Ces derniers temps j’ai été prise par l’envie de me remettre à The Magicians, à cause de… nan, vous savez quoi ? J’en ferai peut-être un article à part plus tard, mais on va pas se lancer là-dedans maintenant. Pour le moment, focalisons-nous sur le fait que, comme ça arrive régulièrement, j’ai repensé à une série que j’avais laissée à l’abandon, et ai décidé de m’y remettre.
Cette fois c’est tombé sur The Magicians, et après un rewatch de la première saison, je me suis lancée dans la deuxième, dont à l’époque j’avais interrompu le visionnage en cours de route. Voici donc la review de saison qui va bien.
Parfois en matière de téléphagie, ça fait du bien de se lancer dans un visionnage qui donne raison à un précédent. Je comprends complètement pourquoi j’avais eu du mal avec ce que j’avais vu de cette deuxième saison à l’époque : son démarrage est très laborieux. Et son milieu. Et sa fin.
Le combat « final » avec The Beast en fin de saison 1 n’a pas donné les résultats espérés par nos jeunes magiciens… et honnêtement, je ne suis qu’à moitié convaincue que c’était celui qu’espéraient les scénaristes tant ils semblent ne pas savoir quoi faire de nombreuses intrigues, et donc des personnages.
Le cas le plus évident est celui d’Alice. Elle s’est révélée comme étant la plus douée en magie du groupe, et c’est elle qui a mené, aux premières loges, la bataille contre The Beast à la fin de la saison précédente. A un point tel qu’elle est devenue trop puissante et que plus personne n’a su quoi en faire. Le plus simple a été de l’éliminer mais, problème : c’est l’un des personnages centraux de la série. Vous savez, rapport au fait qu’elle est la plus forte d’entre eux. The Magicians va passer l’essentiel de la saison à essayer de la ramener à l’écran sous un prétexte ou un autre, mais sans la ramener tout-à-fait, quasi-uniquement via Quentin qui, encore amoureux d’elle, traîne sa misère de scène en scène.
Il n’y a rien qui va dans la façon dont c’est fait. Alice apparaît pour des motifs stupides (une invocation qui permet à une autre femme de prendre temporairement son apparence, un « fantôme », puis la révélation qu’Alice sous sa forme niffin n’a en réalité pas disparu mais s’est installée dans le tatouage magique de Quentin…) qui ne mènent à rien et racontent à peine plus. Il y a UN épisode qui traite du deuil de ses parents et qui, à mon sens, a un peu plus d’intérêt, mais en-dehors de ça c’est du grand n’importe quoi. D’autant qu’à côté de ça, Q passe son temps à faire des moues tristes sans qu’il n’y ait vraiment d’exploration de son deuil à lui, en tout cas pas au-delà du fait qu’il est triste ; il n’y a aucune profondeur à ses émotions, aucune nuance dans sa réaction, aucun changement dans la trajectoire de son personnage (le mieux qu’on aura sur ce plan sera la demi-douzaine de scènes pendant laquelle il envisage de quitter totalement le monde de la magie. Rassurez-vous, ça ne va pas durer : pur remplissage).
Faut-il rappeler que Quentin est, à la fin de la saison précédente, devenu l’une des têtes couronnées de Fillory ? Lui qui était soi-disant passionné par ce monde et qui le connaissait mieux que personne… n’y pose quasiment jamais les pieds pendant cette saison, ne s’enquiert pas de son sort, et n’est pas une seule seconde rappelé à ses obligations par des tiers. D’ailleurs Alice aussi était l’une des reines de ce monde magique, et son absence supposément définitive ne semble pas déranger qui que ce soit (personne ne suggère, oh je ne sais pas moi, qu’on la remplace mettons). Ce n’est que sur la fin de la saison, quasiment à son corps défendant, que Q se réveille un peu et donne un coup de main. Tout cela est calamiteux au possible. C’est déjà difficile d’apprécier ce personnage pathétique (de son propre aveu, en plus), mais s’il passe de surcroît toute une saison à n’avoir aucun intérêt, franchement, je ne sais pas ce qu’il fout là. Et à partir d’un moment, moi non plus.
Le traitement de Penny aussi pose des soucis, qui ne sont pas neufs mais qui prennent une tournure embarrassante.
A la fin de la première saison (dans laquelle il occupait déjà un statut d’outsider), il a perdu l’usage de ses mains, ce qui lui rend impossible la pratique de la magie. Tout ce qu’il lui reste, c’est sa capacité de Traveler, c’est-à-dire à se téléporter, mais il ne peut plus emmener qui que ce soit avec lui. Il a fait la découverte de l’existence de l’ordre des Librarians, et de la bibliothèque de connaissances dont ils sont les gardiens ; comme il est le seul à pouvoir les visiter à volonté, The Magicians lui refile quelques intrigues, souvent sans intérêt, dans ce contexte. Ses retrouvailles avec Kady occupent aussi une partie de sa storyline, mais avec des évolutions parfois incompréhensibles (je n’ai toujours pas compris pourquoi ils se sont rabibochés, au final, après que Kady ait passé tant de temps à le rejeter sur un plan autre que sexuel).
