C’est un plaisir rare quand une série que j’ai tenté de trouver il y a plusieurs années apparaît soudain quelque part où je peux la voir. Vu l’appétit à géométrie variable des plateformes de SVOD pour la fiction de diverses contrées (…enfin, pour leurs parts de marché), c’est aussi un plaisir un peu aléatoire. Il semblerait que cette fois je doive à Amazon Prime l’acquisition d’Optimisty, une série russe remontant au printemps 2017, et qui s’intéresse à la Guerre froide pendant les années 60… évidemment du point de vue soviétique.
Des séries historiques (y compris des séries se déroulant pendant la Guerre froide), ce n’est pas ça qui manque dans l’histoire de la télévision russe. Alors pourquoi avoir espéré voir celle-ci en particulier ?
Pour son angle, d’abord. Optimisty est un drama d’espionnage, et on ne peut certes pas dire que le genre soit rare sur les écrans russes ; mais la série a une approche bien à elle, expliqué dés les premières minutes de son épisode inaugural.
Celui-ci s’ouvre alors que se déroule l’Exposition nationale américaine de Moscou en 1959 : un événement qui semblait s’inscrire dans un effort de réchauffement pour les relations entre les USA et l’Union soviétique, et qui en réalité a rafraîchi la situation diplomatique. Beaucoup parmi les dirigeants soviétiques voient ce défilé de produits américains comme un affront plus que comme un échange culturel… y compris dans la salle-même de l’exposition, bien que faisant mine d’y siroter un Pepsi d’un air ravi. Pendant que Nixon et Khrushchev se lancent des petites piques en direct sur les écrans de télévision couleur, Ruta Blomane et son supérieur Fedotov devisent de la façon dont ils pourraient tourner la situation à l’avantage de l’URSS. Ce qui n’est pas chose facile lorsque le grand public s’extasie sur des biens exotiques et hors d’accès… Ruta, surnommée « l’Américaine » pour avoir vécu plusieurs années à l’Ouest avant d’être passée à l’Est pour épouser un pilote de l’armée soviétique, possède une connaissance imbattable de l’ennemi ; elle plaide pour la création d’une unité intégrant d’autres analystes, partageant son point de vue et sa compétence, qui pourraient former la diplomatie soviétique dans son ensemble à comprendre comment fonctionnent les USA… et donc à mieux les combattre. Les futurs membres de ce nouveau département du ministère des Affaires étrangères, elle les surnomme les « optimistes », pour leur aptitude à croire qu’ils peuvent changer le monde, et plus particulièrement le rendre communiste, en accumulant autant de connaissances que possible sur le monde capitaliste.
Même si l’idée revient à Ruta, pourtant, les choses ne se passent pas comme prévu. Peu après la création de ce nouveau département, l’ancien bras droit de Varennikov est nommé à sa tête. Grigory Biryukov est-il lui aussi un optimiste, ou s’apprête-t-il à resserrer les vis du bureau le plus américanisé de tout le pays ?
La seconde raison qui m’avait donné envie de voir Optimisty, c’est sa réputation d’être extrêmement soignée. Pour vous la faire courte, disons simplement que l’époque de la série se prêtait à des comparaisons à Mad Men pleines de louanges, et ce que j’avais vu du matériel promotionnel le confirmait plutôt. Mais comme je suis aussi fâchée avec les comparaisons (surtout avec un succès critique comme Mad Men, qui devient vite un raccourci erroné si l’on n’y prête garde), j’avais bien envie de voir un épisode entier et voir par moi-même de quoi il retournait.
Alors effectivement, visuellement il y a un net effort. Les couleurs, en particulier, donnent un cachet unique à Optimisty ; il y a eu un travail de dingue dessus. Mais de là à dire qu’Optimisty et Mad Men jouent dans la même cour… euh… au vu de cet épisode, pas vraiment. Sauf à considérer que Mad Men était exclusivement intéressée par une représentation glamour de son époque, ce qui se discute amplement. Comme souvent dans les fictions historiques (et a fortiori les fictions historiques de certains pays), il y a une certaine complaisance qui fait qu’on est plus dans la nostalgie que dans le décorticage d’une époque.
Parce qu’au fond c’est un peu la pomme de discorde de ce premier épisode d’Optimisty. Certes la série a un angle d’approche très intéressant, matérialisé par le biais de cet unité d’optimistes plus cosmopolites que la plupart de leurs contemporains. Mais au-delà de ça, ce qui se dit n’est guère excitant pour le moment. Avec un peu de chance les choses deviennent plus complexe avec le temps, mais au stade de ce seul épisode introductif, ça semble assez surfait.
