Meet the future

24 mai 2020 à 23:42

Si soudainement vous vous retrouviez dans le futur à votre insu quelle serait votre première réaction ? Seriez-vous capable de comprendre que c’est du futur qu’il s’agit, seulement ? Il y a une bonne dizaine d’explications qui vous apparaîtraient comme plus évidentes et rationnelles avant d’en arriver à cette conclusion. Et quand bien même vous comprendriez que vous vivez désormais dans le futur, ça ne vous aiderait pas pour autant à faire sens de ce qui se passe.
Le premier épisode de la série québécoise Les Rescapés démontre cela plutôt finement. Pendant la première moitié de cette introduction, les Boivin vivent à Montréal en 1964, et mènent leurs vie de façon aussi normale que possible. Mais à mi-chemin, ils sont soudainement transposés en 2010, et leur univers est évidemment chamboulé de fond en combles.


La vraie réussite de cet épisode inaugural, c’est de nous donner environ autant d’informations qu’aux protagonistes. Très peu d’éléments nous sont délivrés, qui seraient refusés aux Boivin. Leur ignorance des causes de ce voyage dans le temps est la nôtre (nous avons l’unique avantage de comprendre avant eux qu’ils sont dans leur futur… pour la bonne raison que nous reconnaissons notre propre présent !). L’exposition est là avant tout pour nous dire qui ils sont, quelle vie ordinaire ils mènent, quelles sont leurs préoccupations banales.

Gérald Boivin est ainsi un inspecteur de police qui, pour la première fois de sa carrière, est incapable de résoudre une affaire ; nous n’en avons pas les tenants et aboutissants plus que lui. Pas sûr qu’il soit même possible de comprendre exactement le crime dont il s’agit, les quelques éléments délivrés via les dialogues semblant sans queue ni tête. Son supérieur finit par le mettre en congés sans solde, lui prête une caravane et l’enjoint à partir en vacances se changer les idées… peut-être avec une arrière-pensée, peut-être pas, difficile d’en être certaine à ce stade. Toujours est-il que Gérald embarque toute sa famille dans ce périple soudain, mais qu’au moment de partir, un inconnu lui délivre une mallette contenant soi-disant des preuves de l’identité du coupable… et qu’un orage s’abat brutalement sur le véhicule des Boivin.
Charles, le fils aîné, est convaincu qu’en réalité c’est lui qui est visé par les manigances de cet informateur. Il pense qu’il s’agit du mari de Thérèse, la jeune femme qu’il voit en secret, en dépit qu’elle soit mariée à un homme très jaloux. Cette relation avec Thérèse est pourtant la seule chose qui importe à Charles, qui par ailleurs n’arrive à rien accomplir dans sa vie de jeune adulte. Jeanne, l’unique fille de la fratrie, est toute entière dédiée à sa vie d’adolescentes, entre son premier amour et sa passion pour le rock’n’roll, et ne s’intéresse pas trop aux tourments de ses proches. Le plus jeune fils, Marco, est quant à lui un enfant curieux mais remuant, qui a de plus en plus de conflits avec son père. Monique, la matriarche, est certainement la plus paniquée par le tour que prennent les événements ; sans nul doute, sa sur-consommation de divers médicaments (pour rendre sa vie de femme au foyer plus supportable) joue un rôle dans sa réaction. Il faut aussi compter Horace « Pépère » Boivin, le grand-père à la santé physique défaillante.

Tous font ce bond de 46 années dans le futur sans vraiment comprendre qu’il s’agit du futur. Ils accusent bien du monde : les communistes, les Russes, les Chinois (ya comme un thème…), les Martiens… Mais rien n’a de sens parce que les transformations qu’ils observent ont eu lieu en si peu de temps, et ils semblent être les seuls à les avoir remarquer !
Le premier épisode des Rescapés fait un bon travail introductif en ne cherchant pas vraiment à expliquer ce qui se déroule… et moins encore les raisons profondes. Quel genre de conspiration étrange (parce que la thèse du hasard semble pour le moment écartée) pourrait organiser un saut dans le temps de plusieurs personnes juste à cause d’un crime irrésolu ou d’une romance adultérine ? En soi, ce n’est pas ce qui importe et on n’a rien pour étayer le sujet. Le premier épisode se fixe plutôt pour but de partager la confusion des protagonistes alors qu’ils font leurs premiers pas dans un Montréal totalement étranger (et si vous croyez que vous feriez mieux, j’aimerais vous y voir, tiens !). L’aspect mythologique n’est pas la priorité : Les Rescapés est une série de science-fiction où c’est la dimension dramatique qui passe avant tout le reste ; bref, le meilleur genre de science-fiction.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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