The return of the kings

4 décembre 2020 à 21:13

La semaine dernière, Netflix a annulé le renouvellement de Queen Sono (…tout ça se payera en Enfer), mais que les amateurs de séries africaines ne sautent pas tout de suite du haut d’un pont, car ce vendredi une nouvelle série produite en Afrique du Sud a fait son apparition sur la plateforme : Kings of Joburg (ou Kings of Jo’Burg, essentiellement orthographiée ainsi à l’international). Produite et créée par Connie Ferguson (dont j’ai déjà eu l’heur de vous parler plusieurs fois) avec son mari Shona Ferguson (qui incarne également l’un des personnages principaux), la série est un étrange mélange de crime drama, de soap familial et de… euh, surnaturel ? C’est sûr, ça ? Ah bon.


Nan je suis surprise parce que, il faut quand même le signaler, les séries fantastiques à la télévision sud-africaine, c’est pas tous les jours. Je ne dis pas que ça ne se produit jamais, mais c’est quand même suprêmement rare ; en revanche il est difficile de ne pas relever que, quand Netflix commande des séries et en particulier des séries non-anglophones, un GRAND nombre d’entre elles relèvent du fantastique. Netflix semble penser qu’un peu de surnaturel aide à faire passer les différences culturelles, on dirait. Je ne sais trop qu’en penser.
Cependant, il me faut vous prévenir : après avoir regardé le premier épisode de Kings of Joburg, il est assez clair que l’aspect paranormal n’est pas supposé être un axe majeur de la série. On dirait limite que ça a été ajouté au dernier moment. Pour coller à un cahier des charges peut-être ? Je m’avance mais pas de beaucoup.

Parce qu’en son cœur, Kings of Joburg est une série sud-africaine assez classique, en fait, où il est question de luttes de pouvoir et de famille, de crime et de ressentiment. Cette famille, ce sont les Masire, qui croulent sous l’argent mais font aussi régulièrement scandale. Voilà 10 ans, l’un des hommes de la famille, Mogomotsi dit « Mo », a fait les gros titres pendant son procès pour un crime qu’en réalité, tout son clan a commis ; il a accepté de bonne grâce de prendre pour tout le monde, et a donc passé la décennie suivante derrière les barreaux, pendant que son frère Simon dit « Vader » (…si j’essayais de vous faire croire qu’il est le gentil de l’histoire, vous ne me croiriez sans doute pas !) a continué de s’enrichir, de façon plus ou moins légale. Souvent moins que plus.
Les Masire ne sont en effet pas seulement à la tête d’un empire corporate : ils sont spécialisés dans les braquages à haute valeur ajoutée. Le premier épisode s’ouvre d’ailleurs sur l’une de ces opérations, alors que les hommes surentraînés de Simon prennent d’assaut des coffres remplis de diamants ! Hasard ou coïncidence ? Le casse du siècle se déroule justement le jour de la libération de Mo.

Pourtant, à première vue, Mo semble s’être assagi. A sa sortie de prison (il est lâchement largué en plein milieu de la cambrousse par les autorités carcérales), il est forcé de faire du stop pour regagner la ville, et fait ainsi la connaissance de la charmante Phumzi, une jeune femme pleine de bonnes intentions qui se prend d’affection pour lui en dépit de son casier judiciaire, le conduit en ville, et lui offre même un peu d’argent. Le premier geste de Mo suite à cela sera d’essayer de contacter son fils, Tlotlo, qui a aujourd’hui la vingtaine et auquel il n’a pas parlé depuis le procès ; les retrouvailles ne sont pas exactement chaleureuses. Le reste des relations familiales n’est pas meilleur, en particulier si l’on considère que pendant que Mo était en prison, Simon a épousé… Angela, l’ex-femme de Mo. Ambiance.
Le premier épisode détricote tout cela lentement (parfois très, parfois trop), montrant qu’il y a un peu du ressentiment à tous les étages. Et que celui-ci vient se mêler aux préoccupations organisationnelles du clan Massire : tout le monde craint Mo, d’autant qu’il a été traité en pestiféré pendant 10 ans et que maintenant il pourrait décider de se venger. J’ai envie de dire : la faute à qui ? Vous aviez 10 ans pour assurer vos arrières, les potos ! Donc forcément, maintenant, c’est la panique, quand bien même Simon, tout réputé pour sa poigne de fer qu’il soit, n’a pas envie de se précipiter pour faire éliminer son frère. Les liens du sang comptent encore pour quelque chose… cela dit, pour combien de temps ?

