Family receipts

20 octobre 2019 à 9:32

Les séries c’est comme une boîte de chocolats : vous avez beau lire des résumés, vous ne savez jamais ce que vous allez y trouver.
J’ai démarré Ore no Hanashi wa Nagai, l’une des nouvelles séries de NTV en ce mois d’octobre, en me fiant plus ou moins à ce que le pitch prédisait : qu’il s’agissait de l’histoire de Mitsuru Kishibe, un homme de 31 ans qui est retourné vivre aux crochets de sa mère ; mais lorsque sa sœur (ainsi que le second mari et la fille de celle-ci) ré-emménagent temporairement dans la maison familiale, sa vie confortable est remise en question.

En soi, ce n’est pas fondamentalement différent d’une partie de ce qui se dit dans le premier épisode d’Ore no Hanashi wa Nagai… mais c’est aussi passer à côté de nuances importantes. Des nuances tellement importantes, en fait, que ce que je prenais pour une énième série sur un Millennial désœuvré est en fait un puissant drama familial. Et j’aime autant vous prévenir tout de suite : je suis tombée amoureuse.

Alors reprenons. Voilà 6 ans, Mitsuru Kishibe a créé son propre café, et attention, pas n’importe quoi : ce puriste extrêmement tatillon n’acceptait d’y servir que le meilleur café. L’aventure a duré en tout et pour tout 9 mois, puis a dû fermer boutique ; c’est à ce moment-là que Mitsuru est revenu vivre avec ses parents. A l’origine, rien n’indiquait que cela deviendrait permanent mais, quelque part, à un moment pendant les 6 années qui ont suivi (peut-être parce que Mitsuru s’est installé dans une vie insouciante, peut-être parce que son père est mort et que sa mère était bien contente d’avoir de la compagnie) la routine s’est installée. Il n’a jamais retrouvé d’emploi, et à en croire son entourage, il n’a même jamais cherché.
Pour Fusae, sa mère, ce n’est pas exactement un problème ; c’est un soucis, forcément, parce qu’elle s’inquiète pour l’avenir de son rejeton, mais elle a aussi accepté qu’elle ne pourrait pas le faire changer d’avis malgré lui. Elle est même très contente d’avoir une petite attention unique qui, d’après elle, vaut tous les trésors du monde : chaque matin, Mitsuru lui fait une tasse de son meilleur café. Bon, après il ne fait plus rien du tout de la journée, mais ça la touche quand même. D’autant que Fusae elle-même tient un petit café où elle sert le voisinage toute la journée, donc ça fait du bien… même si Mitsuru refuse de travailler dans ledit café, parce qu’en snob insupportable qu’il est, il méprise le type de café qu’elle sert.
La relation entre la mère et la fils s’est stabilisée, en tout cas (en grande partie parce que Fusae est extrêmement conciliante), et c’est l’essentiel, semble-t-il.

Cet équilibre va cependant être bouleversé quand Ayako, la sœur de Mitsuru, annonce que sa maison va être en travaux pendant 3 mois et qu’elle aimerait revenir vivre dans la maison familiale pendant ce temps-là, avec sa fille Harumi, une adolescente née d’un premier mariage, et son second époux Kouji, qu’elle mène à la baguette. Le projet n’est pas exactement du goût de Mitsuru, qui a des relations tendues avec sa sœur ; il faut dire que tous les deux ont très fort caractère, et que jusqu’à présent, ils se sont entourés de personnes très indulgentes. Mais là, tout le monde est conscient que ça va péter, d’autant qu’Ayako est incapable de laisser couler le ton pédant sur lequel Mitsuru a le don de s’adresser à quasiment tout le monde.
Mais même si elle a l’air de maîtriser son foyer d’une main de fer, Ayako elle-même est perdue. En particulier, elle ne sait pas par quel bout prendre sa fille Harumi, qui reste dans sa chambre toute la journée, séchant l’école sans explication. Jusque là, Ayako et Kouji ont laissé filer, pensant que ce ne serait qu’une phase ; mais cela dure et en plus Ayako n’explique absolument pas les raisons de son refus de retourner en cours. Avec l’approche des examens d’entrée à l’université, la situation devient vraiment inquiétante pour l’avenir de la jeune fille. Ayako n’a aussi pas tellement remarqué que Kouji vit assez mal son statut de beau-père (Harumi l’ignore totalement), et qu’il commence même à avoir des difficultés avec le ton sur lequel sa femme, très autoritaire, lui parle souvent.

