David Makes Man est une série étasunienne unique en son genre. Pour commencer, il s’agit d’un teen drama dont le héros est un adolescent noir, ce qui n’arrive… écoutez, jamais. On est en 2019 et c’est la première fois qu’un teen drama US le fait. Mais le plus étonnant, c’est que David Makes Man est une série de la chaîne OWN… pas spécialement connue d’ordinaire pour cibler le public adolescent. Les séries dramatiques sur cette tranche d’âge ayant un personnage principal afro-américain sont d’ailleurs, plus largement, encore rarissismes aux Etats-Unis (ce qui d’ailleurs donne tout l’intérêt au projet Sweet Life d’Issa Rae).
Malgré tout cela, ce que David Makes Man accomplit de plus impressionnant, ce n’est pas ce qu’elle est sur le papier, mais ce que chaque minute de son pilote produit. Toute en finesse.
David est un adolescent qui a une opportunité unique : il a pu rejoindre un programme destiné aux élèves montrant le plus de potentiel académique, dans une école plutôt huppée. Pour ce garçon qui a grandi dans les projects de Floride, c’est une chance inespérée. A terme, il espère que cela lui ouvrira les portes de l’école de ses rêves… mais pour le moment, cette situation semble présenter beaucoup d’inconvénients.
Pour commencer, il assume l’essentiel des responsabilités au sein de son foyer lorsqu’il s’agit de son petit frère JG. Leur mère Gloria, une ancienne droguée aujourd’hui clean, travaille trop et à des horaires trop aléatoires pour s’occuper des garçons autant qu’elle le voudrait. Alors c’est David, jour après jour, qui s’assure de faire la lessive (surtout que son frère fait encore pipi au lit), d’emmener son frère à l’école (courant le risque d’être lui-même en retard pour ses si importants cours), ou encore s’assure qu’il a mangé (ce qui n’est pas toujours gagné d’avance dans cette famille qui peine à joindre les deux bouts). La vie de David semble réglée comme du papier à musique, et pourtant elle est aussi terriblement stressante.
Elle le serait pour n’importe qui, mais David a, outre sa curiosité intellectuelle, la particularité d’être hypersensible. Tout stimulus est pour lui une sollicitation intense, voire perturbante, de ses sens.
David Makes Man part de ce constat sur la vie de son héros pour dépeindre toutes sortes de nuances peu ou pas abordées par les séries qui l’ont précédée au cours de l’historie télévisuelle américaine. Le parcours quotidien de David, qui semble promis à un brillant avenir si, et seulement si, il parvient à surmonter un présent difficile, est l’occasion pour la série de parler d’inégalités sociales, de la pression sociale inhérente à la vie dans les projects, de colorisme dans une Amérique supposément post-raciale (mais où sévit encore une évidente ségrégation), et bien plus encore.
Les scènes à l’école, leurs scènes avec Seren (le meilleur ami de David, et le seul autre adolescent noir de sa classe), avec la professeure Woods-Trap (qui a pris David en affection), avec la principale Fallow (qui bien qu’au courant de certaines des difficultés de David, n’en mesure pas nécessairement l’impact), répètent encore et encore que le jeune garçon est plein de potentiel. Mais ce potentiel, tout prometteur soit-il par définition, est un fardeau à bien des égards. En insistant énormément sur les enjeux de sa vie au collège, qui reposent presque totalement sur la promesse d’un futur radieux mais n’a rien d’évident au quotidien, David Makes Man semble de prime abord vouloir nous dire combien son héros, dépeint comme sensible au monde et féru de connaissance, ne mérite pas de vivre dans la pauvreté, dans un context social difficile, dans un monde violent.
Mais qui le mérite ?
Ce qui est proprement brillant dans ce premier épisode de David Makes Man, c’est que la série place autant d’importance dans le portrait d’un personnage adolescent noir pris au piège d’une position intenable, que dans l’humanisation de personnages secondaires nuancés. Le pilote fait un travail formidable pour nous présenter, en particulier, d’autres personnages noirs qui eux, n’ont pas le potentiel intellectuel de David… mais qui n’ont bien-sûr pas plus de place que lui dans ce quotidien cruel. Ils existent par petites touches, pendant cet épisode introductif, n’espérant pas vraiment trouver une autre vie, parce qu’elle leur semble d’office hors d’atteinte. Ce qui évidemment ne peut qu’ajouter de la pression que ressent David au quotidien. Le frère de David, son voisin qui fait partie d’un gang, la voisine qui veille sur eux lorsque leur mère est au travail… leur vie sera probablement toujours dans les projects. Et c’est la raison pour laquelle ils regardent David différemment. Il le sent. Il est impossible d’échapper au poids de ce damné potentiel. David a une chance de sortir de là, mais l’a-t-il vraiment ? Et est-ce vraiment une chance à l’heure actuelle ?
A tout cela, ce qui est déjà pas mal, il faut aussi ajouter le traumatisme avec lequel David vit jour après jour (et potentiellement l’explication de l’énurésie de son jeune frère), et qui vient encore contribuer à la sensation d’étouffement du jeune garçon.
David Makes Man mélange tous ces ingrédients, en général avec beaucoup de finesse (seul le « twist » de fin d’épisode m’a semblé maladroit, en plus d’être prévisible), pour nous décrire une histoire à la fois complexe et terriblement banale. Ce qui finit d’en faire un bijou, c’est que pour raconter ce quotidien, la série s’appuie sur une réalisation extrêmement léchée ; l’hypersensibilité de David est l’occasion d’insister non seulement sur ses préoccupations, mais aussi voir surtout, sur ses sensations. Sa réaction au toucher, à la vue, à l’ouïe… David expérimente le monde en prenant tout de plein fouet. Chaque seconde est intense, et vécue profondément.
Il faut vraiment féliciter OWN pour les choix que fait la chaîne, non seulement en matière de thèmes, mais aussi en ce qui concerne l’esthétique de ses séries. Queen Sugar n’est clairement pas vouée à être une exception : il y a une réelle intention de la part du diffuseur pour repousser ce qui a longtemps représenté les limites de la fiction « black » aux USA. Ces fictions sont-elles soumises à l’Académie pour les Emmys ? Parce qu’encore qu’une série Tyler Perry ne soit nommée pour rien, ok, ya pas de mystère. Mais là ça commence sérieusement à se voir. En tant que téléphages, et a fortiori téléphages européens (et a fortiori téléphages européens blancs le cas échéant), il faut vraiment nous faire l’écho de la finesse, la bravoure, l’intelligence et la beauté de ses séries.
A mon sens, David Makes Man entre directement au panthéon des plus formidables séries adolescentes jamais produites aux USA.
Je viens a l’instant de visionner le pilote et je ne peux que vous felicitez pour votre article pour m’avoirevencore fait decoyvrirvunce ce bijoux .
J’ai adorée l’estetique de ce pulote , et que dire du petsonnage il joue juste.
Encore un tres grand merci pour vos article.
Continuez ainsi ne changez rien.
Oh maintenant j’ai vraiment envie d’aller jeter un coup d’œil à la série qui m’a l’air vraiment intéressante !