Puisqu’hier on parlait de choses positives, alors autant essayer de poursuivre le mouvement. Jetons donc ensemble un oeil à B Positive, un sitcom qui a débuté aux Etats-Unis en Novembre dernier, et dans lequel deux personnages que tout oppose se trouvent à cohabiter. Le twist ? C’est pour des raisons de santé !
Je vais couper court d’emblée à toute forme de suspense : cette review sera moins enthousiaste que celle de Ted Lasso hier. En fait, je vais même vous dire : malgré son titre, B Positive n’est absolument pas positive. C’est déprimant.
Et je ne parle pas simplement du postulat de départ, dans lequel un homme du nom de Drew découvre qu’il est en insuffisance rénale et doit probablement commencer à s’inquiéter de trouver un potentiel donner de rein. Non, ça à la limite, ça ne m’ennuie pas : nombre de sitcoms sont capables de faire rire avec les choses les plus graves. Jurisprudence Grace Under Fire ou Titus, votre Honneur.
Ce qui donne un peu envie de se flinguer, c’est la façon dont les choses sont présentées.
Le premier épisode de B Positive fait le contraire de ce que les sitcoms traditionnellement proposent comme entrée en matière : on ne sait rien de son personnage avant plusieurs minutes, c’est quasi-dépourvu d’humour, il n’y a pas non plus de musique…
Je ne dis pas que ce sont là des ingrédients indispensables d’une première scène de sitcom, ni ensemble ni séparément. Mais si vous y réfléchissez, les sitcoms qui vous accrochent dés les premières secondes ne sont pas ceux qui commencent en regardant leur personnage principal rester assis en silence pendant de nombreuses secondes. Qui paraissent interminables. Elles ne le sont pas, mais même ensuite les choses ne sont pas foncièrement drôles : il y a une tentative de gag autour d’un dossier médical, et ensuite… rien. Ensuite c’est juste l’échange entre Drew et son médecin à propos de son insuffisance rénale. Certaines répliques sont bien suivies de rires du public mais, comme pour beaucoup de séries produites par Chuck Lorre, ce n’est pas parce qu’elles sont drôles. D’ailleurs si vous n’y avez encore jeté un oeil, regardez les videos de The Big Bang Theory sans rires, on se rend bien compte que le ratio répliques drôles/rires est faussé en temps normal.
Non, si elles sont suivies de rires, c’est juste parce qu’elles sont là. Et que le cahier des charges dit qu’il faut des rires toutes les 7,12 secondes… qu’on les ait mérités ou pas.
En fait plus l’épisode s’allonge plus il apparaît clairement que B Positive a un problème avec l’humour : la plupart du temps, la série ne tente même pas d’être drôle. Au point que devant ce pilote je me suis demandé si quelqu’un ne s’était pas trompé : vous êtes sûrs que ça n’a pas été pitché comme un drama ? Mais probablement que non, parce que dans un drama Kether Donohue n’essaierait pas de faire des accents et des mimiques et des machins (j’espère d’ailleurs qu’elle sera moins sous-employée dans les épisodes suivants, la pauvre).
Alors B Positive survit dans cet entre-deux très inconfortable, où peu de choses sont vraiment drôles. Ce qui, vu que son sujet ne l’est pas non plus, ne fonctionne vraiment pas.
En outre on met vraiment beaucoup de temps à apprendre qui est Drew : il faudra attendre environ 4 minutes avant qu’on apprenne qu’il a un trait de caractère (et encore, de la bouche d’un tiers). En-dehors de ça, le personnage est totalement transparent. Pire : il est ce qui lui arrive, pas une personne à part entière avec des qualités, des défauts, des gimmicks.
Face à lui, l’autre personnage central de la série, que l’on va découvrir progressivement, est l’exact opposé. Gina est un personnage dont on découvre tout de suite plusieurs facettes, elle est délurée, mais également franche, empathique, loyale. Elle a immédiatement des caractéristiques qui sautent aux yeux et même une vie intérieure, qui bien qu’évoquée succinctement, prouve quand même qu’un personnage a été écrit. Quand elle interagit avec d’autres personnages, ces traits se manifestent, pour le meilleur comme pour le pire, et du coup, quand bien même tout ce qu’elle fait n’est pas réellement drôle, au moins on peut se dire qu’on a là quelqu’un sur qui des intrigues ou des gags peuvent être écrits. C’est totalement impossible de le penser pour Drew.
Il y a d’autres choses qui ne fonctionnent absolument pas dans ce pilote, comme le fait qu’en moins de 20 minutes, Gina se révèle compatible avec Drew… si cette compatibilité est aussi rare que ça, la série devrait en faire une révélation un peu plus capitale. Pas forcément lui donner son propre épisode ultérieur (ça poserait des problèmes de structure : il faut établir que Gina va avoir besoin d’être surveillée pour qu’elle reste sobre jusqu’à ce qu’une greffe soit possible, et ce doit impérativement être dit dans le premier épisode, pas un second ou un troisième), mais au moins en faire une vraie scène, avec un petit peu de tension et/ou de soulagement. Mais il n’y a là aucun enjeu dans la façon dont B Positive présente les choses.
En fait, je crois que ce qui me frappe le plus dans ce pilote, c’est le nombre de personnes pourtant plus qu’expérimentées qui sont au générique : la série est créée par Marco Pennette, qui écrit pour la télévision depuis les années 90 et a déjà eu ses propres séries par le passé. Chuck Lorre est producteur exécutif de la série, aussi, et on ne le présente plus.
A eux seuls, les deux hommes ont pas loin de 50 années combinées d’expérience dans le sitcom. Qu’est-ce que c’est que cet accident industriel ? Que le pilote ne soit pas drôle, bon, à la limite je comprendrais, mais qu’il soit aussi désincarné…? Ce qui en plus m’apparaît comme tragique puisque Pennette s’est inspiré de sa propre expérience de greffe du rein. Je ne m’explique pas pourquoi tout va de travers dans cet épisode.
Bon du coup, par curiosité, je vais jeter un oeil à un voire deux épisodes supplémentaires, pour voir si la série prend son envol (après tout les choses évoluent souvent après un pilote). Sans illusions, mais par curiosité scientifique. Parce qu’en attendant c’est un peu une énigme, un échec pareil.
C’est typiquement le type de séries que je ne regarde pas de base, mais alors là, encore moins.