Lorsque, non sans peine, la famille décide de cohabiter pendant trois mois, les langues se délient. Tous les non-dits reviennent à la surface : il devient difficile de masquer ses sentiments et de taire ses reproches lorsqu’on est obligé de cohabiter. Plusieurs personnages décident même, explicitement, d’utiliser cette cohabitation temporaire comme tremplin pour corriger des situations déplaisantes.

Ore no Hanashi wa Nagai représente vraiment le meilleur des séries familiales, en cela que la série s’intéresse avant tout au ressenti des personnages et à leurs relations, plutôt qu’à un soap avec une intrigue à proprement parler. En un sens, la série se présente comme une thérapie familiale, pas toujours dramatique (au contraire je me suis esclaffée à de nombreuses reprises, en particulier à cause du culot et de la mauvaise foi patentée de Mitsuru), mais toujours désireuse d’aller au fond des choses. Il y a quelque chose de tendre, mais de franc, dans les très nombreuses bisbilles qui jalonnent ce premier épisode. Mitsuru et Ayako sont en permanence l’un prêt à sauter à la gorge de l’autre, à déterrer de vieilles rancunes, à appuyer très exactement là où ça fait mal…
…Mais dans le même temps, il y a des relations très intéressantes qui se tissent (ou plutôt, se solidifient) en arrière-plan. Mitsuru est ainsi très proche de sa nièce Harumi, et agit un peu comme son confident. Ayako et sa mère Fusae sont complices et très conscientes d’être complémentaires. Kouji s’est pris d’amitié pour son beau-frère Mitsuru, et lui confie aisément ses problèmes de couple. Résultat, il ne fait pas vraiment doute que toute cette petite cellule familiale, toute agitée par les disputes qu’elle soit, est noyautée par une solide affection.

Ces trois mois à venir, s’ils ne vont pas être de tout repos, vont probablement bouleverser pas mal de choses.

Ce premier épisode (lancé la semaine dernière) brille autant par ses disputes, écrites et interprétées avec une énergie déconcertante, que par ses moments plus doux, voire mélancoliques. Voir Harumi sourire vraiment pour la première fois, sur son vélo, parce qu’elle venait de dîner chez sa grand’mère, m’a par exemple émue aux larmes… à ma plus grande surprise !
Qu’est-ce qui dans Ore no Hanashi wa Nagai suscite une telle émotion ? Eh bien le fait que ces personnages sont bien posés, et déjà complexes : leurs contradictions sautent aux yeux et leur humanité saute au cœur. Par certains aspects, le dorama m’en a évoqué un autre, Oishii Gohan, dont l’aspect comique était peut-être un peu plus prononcé (et l’humour plus bon enfant, aussi) mais qui ancrait également son émotion dans une cohabitation forcée menant toute une famille à panser les plaies d’antan. Les deux séries partagent une autre spécificité en attribuant aux différents chapitres qui composent l’épisode… des noms de plats. Comme dans beaucoup de séries (mais surtout Oishii Gohan qui en avait fait un gimmick central), la nourriture et en particulier les repas pris ensemble, servent à la fois d’excuse et de révélateur pour les relations familiales. Et moi vous savez bien que pour toucher mon cœur, il faut passer par mon estomac…

Tout compte fait, je m’aperçois en écrivant cette review que même lorsque j’essaie de détailler ce qui a marché pour moi dans cet épisode inaugural d’Ore no Hanashi wa Nagai, je n’en suis pas vraiment capable. Pas avec la précision que j’aimerais avoir.
Après tout, il y a une raison pour laquelle le seul moyen de savoir si on aime une série, c’est de la regarder : un synopsis, un trailer, un résumé d’épisode ou même une review… ne peuvent jamais totalement expliquer par quel miracle on répond plus à une série qu’à une autre. Il n’y a tout simplement pas de formule magique pour décrire le ton d’une série, et moins encore pour soulever précisément chaque recoin d’un épisode et y dénicher les choses qui ont fait mouche (même si pour moi, clairement, les situations de Mitsuru et Harumi ont fait écho à ma dépression et mon agoraphobie). J’ai l’impression de ne pas pouvoir rendre justice à Ore no Hanashi wa Nagai, parce que ce qui se trame dans un human drama, cette exploration des émotions, cet équilibre instable entre le rire et les larmes, cet espoir de guérison qu’on place dans la fiction, ça ne se décrit pas. Ça se vit.
Dans le fond, ceci est au moins autant un aveu d’échec de mes mots, qu’un hymne à la réussite de l’indescriptible force d’une dramédie familiale comme Ore no Hanashi wa Nagai.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Oh, ça m’a l’air vraiment intéressant comme série. Je n’ai pas tant de série en cours en ce moment, je me l’ajouterai bien à ma liste à regarder.

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