Il y a encore quelques jours, je me faisais la réflexion que je ne propose pas souvent de review de séries quotidiennes. Oh, ça arrive, comme un peu pour tout et fort heureusement (et je vous ai remis des exemples en bas d’article d’ailleurs), mais quand même pas si souvent. Certes, la question est en partie inhérente au format : les séries quotidiennes ont, dans leur majorité, tendance à être longues, et par voie de conséquence il n’en démarre pas tous les quatre matins ! Toutefois si je suis honnête avec moi-même, ce n’est pas la seule explication… le fait est que si je ne les reviewe pas, c’est que, bien souvent, je ne les regarde pas. Même pas le premier épisode !
Alors quand j’ai déniché le premier épisode d’Isipho, un soapie sud-africain qui a commencé en début de semaine, je me suis dit que l’occasion était parfaite d’améliorer ne serait-ce qu’un peu, mon bilan en la matière. Ne serait-ce que par curiosité !
Comme beaucoup de séries qui ont le temps, Isipho démarre par un premier épisode qui pose les bases mais n’en dit pas tant que ça. Pourquoi se presser ? Ce sont 208 épisodes qui ont été commandés par e.tv, qui diffuse la série, aussi personne n’est dans l’urgence. Isipho a le temps et elle va le prendre, résolument, dans son exposition… Un important rappel que tous les premiers épisodes de séries n’ont pas les mêmes défis à relever, et que quand, par nature (celle du format), le public est plus patient, eh bien on ne traite pas une introduction de la même façon.
Concrètement, cela veut dire qu’Isipho va certes nous raconter un peu de son intrigue, mais qu’elle est plus intéressée par la perspective de poser les personnages et leurs relations. Mais plus que le fait d’être une série quotidienne, cela semble être un véritable choix narratif pour la série, comme si l’intrigue ne pouvait jamais vraiment exister pour elle sans développer les personnages et leurs relations.
Le personnage central de la série, c’est un homme du nom de Moses Shezi, un père de famille et un intellectuel (dans le premier épisode, il se présente lui-même comme un philosophe de profession ; la chaîne e.tv emploie plutôt le terme d’universitaire dans son matériel promotionnel) a priori assez quelconque. Quand Isipho commence, il célèbre, avec sa femme, l’anniversaire de leur fille unique Ntombi, une jeune femme qui travaille à Impilo Labs. Moses se montre particulièrement fier de la carrière scientifique de Ntombi, cependant son émotion vient aussi d’autre chose : chaque année qui passe, elle lui rappelle un peu plus sa propre mère, que Moses a vue mourir dans des circonstances tragiques alors qu’il n’était qu’un enfant.
Des circonstances qui nous sont rapidement révélées, parce qu’elles contiennent en effet un argument-pivot d’Isipho : Moses a un don surnaturel, qui lui permet de rêver de la mort des gens. Ce qui pour la série n’est étonnamment pas la source du drame, non : c’est la façon dont d’autres reçoivent cette révélation qui pose problème. Les accusations de sorcellerie ont ainsi fini par coûter la vie à sa mère, jadis. A présent, Moses fait de son mieux pour ignorer ses rêves prémonitoires si macabres… mais comment ignorer un don qui l’informe, au début du premier épisode, de la mort à venir de sa propre fille Ntombi ?
S’il veut changer le destin, la question qui se pose n’est donc pas tant le comment, que décider vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Une rencontre inopinée avec un petit escroc local, Lwandle, qui semble avoir un don bien particulier également, va peut-être l’aider…
Ce premier épisode ne durait qu’une demi-heure et ma foi, je suis déjà totalement galvanisée par ses promesses. L’aspect surnaturel est traité de façon si factuelle et acquise, et l’intrigue tourne si peu autour d’un aspect de thriller sur « comment empêcher la mort de Ntombi », qu’au final tout ce qui reste, c’est… l’essentiel. C’est-à-dire l’aspect dramatique, voire tragique, des situations. En somme, ce qui me passionne dans une série, c’est précisément ce qui motive Isipho.
Qui plus est, les relations entre certains personnages sont d’ores et déjà développées, pour nous offrir un point d’entrée émotionnel dans la série, sur lequel cet épisode introductif met l’accent. Aux deux scènes pendant lesquelles Moses et Ntombi discutent, d’égal à égal, avec une vraie affection mais aussi un respect mutuel l’un pour l’intelligence de l’autre, répond une autre très belle entre Lwandle et sa grand’mère Gogo. Et écoutez, des séries sud-africaines, je commence à en avoir regardé quelques unes, mais cette tendresse entre un homme et une femme d’une même famille, c’était la première fois que je les voyais poussées aussi loin… et j’y ai assisté à plusieurs reprises dans un même épisode ! Je me sens gâtée. Il faut aussi y ajouter une autre scène, très longue mais bien moins complice, entre Lwandle et son ex (également mère de son enfant), qui bien que n’ayant pas du tout le même ton avait également l’immense mérite de pousser deux personnages qui se connaissent sur le bout des doigts de se confronter humainement l’un à l’autre.
