Qui n’a pas envie de merveilleux en ce moment ? D’imaginer l’impossible puis d’y assister… Moi aussi je veux me laisser bercer par l’inédit frisson des choses qui n’existent pas, et oublier tout ce qui existe un peu trop en échange. Juste focaliser mon attention sur un enchantement quelconque. Du coup vous savez quoi ? Laissez-moi essayer.
Ce soir attention, tour de magie : je dis du bien du premier épisode d’une série française !
Alors ça pour sûr, ça ne se produit pas tous les jours, et certainement pas avec des comédies. Pardon hein, mais bon, on sait. Beaucoup de comédies françaises sont lourdingues, je ne vous apprends rien. C’est pas comme si c’était un secret, ni même un accident.
Heureusement, il y a quand même un peu plus d’options aujourd’hui que quelques années en arrière. Quels que soient vos goûts en matière d’humour, il est désormais possible de trouver une comédie avec laquelle nouer une idylle à la télévision française, qu’il s’agisse d’Irresponsable, de Deutsch-les-Landes, de Dix Pour Cent… (attention il y a une intruse). Eh bien Parlement s’inscrit dans cette tendance.
Parlement, c’est comme son titre le sous-entend une comédie en single camera qui se déroule dans les couloirs du Parlement européen, où Samy rejoint le bureau d’un député français, Michel Specklin, pour devenir son nouvel assistant parlementaire. Le premier épisode suit (ça tombe bien) la première journée de Samy à ce poste, et il ne lui faudra pas plus pour comprendre qu’il va en baver.
Certains ressorts de Parlement ne sont pas très surprenants, et en commençant cet épisode inaugural, j’étais au départ assez pessimiste. Pendant les premières minutes de la série, Samy démontre qu’il est naïf au point d’en être stupide, son patron Specklin est clairement un planqué qui n’en branle pas une au Parlement, et au-delà l’univers parlementaire européen est plein à craquer de requins qui ne pensent qu’à leurs intérêts. Ce n’est pas franchement inédit, vous l’admettrez. La mise en place patauge dans ces quelques clichés, au point que je commençais à me dire que les premières critiques que j’avais aperçues ces derniers jours étaient hautement suspectes (…sommes-nous prêts à accueillir à bras ouverts n’importe quelle comédie française meilleure que Péplum ? oh bon sang merde, c’est vrai j’oubliais, même Péplum a eu deux saisons).
Qu’on se rassure : ce n’est que l’échauffement. Progressivement l’épisode introductif de Parlement se met en jambes et commence à offrir quelque chose d’un peu plus robuste.
L’introduction de personnages étrangers (Parlement est en effet une série française polyglotte) apporte des dynamiques qui, à défaut d’être imprévisibles, font du bien : Samy, au lieu de courir après un député qui de toute évidence n’a pas envie d’en foutre une rame (ce qui devient d’ores et déjà un peu vieux), doit désormais se dépêtrer face aux assistants parlementaires des autres députés (britannique et allemand, respectivement), un lobbyiste italien, et bien plus. Dans sa grande naïveté, Samy est pour le moment incapable de naviguer dans cet univers où tout le monde sans exception possède pleinement les codes du lieu ; mais Dieu merci, et j’espère qu’on continuera de voir des évolutions en ce sens dans les épisodes suivants, ce que notre héros n’a pas en perspicacité, il l’a en qualités d’adaptation. Il ne comprend peut-être pas tout, mais Samy est au moins capable d’apprendre de ses erreurs et ne pas les répéter ! Par exemple quand lui aussi comprend que son député ne veut surtout pas s’impliquer, il n’essaie plus de lui poser des questions sur le boulot à faire, ce genre de choses. Du coup ce personnage naïf n’est pas un imbécile irrécupérable et ça veut dire que même si le Parlement européen lui réserve certainement encore beaucoup de surprises, on peut espérer ne pas tourner en rond au fil des intrigues.
Pourtant le plus grand atout de Parlement, je ne l’ai pas encore mentionné. Lui aussi se dévoile très progressivement, mais c’est niché dans les dialogues qu’il faut aller le chercher, dans les références géopolitiques de la série.
Outre les plaisanteries autour du BREXIT (too soon ? franchement le coup de l’anniversaire m’a explosée), Parlement instille des commentaires sur l’actualité aussi bien internationale que nationale. Là où je m’attendais à un humour extrêmement prudent sur ces sujets, a fortiori sur le service public où parfois il semble qu’une fausse neutralité soit de rigueur, la série se montre même assez mordante par moments, comme lorsqu’elle mentionne les députés européens d’extrême droite. Au juste je ne saurais pas dire si mes yeux se sont écarquillés plus de délice que de surprise, mais si le reste de la saison continue sur cette lancée, on pourrait avoir…
…je n’ose l’espérer ? J’ai promis de la magie, mais un miracle c’est quand même un peu beaucoup demander.
Ecoutez, de vous à moi, mon problème avec les comédie françaises n’est pas toujours dû à leur humour. Bon, aussi à ça, mais même pour celles dont l’humour est un peu plus fin que la moyenne, mon souci est aussi que les personnages font des trucs drôles, les dialogues disent des trucs drôles, mais les intrigues ne disent rien. Surtout, ne pas se mouiller ! Evidemment plus vous faites des blagues qui ne veulent surtout rien affirmer dans un sens ou dans l’autre, moins vous faites une bonne série humoristique. Quant à faire une série humoristique marquante, alors là laissez tomber.
C’est encore plus vrai pour une comédie politique, et comme j’en avais marre de me repasser mes épisodes de Hénaut, Président en boucle, je suis bien contente de voir Parlement s’essayer à de véritables commentaires. Ces quelques indices prometteurs d’une bonne série prouvent qu’on a affaire à une comédie qui a compris que grâce à l’humour et ses mécanismes (bien-sûr que le lobbyisme c’est plus que « sur un malentendu ça peut peut-être marcher » !), qui permettent une distance avec le réel, on peut en raconter beaucoup sur la réalité.
Il semblerait donc que pour le moment au moins, on ait devant nous le cas rarissime d’une série comique française avec des choses à dire.
Abracadabra !
Étant fait des études européennes et ayant travaillé dans la bulle européenne pendant plusieurs mois, il faut vraiment que je regarde la série, ne serait-ce que pour voir si la série est réaliste ou non. Cela dit, ce que tu dis me fait au moins ne pas avancer à reculons ! (Et en interne, ça clashe pas mal contre l’extrême-droite dans la bulle européenne, donc contente de lire que ça tape ici aussi.)