La majeure partie de l’intrigue du premier épisode se déroule en effet le 1er mai 1960, et nous avons droit à une vision des coulisses de cet événement. C’est Ruta qui a le plus d’enjeux personnels : le jour-même où son poste à la tête de l’unité optimiste est donné à un homme, sans beaucoup d’explications (et en-dehors du ressentiment évident du personnage, la série n’essaie même pas vraiment d’en discuter non plus), le crash de l’avion américain a lieu à des kilomètres de là… là où son militaire de mari travaille. C’est le mari de Ruta qui va devoir donner, dans le feu de l’action, des ordres décisifs, et elle va donc avoir d’une part, des informations que quasiment personne n’a sur le moment, mais aussi une préoccupation supplémentaire en voyant le poids qui pèse désormais sur les épaules de son mari.
Étrangement ce premier épisode n’a pas vraiment envie de développer le ressenti de Ruta, pourtant. En essayant de créer un ensemble show, et notamment en cédant beaucoup de place à Biryukov qui vient remplacer Ruta (…ce qui pour lui est d’ailleurs une mise au placard), Optimisty passe énormément de temps avec lui, détaillant son point de vue sur le poste comme sur les tensions diplomatiques résultant de l’incident aérien, bref… on revient sur quelque chose de très classique en termes d’espionnage. Quant aux autres optimistes, ils sont pour l’instant des seconds couteaux sans grand intérêt, fournissant des storylines secondaires voire tertiaires (une série sans enjeu romantique ? vous n’y pensez pas !), et le reste du temps, sont là pour donner des éléments de contexte quant à la situation historique ou les différents vécus de l’époque (l’un d’entre eux est le fils d’aristocrates jetés dans des camps). Tout cela reste superficiel, et d’ailleurs le rôle des optimistes dans les quelques événements de ce premier épisode est concrètement très minime.
Je ne vous cache pas que je suis déçue. Et c’est l’occasion parfaite pour moi de dire et répéter ce que j’ai déjà dit et répété, mais que vraisemblablement il faut dire et répéter encore : arrêtez les comparaisons simplistes. C’est un raccourci qui ne rend service à personne, au bout du compte. Si je n’avais pas lu les comparaisons avec Mad Men, par exemple, je pense que j’aurais pu réviser mes attentes à la baisse, et au finale, en découvrant une série d’espionnage jolie mais classique, j’aurais été moins déçue. Voire pas du tout.
Parce que soyons clairs, Optimisty n’offre absolument pas un mauvais épisode d’introduction. C’est visuellement léché, il y a un rythme décent (pourvu de ne pas estimer qu’une série d’espionnage est nécessairement une série d’action), on y apprend plein de choses, et il y a beaucoup de personnages à apprivoiser. Certains ont vraiment du potentiel et, après tout, rien ne dit que plus tard, Ruta n’est pas mieux développée, par exemple (à mon sens c’est le personnage le plus complexe et prometteur pour le moment, mais il y en a d’autres qui pourraient tout autant surprendre en bien). Donc je ne suis pas en train d’essayer de vous dégoûter, simplement de ne pas vous laissez imaginer des choses.
En un sens c’est toujours compliqué, quand on écrit une review, de gérer les attentes des lecteurs. Est-ce que je vous donne envie plus qu’il ne le faudrait… ou pas assez ? Peut-être qu’en vous faisant part de ma déception, je vous laissez croire que vous pourriez être déçus aussi.
Mon point de vue n’est que cela : mon point de vue. Peut-être que certaines subtilités m’ont échappé, par exemple, ou tout simplement peut-être que le fait que je sois rarement friande de séries historiques a joué dans ma perception des choses. Mais surtout c’est un point de vue qui dépend lui-même de mes propres attentes. J’avais entendu parler d’Optimisty il y a 3 ans et demi, j’avais fait des recherches, lu des retours de l’époque, vu des photos… je m’en était construit une idée. Vous, probablement pas (ce qui n’est que très normal, personne n’étant capable de se souvenir de chaque fun fact que j’ai publié pendant 5 ans !). Et du coup votre approche est différente, vous avez moins vécu d’anticipation pendant deux ans et demi.
Alors cette review va-t-elle vous décourager ? J’espère que non. Mais honnêtement à ce stade, c’est un peu hors de mon contrôle.
Espérons que je n’ai pas trop salopé le boulot, et le reste, vous ferez la part des choses par vous-mêmes. C’est le maximum que je puisse produire en termes d’optimisme.
Ah les attentes que l’on a pour des séries, c’est toujours intéressant de voir si nos attentes se confirme ou non, même si parfois ces attentes font que les séries nous déçoivent. J’avoue avoir moins ce problème pour les séries, mais c’est clairement quelque chose que je connais pour les livres. J’essaie depuis plusieurs années d’avoir moins d’attentes, ou plutôt d’essayer de prendre bien conscience du fait que je devrais ménager mes fameuses attentes pour éviter d’être déçue.