Ce qu’Isipho promet n’est toutefois pas de simples paroles en l’air : la course contre la montre a déjà commencé, ne nous fourvoyons pas. Outre la révélation que Moses est capable de visions, que sa mère est morte à cause d’elles, ou tout simplement qu’il a rêvé de la mort de Ntombi, le premier épisode de la série met aussi en place, comme je l’ai dit, la rencontre avec Lwandle… et même une cause potentielle de la mort de Ntombi. Vous vous souvenez lorsque je vous ai dit qu’elle travaillait dans un laboratoire ? L’une des intrigues secondaires d’Isipho traite de l’industrie pharmaceutique et sa légendaire cupidité…
Je ne regarde pas souvent de soapies sud-africains, et je sais bien que j’ai tort. Pour ma défense, ce n’est pas toujours facile d’en trouver le premier épisode, mais tout de même. Je sais, pour suivre le compte Twitter de plusieurs d’entre elles (où l’on poste régulièrement de courts extraits), qu’elles peuvent briller par le ton de leurs scènes, la qualité de leurs dialogues, et/ou l’exigence de leur réalisation. En somme je ne devrais plus m’étonner, mais je suis tout de même agréablement surprise.
En Afrique du Sud, après tout, le soapie n’est pas l’amuse-bouche dédié à une audience de niche avant le primetime : le soapie EST le primetime (sur les écrans sud-africains il commence plus tôt que chez nous, c’est tout ; diffusée à 18h30, Isipho est même en début de primetime un lead-in pour l’institution Rhythm City), et s’adresse à tout le public. Il est donc produit et financé comme tel ; beaucoup de séries quotidiennes sud-africaines sont pointues en termes de production values. Isipho s’inscrit dans cette volonté de faire de la télévision quotidienne qui ait le même niveau d’exigence qu’une série hebdomadaire, et cela se sent. Que 208 épisodes (à raison de 4 diffusés par semaine) soient prévus pour le soapie force d’autant plus l’admiration.
Le mélange de surnaturel, de thriller, de drame social, de soap relationnel, est savamment dosé. Il y a aussi de très beaux plans, à l’occasion, dans cet épisode, et un montage particulièrement dynamique en particulier pour la scène d’action de la fin. Mais ce qui m’a le plus séduite, c’est sans conteste que rien dans cette série quotidienne ne ressemble à du remplissage : quand les personnages se parlent, cela sonne sincère et authentique, et les relations viennent renforcer les enjeux. Cela ne signifie pas qu’il ne peut pas se produire, par la suite, des délais narratifs plus superficiels pour jouer la carte de la durée (208 épisodes !) ; mais Isipho a l’air de prendre tellement au sérieux ses personnages, leurs motivations et leurs relations, que j’en doute un peu.
Je voulais tester Isipho pour changer un peu mes habitudes… et je me retrouve avec un dilemme sur les bras. Alors qu’il est si difficile d’accéder à la fiction sud-africaine, comment je fais pour regarder la suite, maintenant ?! C’est que, je m’inquiète pour tout ces gens à présent…
…Laissez-moi donc partager mon soulagement : au moins pour le moment, la chaîne e.tv met tous les épisodes en ligne sur Youtube.
Je ne regarde pas beaucoup de séries quotidiennes non plus. J’ai essayé par le passé, mais il s’avère que j’ai toujours fini par décrocher, et du coup maintenant, à cause de mes expériences passées, j’hésite toujours parce que je me dis que je fais forcément abandonner avant la fin, et que du coup, je ferais peut-être mieux de commencer une histoire que je verrais plus probablement en entier à la place. Et à la fois, je me dis que même si je ne finis jamais une histoire, on dit bien que l’important, c’est le voyage, pas la destination, donc si une série m’apporte quotidiennement quelque chose, alors est-ce vraiment important si je ne la termine pas ?
Bref.
Ton portrait est convaincant, et c’est vrai que c’est encourageant que les épisodes soient facilement accessibles sur youtube, mais toujours le même blocage à la con. Toujours est-il que j’ai laissé un onglet ouvert sur l’épisode 1, et je pense que je le regarderai dans la journée/ce soir, pour laisser une chance à cette série quotidienne pour changer. En plus « The boy who could bend the sun » ça en jette comme titre d’épisode.