Mais surtout, Penny est totalement exclu des affaires de Fillory. Pour lui, ça a une forme de sens puisque personne, jamais, à aucun moment, n’a tenté de l’y inclure : pourquoi les scénaristes en saison 1 ont-ils décidé qu’il n’y avait que 4 couronnes ? Ca reste un mystère. Je ne sais pas si ç’aurait donné quelque chose, mais cette impression qu’il évolue dans un monde totalement différent ne m’a pas plu. Le résultat c’est que, en-dehors des moments où d’autres personnages ont besoin de quelqu’un pour se téléporter et/ou envie d’un orgasme, personne parmi les personnages principaux n’interagit avec Penny, et il n’a pas exactement d’intrigue. Quelques pistes sont éventuellement lancées pour la saison 3 avec une découverte faite dans l’univers des Librarians, mais à ce stade je ne sais pas trop qu’en penser, vu le peu de choses que cette storyline a apporté au personnage jusque là.
Fort heureusement, il y a aussi de bonnes choses dans cette nouvelle saison, et elles se bonifient à mesure que les épisodes se succèdent. Si j’admets bien volontiers avoir toujours eu beaucoup d’affection pour Eliot, c’est vraiment une bonne saison pour lui, avec un arc très puissant.
Dans la saison inaugurale de The Magicians, Eliot apparaissait comme un jouisseur désabusé, dont la dépression s’était aggravée après qu’il ait dû tuer son petit ami. Il avait finir par découvrir qu’il était destiné (quelque chose dans son sang, bon, posons pas trop de questions) à devenir le nouveau High King de Fillory… et à épouser une femme. Acceptant son sort sans enthousiasme, d’autant qu’il lui serait désormais impossible de quitter son royaume (et que les mariages filloriens scellent par la magie une fidélité à toute épreuve), Eliot semblait blasé au possible. Dans cette deuxième saison pourtant, il se révèle à lui-même. Il prend à cœur, un peu malgré lui, les affaires de Fillory, et dédie son énergie à essayer d’en résoudre les très nombreuses difficultés. Au départ, il semble ne faire ce choix que parce qu’il n’a pas d’autres options, mais au fil des épisodes, il devient clair qu’il est investi dans le sort de son peuple, qu’il prend au sérieux sa réussite à la tête du pays, et qu’il veut se consacrer à faire son travail le mieux possible. Sa relation avec son épouse Fen est le reflet de cette situation : ce qui n’était au départ qu’un mariage de principe devient un partenariat, d’autant plus que Fen offre un soutien inconditionnel mais avisé à son roi de mari. Une véritable affection se tisse entre eux, solidifiée par le fait que Fen tombe enceinte ; Eliot est investi d’un sens de la responsabilité qui lui était jusque là totalement étranger. Cela ne se fait pas sans hauts ni bas, et il y a encore des choses qui rendent la relation Eliot/Fen compliquée, mais la trajectoire est jolie. Quand, au cours de la saison, Eliot commence à utiliser des sondages magiques pour savoir si son peuple l’apprécie, ou se lance dans un duel pour sauver son royaume de la guerre (tout terrifié qu’il soit), on perçoit une volonté de ne pas ruiner ce qu’il a, même si ce qu’il a… il ne l’a pas choisi.
J’ai vraiment apprécié cet angle, ainsi que la façon dont il interfère avec la relation d’Eliot et Margo. Tous les deux sont inséparables depuis l’époque des cours à Brakebills, et dans cette saison, ce sont les seuls personnages de la série à s’intéresser à ce qui se passe à Fillory. Mais ils le font de façon très différente… Contrairement à Eliot qui essaie de changer pour devenir le monarque dont Fillory a besoin, Margo est déterminée à ne rien changer, et fait régulièrement preuve de brusquerie, si ce n’est de violence, dans sa façon de réagir au défi de gouverner. Pour elle, tous les moyens sont bons afin d’obtenir le résultat voulu, là où Eliot croit plus à la négociation, à l’écoute, à l’adaptation. C’est facile pour Margo : elle peut retourner sur Terre à n’importe quel moment, sans avoir à faire l’expérience des conséquences de ses décisions trop brutales. Mais elle est aussi celle sur laquelle Eliot pense pouvoir se reposer aveuglément, et cela va en réalité créer des frictions. Cette évolution atteint un point d’orgue vers la fin de la saison, mais indique aussi que la saison 3 va certainement être lourde de conséquences pour eux. C’est plutôt bien joué.
