Des séries indiennes parlant de santé mentale, vous savez combien il y en a ?
Oh, moins que ça.
C’est donc, a priori, un sacré défi que celui que se choisit Afsos, une mini-série lancée par Amazon Prime le mois dernier, et qui s’intéresse à Nakul, un homme suicidaire. Et pas qu’un peu : il a fait plusieurs tentatives, et rien à faire, il est toujours en vie. Pire encore, à chaque nouvel essai, il y a toujours quelqu’un d’autre qui trouve le moyen de mourir accidentellement, comme si la mort évitait soigneusement de venir à notre héros en particulier. Mais Nakul est obstiné…
Je dois à la vérité d’avouer qu’il est difficile de parler de ce que tente de faire Afsos dans son premier épisode. D’abord parce qu’il est court, que le sujet est complexe pour une comédie en single camera, et que sa mise en place profondément feuilletonnante laisse envisager des possibilités sans vraiment garantir l’orientation qui sera finalement choisie.
On est d’accord que c’est le propre d’un épisode introductif, et que ça fait partie des « risques du métier » ; je suis la première à trouver justement cette phase passionnante parce que ce que l’on devine est aussi intéressant que ce que l’on croit deviner. Parfois un « pilote » (l’Inde ne produit pas de pilotes au sens américain du terme, et les plateformes de SVOD encore moins, mais vous saisissez l’idée) semble nous envoyer un certain nombre de signaux, que nous interprétons plus ou moins bien à cause de la difficulté de l’exercice, et à l’aune de nos biais personnels qui plus est. C’est quand même bien la raison pour laquelle il y a plusieurs épisodes dans une série ! Chacun prend ensuite le temps de détailler les personnages, les intrigues, les idées, présentées succinctement (et, dans l’idéal, efficacement) dans le premier épisode. Il m’arrive régulièrement, dans ces colonnes, de vous parler d’un épisode inaugural et d’avoir une impression que les épisodes suivants viennent contredire ; d’ailleurs c’est assez souvent, en particulier sur Twitter, qu’on vient me dire : « ah ouais alors non, les épisodes suivants sont pas du tout comme ça », et ça me fait enrager parce que, à mes yeux, l’idée n’est pas de prédire à l’aide d’un seul épisode ce que sera la série, mais plutôt d’avoir un aperçu du potentiel.
Le potentiel, c’est ce que doit montrer un épisode d’introduction ; c’est bien la raison pour laquelle il est si difficile d’en faire un bon. Et c’est aussi la raison pour laquelle j’en raffole, à la fois à regarder et à reviewer. Un premier épisode, c’est toutes sortes de promesses qui seront et/ou ne seront pas forcément tenues, mais qui accrochent l’attention, et nous font penser qu’on a envie de s’investir. Et du coup ce n’est pas grave de se « tromper », l’essentiel c’est d’avoir regardé ce premier épisode en se ayant envie de voir où ça mène. Si ça ne mène pas là où on pensait, on a alors deux options : soit lâcher l’affaire (c’est autorisé ! regarder un pilote ce n’est pas signer un chèque en blanc…), soit s’adapter en découvrant que la série, si elle ne suit pas parfaitement le plan qu’on imaginait pour elle, a beaucoup à nous offrir.
Alors oui, c’est normal qu’Afsos, avec son petit épisode inaugural de moins d’une demi-heure, soit difficile à cerner. J’accepte totalement cet état de fait.
Mais la difficulté supplémentaire est qu’on est en territoire complètement inconnu ici. Il n’y a rien à quoi se raccrocher, précisément parce que les comédies en single camera sont rarissimes en Inde (elles commencent à peine à exploser grâce au boom des webséries), parce que le ton d’Afsos en lui-même est extrêmement compliqué à déchiffrer (l’humour noir c’est complexe, encore plus quand on y ajoute le fait que l’humour est profondément culturel), et parce que pour finir, justement, la dépression et le suicide, les séries indiennes n’en parlent ja-mais. Quels tropes sont en présence ici ? Le savoir aiderait à se faire une idée, mais ce n’est pas aisé à déterminer.
Alors l’intrigue de ce premier épisode d’Afsos, en fait, elle peut s’avérer dire tout et son contraire.
Après avoir établi le caractère suicidaire du personnage central, ainsi que ses échecs répétés à mourir (d’abord avec la scène d’ouverture, qui montre Nakul attendant la mort allongé sur une voie ferrée mais agacé par l’inconfort des rails en métal… puis chez sa psy qui est l’occasion de rappeler des essais précédents), Afsos semble essayer de dire que celui-ci veut mourir sans vraiment y tenir. Il est dépressif, et d’après lui il a de bonnes raisons de l’être, mais il souhaite la mort un peu en dépit de lui-même. C’est assez étrange de poser ça comme motivation. Le véritable twist de l’épisode se produit lors de sa 12e tentative de suicide (quand même), quand Nakul se retrouve par hasard en possession d’un flyer faisant de la promotion pour « Emergency Exit ». Il s’agit d’une étrange affaire montée par d’anciens tueurs à gages, qui pensent avoir trouvé à la fois une parfaite aubaine commerciale et une façon de pratiquer leur art en toute légalité. Ils aident en effet les personnes suicidaires à mettre fin à leurs jours, en échange, évidemment, d’une contrepartie financière.
Nakul, qui vraiment n’arrive à rien par ses propres moyens, se dit qu’engager quelqu’un pour lui tirer une balle au milieu du front va enfin résoudre son problème…
A ce stade, ce n’est plus de l’humour noir, c’est de l’humour vantablack. Et j’accrochais plutôt bien à tout cela jusqu’à ce que je voie la scène finale de l’épisode, qui installe un autre personnage : la tueuse à gage (celle que Nakul n’a pas encore rencontrée dans l’équipe) chargée de l’aider à accomplir sa dernière volonté. La scène m’a semblé grotesque et en même temps difficilement déchiffrable ; il émane de cette femme quelque chose d’inutilement cool… comment vous dire ? de tellement compétent qu’elle en devient ridicule. Et je n’arrive pas trop à saisir comment tout ça s’emboîte avec le sort de Nakul, et l’exploration de son effort suicidaire.
Au juste peut-être que la différence culturelle joue, et qu’il me manque des codes. Ou peut-être qu’Afsos n’est réellement drôle que quand elle se contente de montrer les ratages de son héros, au lieu d’y adjoindre le comportement absurde de quelqu’un d’autre. Je ne sais pas. Je vous livre mon impression telle quelle, c’est le mieux que je puisse faire.
Enfin, ça, et tenter de jeter un œil à la suite de la mini-série, évidemment. C’est encore le plus simple. Mais à mon humble avis d’amatrice d’épisodes introductifs, c’est moins excitant à reviewer.
C’est un sujet original à traiter. Je suis curieuse de voir ce qu’il se passe dans la suite de la série ne serait-ce que pour savoir où iels vont arriver.