir du cahier des charges des sitcoms Disney/Nickelodeon (ce que la plupart des chaînes publiques de la planète préfèrent), et faire montre d’un peu d’ambition, il faut bien s’associer.
Mystic n’a donc rien de fondamentalement unique sur le papier. Et puisqu’on parle de papier, c’est aussi l’adaptation d’une série de romans appelés Pony Club Secrets, là aussi une manne sans fin pour l’industrie du livre jeunesse. Comme ça on a vraiment le package complet.

Effectivement, l’épisode inaugural de Mystic est une parade de tropes : l’adolescente qui a déménagé malgré elle (elle est Britannique, ça fait un mois à peine qu’elle est arrivée en Nouvelle-Zélande, plus précisément dans la bourgade fictive de Kauri Point), l’entente difficile avec les membres de sa famille (son père vient de mourir et les rapports avec sa mère sont tendus ; sa grand’mère est une excentrique), l’isolement (toutes ses amies sont bien évidemment restées « dans son ancienne vie »), la rebellion (au début du premier épisode, la jeune fille tente de fuguer)… C’est la totale. Pour bien enfoncer le clou, notre héroïne Issie arbore cheveux décolorés et piercing, et fait la tête de bout en bout de cet épisode, histoire de bien enfoncer le clou.
A mesure que l’épisode va se dérouler, elle va progressivement faire la rencontre de plusieurs personnes évoluant autour de l’étable voisine, et notamment d’autres adolescentes qui elles, vivent là depuis toujours. Le groupe est hétéroclite et là encore sans surprise : Natasha, élégante et riche ; Stella, la petite marrante du groupe ; Caleb et Caroline, les jumeaux ; Dan, le garçon d’écurie… Issie est relativement bien accueillie, mais un étrange cheval sauvage va compliquer passablement les choses.

Malgré cette enfilade de clichés, à regarder son premier épisode, Mystic a envie d’essayer quelque chose, c’est net. Derrière le stéréotype de l’adolescente désabusée qui va se lier avec un cheval (et, grâce à lui, s’ouvrir aux autres), se préparent d’autres thèmes.
D’abord parce que, comme l’indique la scène d’ouverture de la série, ce mystérieux cheval sauvage ne sort pas de nulle part. Il vivait dans une partie sauvage de Kauri Point jusqu’à ce que des travaux ne viennent l’en déloger, lui et ses semblables (la scène semble tirée tout droit de FernGully). Lorsqu’il apparaît, blessé, devant Issie, elle ignore ce qui s’est passé, mais il ne fait nul doute que l’adolescente, et probablement ses amies, vont progressivement prendre la mesure de la catastrophe environnementale qui se joue. C’est-à-dire que Mystic, très consciente d’être une série de 2020, a parfaitement intégré des enjeux modernes à ses mécanismes traditionnels.
Il semble aussi y avoir une dimension fantastique et/ou spirituelle dont pour l’instant le premier épisode de la série dit peu. La plupart des séries du genre se veulent très réalistes : elles ressemblent à des publicités pour le centre équestre le plus proche, on y montre des animaux qu’on brosse, débourre, et avec lequel on part en balade au moins une fois par épisode (comment ça je caricature ?). Mais Mystic met aussi en place un deuxième cheval, d’un blanc irréel, qui apparaît uniquement à Issie. Est-ce l’âme de son père, veillant sur elle avant un dernier adieu ? Est-ce l’âme des chevaux sauvages, attendant d’elle qu’elle les sauve du danger ? Un peu des deux ? Autre chose ? C’est rare pour une série de ce type de faire appel à ce genre d’ingrédient, et je suis curieuse de savoir où Mystic essaie d’en venir.

Du coup, même si elle ne réinvente rien, cette série pour la jeunesse se laisse regarder, et apporte quelque chose de nouveau à un genre d’ordinaire peu flexible. Je recommande aux adolescentes de votre entourage… ou à celles qui secrètement dorment au fond de vous.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Ah les séries pour ados avec des chevaux. Qu’est-ce que j’ai pu en regarder gamine (et puis les dessins animés aussi). Ravie de voir que les séries plus récentes essaient de faire quelque chose avec les tropes très classiques du genre.
    (au fait, typo « l’adolescentes »)

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