Julia continue son parcours atypique. Elle passe le début de la saison avec The Beast, qu’elle a « sauvé » lors du combat final avec la bande afin de négocier avec lui qu’il l’aide à tuer le dieu Reynard. Ce qui peut s’entendre vu le traumatisme qu’elle a vécu. L’affaire piétine pendant un moment (The Beast jouant même le comic relief), avec pour seul mérite de planter une graine : nous expliquer qu’existent les « shades« . Conceptuellement, c’est un genre d’âme, qui permet de ressentir des émotions et de l’attachement ; c’est, explique-t-on à Julia, la raison pour laquelle elle subit un traumatisme. Si elle se privait de sa shade, tout lui serait plus léger. Julia fait le choix de tout de même garder sa shade, sur le moment ; mais quand plus tard elle découvre être enceinte de Reynard (portant donc le bâtard du Dieu malfaisant qui l’a violée…), elle a recours à un avortement magique qui tourne mal, et perd définitivement sa shade. Bon… vous dire que j’ai levé un sourcil devant cette intrigue autour de l’avortement est un euphémisme, mais tout l’aspect émotionnel qui gravite autour puis en découle est relativement réussi.
On a même droit, sur la fin de la saison, à une interrogation plutôt fine sur le fait qu’être coupée de ses émotions n’empêche pas Julia de vouloir garder un compas moral. Elle a juste plus de difficultés à le faire. Elle s’en remet à Kady, qui au cours de la saison est devenue une amie proche, pour l’aider à tenir le cap même si elle ne ressent, en soi, plus d’empathie. Cela conduira Julia à fournir de nombreux efforts qui ne relèvent pas exactement de la magie, mais qui orientent sa façon de la pratiquer.
Globalement son rapport à la magie est apaisé dans cette saison, et elle est même valorisée par de nombreux autres personnages. On apprend d’ailleurs que dans une autre timeline, Julia aurait dû rejoindre à Brakebills les rangs extrêmement parsemés des magiciens dont la spécialité est la soif d’apprendre, ce qui lui correspond bien mais surtout semble apporter une sorte de paix qui conclut joliment l’intrigue de la saison 1. En un sens, la curiosité de Julia fait d’elle la personne la plus flexible de la série, et la plus investie intimement dans la pratique magique ; peut-être même la seconde magicienne la plus puissante du groupe après Alice. Je n’ai que de la tendresse pour la façon dont ce personnage évolue, se révèle à lui-même, et s’impose dans une dynamique de groupe dont elle avait été expressément exclue.
Il y aurait encore des choses à dire, mais comme d’habitude, j’ai encore été bien longue déjà.
Tout n’est pas à jeter dans cette saison 2, clairement. Outre certaines intrigues plus valables que d’autres, il y a aussi quelques éclairs de génie, qui bien qu’inutiles in the grand scheme of things, s’avèrent réjouissants sur le moment. L’épisode du casse de la banque est totalement ridicule, mais assumé. La reprise musicale des Misérables est formidable. Et la conclusion de la saison est tirée par les cheveux (on fera difficilement plus deus ex machina), mais en un sens, plutôt sympa.
Le problème c’est que cette saison manque aussi franchement de direction. La première avait un but clair : découvrir le mystère de Fillory et défaire The Beast. A mon sens, les problèmes de Fillory auraient dû constituer le fil rouge de la deuxième saison, mais vu que seuls deux personnages s’investissent dans cet aspect, ça échoue totalement. The Magicians a en outre oublié que sa première saison tenait un discours des plus passionnants sur la fascination pour la magie, qui consumait certains personnages, en révélait d’autres, et dans tous les cas, portait sa propre malédiction. Le regard porté alors était celui d’un avertissement : la magie a toujours un prix, et souvent il est préférable de faire le choix de se passer d’elle, ou au moins d’en accepter les limites.
The Magicians n’était pas tenue de continuer à dire la même chose, et pouvait parfaitement faire évoluer son message… sauf que dans cette saison, il semble souvent qu’il n’y ait plus de message. Il n’y a plus de discours de fond. Il y a des intrigues individuelles, plus ou moins réussies, mais qui n’ont plus de lien, plus de connexion ni logique ni thématique.
En somme, The Magicians assume d’être un divertissement destiné à nous plonger dans un univers magique (dont les codes semblent, souvent, aléatoires et/ou mouvants), d’essayer de nous surprendre, d’aimer nous adresser des clins d’œil, d’y éparpiller ses protagonistes… Mais encore plus qu’avant, la série refuse à s’engager intellectuellement dans cet univers ainsi mis en place. C’est de l’escapisme, pur et simple. Pas de l’escapisme idiot, mais quand même un rendez-vous manqué à plusieurs égards.
Du coup, tant qu’on s’attache au sort de certains protagonistes, ça passe. Cependant, j’avoue comprendre complètement pourquoi j’avais été refroidie au moment du premier visionnage. D’ailleurs, je n’ai pas encore décidé si j’allais regarder la saison 3. Peut-être une pause de quelques autre années s’impose-t-elle, plutôt que de risquer la déception…
Je suis pas mal de gens qui ont regardé la série et je ne sais pas, il n’y a jamais eu ce petit plus qui m’a donné envie de regarder la série. Peut-être un jour, probablement pas.