D’autant que pendant ce temps, la police et en particulier l’enquêtrice Jazmine Gumede, a bien compris qui était derrière le vol de diamants, et met tout en oeuvre pour coincer un Masire. N’importe lequel. Tous les moyens sont bons, y compris embarquer Mo au commissariat et lui faire savoir que s’il ne balance pas sur son frère, il portera le chapeau pour lui. Again. Alors que clairement Mo essaie de raccrocher !
S’ajoutent encore quelques rebondissements plus ou moins dramatiques, mais c’est dans les grandes lignes ce qu’il y a besoin de savoir sur cet épisode introductif. On est ici typiquement dans une configuration semi-soapesque, avec un aspect criminel en sus, et quand bien même Kings of Joburg fait son possible pour prendre au sérieux ses personnages, il y a quand même des trucs qui auraient mérité un peu plus d’attention dans l’exposition comme dans le détail. Et je ne parle pas simplement du moment assez baroque pendant lequel Mo change de costume entre deux scènes dans la même pièce et avec les mêmes interlocuteurs, non ça à côté c’est juste un détail loufoque (sûrement dû à des coupes au montage d’ailleurs). Il y a des revirements que j’aurais essayé de reporter, des émotions que j’aurais essayé de détailler, et globalement, des situations que j’aurais un peu plus explicitées. Tenez, si vous êtes capables de deviner lequel de ces personnages possède des pouvoirs surnaturels, franchement bravo, parce que ça se voit pendant, genre, 20 secondes sur tout l’épisode. Pourquoi ne pas en parler ? Pas forcément nous dire d’où viennent ces pouvoirs, mais au moins nous dire si quelqu’un d’autre dans le clan les possède, et si oui, est-ce qu’ils fonctionnent pareil ? Je ne suis même pas entièrement certaine du degré de secret de ces pouvoirs, c’est quand même fâcheux.

Donc non, ce premier épisode de Kings of Joburg n’est pas parfait. Il est plutôt bien écrit, plutôt bien réalisé, plutôt bien joué… mais plutôt seulement.
Je soupçonne que l’une des raisons à cela soit une certaine chronologie brusquée de sa production… ce ne sont que des soupçons, car personne dans les medias sud-africains ne savait avant la mi-novembre que les Ferguson avaient signé avec Netflix ! Mais il semblerait qu’au moins le tournage de la série (et peut-être même certaines étapes préalables) ait commencé au printemps dernier, alors même que Connie et Shona Ferguson travaillent sur leur série quotidienne The Queen en parallèle. Shona a quitté brusquement son rôle dans la série en mai, très probablement pour se consacrer à Kings of Joburg… Alors certes, ça ne garantit pas que j’ai raison quant à la précipitation du projet, mais si c’est le cas ça explique à la fois cet épisode où tout se bouscule, son budget (laaaaaargement inférieur à celui de Queen Sono), ainsi que les autres reproches fait à la série par le public sud-africain : le sujet, l’angle (à l’exception du fantastique…) et le cast sont tous recyclés de productions antérieures de Fergusons Films. En fait, sur les réseaux sociaux, Connie et Shona se prennent une volée de bois vert depuis le mois dernier. Le sentiment de resucée est réel.

Mais j’ai envie de dire : tant mieux. Pour nous, je veux dire. Nous qui n’avons pas accès à la télévision sud-africaine, plus précisément. Tant mieux pour nous. C’est égocentrique mais c’est le mieux que je puisse vous proposer.
Pourquoi tant mieux ? Eh bien, je me tue à vous le répéter : toutes « internationales » qu’elles soient, les séries non-anglophones de Netflix sont très souvent éloignées des standards de production du pays dont elles sont originaires. Le lissage est dû en partie aux flying producers, qui bossent sur 712 séries non-américaines par an, et appliquent donc des standards nord-américains à des pays qui ont normalement des habitudes de production propres ; il y a aussi tout simplement le fait que les paramètres de diffusion (nombre d’épisodes, durée, etc.) constituent un moule qui transforme pas mal de choses. Ce serait sûrement très intéressant de voir également quelles séries ne sont pas commandées par Netflix, mais on n’aura probablement jamais vraiment de données sur le sujet ; pourtant ça nous en dirait certainement très long sur les séries « trop locales » qui sont écartées par peur de ne pas plaire à un public international.
Dans ce contexte, on se retrouve avec un Kings of Joburg qui est non seulement cohérent avec les productions précédentes des Ferguson, mais plus largement, aussi, avec les productions sud-africaines à succès en général. Pas toutes, et c’est fort heureux, mais pas mal quand même Et donc, vous avez accès ici à une production estampillée Netflix qui est aussi proche que possible d’une production locale « moyenne ». Je considère ça comme une aubaine, au moins au niveau de la découverte. Après, est-ce que cette découverte va vous chavirer, je ne vais pas vous mentir, probablement pas. Mais au moins vous tâterez de la vraie série sud-africaine, et je peux rarement en dire autant de certaines autres séries non-anglophones de Netflix.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Je ne regarderai probablement pas la série, mais ton commentaire sur le « tant mieux pour nous » sonne très juste, surtout pour un public qui ne va pas forcément chercher loin ses séries ou pour des séries introuvables ailleurs.

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