In his shadow

25 octobre 2019 à 19:56

J’en ai vu des pilotes ratés, j’en ai même vus quelques uns en cette rentrée (…dit-elle en coulant un regard en biais à Perfect Harmony), mais un ratage de l’ampleur de Batwoman, j’avoue, ça me tire des jurons d’admiration. A ce stade c’est la naissance d’un nouvel art qu’il faut célébrer. Je… WOW.
Ok, non, allez, je peux essayer d’exprimer ça un peu mieux. C’est juste que… w-o-w.

En fait, pour vous parler de Batwoman, il faut que je vous parle d’un autre pilote, celui-là plus ancien. Pas de beaucoup, juste quelques années : celui de Supergirl.

Car les deux séries sont, en fait, introduites un peu sur le même mode. Et ce mode est fainéant.
Leur idée commune est de placer en leur centre une figure féminine forte et admirable (Supergirl d’une part, et Batwoman de l’autre, donc), de toute évidence amenée à porter une série mais aussi à donner une certaine idée du « girl power »… mais de les faire exister par l’absence d’une figure masculine forte et admirable (à savoir Superman d’une part, et Batman de l’autre). Et cette figure masculine, ce n’est pas n’importe laquelle : Supergirl a « sa » ville à sauver alors que son cousin est très occupé par Metropolis ; Batwoman, elle, ne connaît pas les raisons qui retiennent son oncle Batman loin de Gotham, mais cela lui laisse le champ libre pour, très littéralement, le remplacer.
Dans les deux cas, une bonne partie de l’intrigue repose donc à la fois sur la révélation personnelle que la jeune femme en question peut être une héroïne… et aussi, quand même, sur un rappel de l’imposante présence du héros qui l’a précédée. Il s’agit dans le même temps de prouver que les filles aussi on l’étoffe des héros… et de s’appuyer, quand même, sur la plus grande célébrité (dans l’univers de ces séries comme dans le nôtre) de ces héros masculins les ayant précédées. Toujours dans les deux cas, lesdits héros n’apparaissent pas à l’écran dans le pilote, en théorie pour ne pas éclipser le personnage féminin amené à porter la série à bouts de bras… même si, en fait, il apparaît quand même, mais comme une ombre. Sans compter que son absence, rendue extrêmement palpable par à la fois le scénario et ces allusions constantes, donne lieu à la création d’un semi-avatar, donnant à l’héroïne un sidekick qui sert de pont entre l’absent et la présente. C’est exactement le même mécanisme qui se produit dans les deux pilotes (les deux fois avec un homme noir, d’ailleurs). C’est paresseux aussi bien sur le fond que sur la forme. Cela occulte, d’ailleurs, une grande partie de l’intérêt d’avoir un personnage de superhéroïne à présenter aux spectateurs ; si l’origin story d’un personnage dépend de celle d’un autre plus populaire, comment imposer le nouveau comme autre chose qu’un sous-produit, un pis-aller ?

J’ai été surprise que Batwoman refasse cette erreur.  Pour autant que je sache (je n’ai jamais réussi à finir la première saison, je le confesse), le problème qu’a eu à affronter Supergirl pendant un moment a été précisément de devoir se détacher de l’absence omniprésente du cousin en collants bleus… pour finalement l’accepter au sein de la série et passer à autre chose. Les scénaristes de Batwoman n’ont-ils pas eu l’idée de glisser un œil aux écueils rencontrés par son aînée ? Ne serait-ce que pour faire des erreurs différentes, au moins ?

Mais je vais être honnête avec vous : je ne pense pas que les scénaristes de Batwoman aient jeté un œil à grand’chose, en matière de télévision. Parce que les échecs de Batwoman ne s’arrêtent pas du tout là.
Batwoman est typiquement le type d’épisode introductif qu’il était normal de regarder, disons, dans les années 90 : tourné sans soin particulier, écrit dans la hâte, et particulièrement efficace… si votre définition de l’efficacité est de caser autant de choses que possibles dans l’exposition, tout en ménageant quelques scènes de baston, à la hâte et pour avoir l’air de contenter tout le monde. Le problème c’est que ce qui fonctionnait dans les années 90, a fortiori pour une série d’action, ne suffit plus vraiment aujourd’hui, et que non, ça ne content pas tout le monde. Loin de là.
Proposer un premier épisode qui donne plein d’informations « utiles », mais ne propose aucun moment émouvant, aucune exploration de la psychologie d’un personnage (pas même celui dont la série porte le nom !), aucune insistance particulière sur des thématiques plus larges… aujourd’hui, c’est un peu dommage pour ne pas dire risible. Oui, même sur la CW, et même pour une série de superhéros. Il y a justement tellement de séries de superhéros (…y compris sur la CW) qu’à un moment il faut peut-être envoyer aux spectateurs un signal clair, indiquant pourquoi il faudrait se fader Batwoman en plus des 712 autres heures de fiction de superhéros disponibles chaque semaine, toutes plateformes confondues.

Or Batwoman n’explique pas cela. Elle ne donne aucune raison autre que : regardez, notre héroïne est une lesbienne butch. Et euh, je vais être parfaitement claire : c’est une vraie raison qui m’a fait regarder le pilote de Batwoman avant celui d’autres séries. Ne nous fourvoyons pas, il y a un réel attrait dans la seule présence de Ruby Rose et ce qu’elle personnifie ainsi. Mais tester un pilote pour cette raison, c’est une chose… rester devant une série sans aucune autre raison, c’en est une autre.
Vu la qualité du jeu de ladite Ruby Rose, peu aidée par une réalisation ignoble, un montage réellement mauvais, et ce qui m’a tout l’air d’être une direction d’acteurs à la ramasse aussi, ya vraiment pas de quoi pavoiser. Le fait que Batwoman n’ait absolument rien d’autre à offrir que la promesse d’une héroïne lesbienne butch est même super inquiétant quand on sait que même ça, c’est mal employé. Il n’y a aucune émotion qui découle de la part romantique de l’intrigue de ce premier épisode, parce que c’est écrit à la va-vite (j’avais même pas compris que Batwoman était assez âgée pour avoir été à l’académie militaire à l’époque du « Don’t ask, don’t tell ») et qu’il n’y a aucun temps mort pour l’émotion dans ce foutu épisode de toute façon. Si la seule expression de la mélancolie de Batwoman, c’est qu’elle se mord la lèvre une seconde avant d’aller se chercher du café à la machine, moi je suis désolée vous ne me ferez pas croire que Batwoman est une série dramatique.
Tout ça pour, en fin de parcours, nous délivrer un « retournement de situation » qui n’en était pas un, que tout le monde a vu venir, et qui même pour les personnages ne revêt pas vraiment de grande surprise, franchement je suis atterrée. Je comprends qu’une série privilégie les twists à la profondeur dramatique, et dans une certaine mesure je le respecte, mais quand ni l’un ni l’autre ne font l’objet d’une attention scénaristique ou au moins esthétique soutenue, je démissionne.

Franchement, à ce stade, Batwoman est un tel ratage que j’ai presque honte d’avoir un jour été curieuse à son propos. Et il n’y a rien qui me mette de plus méchante humeur qu’une série qui me fait regretter ma curiosité.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    J’étais intriguée par la série pour les mêmes raisons que toi, mais je pense que je vais passer mon chemin…

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