Pendant que tout le monde regardait ailleurs, la plateforme australienne Stan a lancé pas moins de 3 productions originales pour la période des fêtes : la série d’anticipation The Commons, la série policière The Gloaming, et une deuxième saison pour sa comédie The Other Guy.
J’avais aaamplement de quoi vous parler d’autre chose en ce début d’année, entre mes brouillons inachevés de 2019 et mes nouveaux visionnages de ces derniers jours, mais il s’avère que The Commons se montre particulièrement d’actualité. Or, quand quelque chose me préoccupe, j’aime bien avoir une série sous la main qui m’aide à crever l’abcès. Donc aujourd’hui, parlons du futur. Parce que le futur, c’est maintenant.
The Commons fait le pari de porter deux thèmes très lourds et complexes.
Il y a d’une part l’intrigue de son héroïne, la neuropsy Eadie Boulay, une femme qui approche des 38 ans, et qui vit dans une anxiété et une douleur grandissantes à l’idée qu’elle ne va probablement jamais être mère. Lorsque commence la série, elle et son mari Lloyd suivent une procédure de fécondation in vitro qui n’est que dans son premier mois, le plus critique. Progressivement on apprend dans ce premier épisode qu’il ne s’agit pas du tout de leur première tentative, mais qu’avec l’âge ainsi que les questions financières, c’est la dernière. La pression n’aide pas tellement, et d’ailleurs Eadie fait des cauchemars récurrents à ce sujet. En parallèle, elle doit aussi gérer sa vie de famille, et notamment sa relation avec Ivy, la fille de Lloyd issue d’un premier mariage qui, avec l’adolescence (et la possibilité de se réfugier chez sa mère) n’est pas toujours facile à vivre. The Commons suit également la vie professionnelle d’Eadie, qui travaille dans un hôpital ; en particulier, elle commence à suivre dans cet épisode initial un militaire affecté à la frontière terrestre proche de la ville, et commence à travailler avec lui sur son stress post-traumatique.
…Oui, j’ai bien dit « frontière terrestre » en Australie. Car il est là le second angle de The Commons, et, pour être honnête avec vous, celui qui m’avait initialement attirée. La série se déroule dans le futur d’une Australie qui commence à supporter le poids du changement climatique.
L’une des conséquences, c’est le manque d’eau et d’électricité, et si les grandes villes en sont pourvues, ce n’est pas le cas des zones rurales, dont les réfugiés abondent. Les conditions pour pouvoir emménager en ville sont devenues strictes, d’où les barrages aux frontières. Même à l’intérieur de la ville, les choses ne tombent pas sous le sens. Les coupures totales d’électricité sont régulières, et la qualité de l’eau est très variable, en plus de devoir être utilisée avec parcimonie. Les espaces verts se sont raréfiés (le seul véritable arbre montré dans la série se trouve dans le jardin artificiel de l’hôpital où travaille Eady), les ghettos de riches ne font que souligner les inégalités criantes, l’insécurité augmente, certaines nouvelles maladies qui précédemment étaient tropicales ont fait leur apparition dans des quartiers parfois surpeuplés… Et je n’ai même pas encore parlé des pluies acides.
Malgré tous ces détails, le monde de The Commons ne semble pourtant pas loin de nous. Certaines choses sont de toute évidence rares (des drones de la police procédant systématiquement à de la reconnaissance faciale, par exemple, ou la technologie qu’utilise Eadie pour son travail sur les traumatismes), mais la série insiste pour nous parler d’un futur proche, très proche, si proche qu’on pourrait presque le toucher. Encore plus ces derniers temps. Tout nous est, en outre, présenté volontairement avec la plus grande des banalités, inscrivant les choses les plus atroces (Ivy se prend une goutte de pluie dans l’œil en début d’épisode, et en souffre pendant le reste de la journée) dans un quotidien quelconque, ressemblant beaucoup au nôtre. ‘Fin pas le mien, parce que je sors pas alors c’est pas pour me retrouver sous la pluie, mais vous saisissez l’idée.
Lorsqu’on regarde la façon dont The Commons traite la majeure partie de ses ingrédients futuristes, tout a du sens, et s’inscrit dans la continuité de ce que l’on sait et connaît déjà. C’est terrifiant en un sens de voir combien ce futur dystopique n’a pas grand’chose d’extravagant ; la même série il y a 10 ans aurait paru radicalement alarmiste. Mais là on a un peu l’impression que The Commons ne cherche pas à tirer la sonnette d’alarme : c’est acté, le futur ressemble à ça, la preuve, est-il si différent du présent ?
D’autant que dans le fond, ce futur n’est pas l’objet principal de The Commons : le désir d’enfant d’Eadie occupe la plus grande partie de ce premier épisode. Rares sont d’ailleurs les séries de science-fiction à s’enquérir autant des parcours et douleurs des femmes comme le fait The Commons, qui a choisi d’utiliser son contexte pour imaginer jusqu’où son héroïne est prêt à aller pour avoir une chance de mettre un bébé au monde (…oui, même dans ce monde-là ; je me demande si les épisodes ultérieurs vont se poser cette question d’ailleurs). Explorer ce projet de maternité, bien-sûr, implique des spécificités dues à l’époque futuriste ; je pense d’ailleurs qu’on n’a qu’effleuré à quel point dans ce premier épisode.
Cela permet de procéder à une double expérience de pensée, d’une part sur la maternité et d’autre part sur ce que le futur nous réserve, et de les lier de façon absolument unique. Rien de tout cela, bien-sûr, à aucun niveau que ce soit, ne va vous aider à dormir ce soir, soyons clairs. Mais de toute façon qui a besoin de dormir quand on peut passer toute la nuit à fixer le plafond avec des yeux exorbités par l’éco-anxiété ? Moi je dis : autant regarder une série qui exorcise nos démons.
Je dis ça mais j’ai toujours pas eu le courage de me mettre devant Years and Years.
Une série qui m’a l’air intéressante surtout avec sa thématique. C’est rigolo que je ne lise pas/ne regarde pas plus des histoires de clifi comme celle-ci alors que c’est ce sur quoi je passe la plupart du temps (libre et non), peut-être justement parce que je passe beaucoup de temps à penser à ces questions et que je ne veux pas y passer Tout mon temps. Aucune idée.
Si c’est pas juste sur ton temps libre, je peux en effet complètement comprendre qu’il y ait un effet de saturation à un moment donné. Et puis franchement la clifi, c’est très souvent sombre et angoissant, ce qui veut dire que si ça ne colle pas avec tes goûts téléphagiques (ou littéraires), c’est assez normal que tu en consommes peu !