L’an dernier, sans grand bruit hélas, est apparue une série australienne unique : On the Ropes parle ainsi de boxe. Son sujet est d’autant plus rares sur nos écrans que son héros est une héroïne, une jeune femme d’origine irakienne qui s’intéresse à ce sport.
La timidité d’On the Ropes s’explique en partie par son format et son diffuseur : il s’agit d’une mini-série de 4 épisodes seulement (je ne parlerai pour ma part que du premier ici), comme la chaîne publique SBS les aime tant, et qui permet de poser une question sur la réalité ou le fonctionnement de l’Australie multiculturelle… mais pas de s’engager au long cours avec les personnages. D’ailleurs parfois ce n’est pas plus mal : lors de sa diffusion, On the Ropes a perdu tant de spectateurs, qu’elle s’est trouvé discrètement remisée à une case horaire plus tardive. Autant vous dire que d’une deuxième saison on ne discute pas trop à ce stade…
Par le passé, d’autres séries australiennes se sont intéressées à ce que peuvent ressentir des Australiens de 2 ou 3e génération ; mais tous les exemples qui viennent à l’esprit (The Principal, East West 101… également des séries de SBS) mettent en scène des hommes, passant donc à côté de la dimension féministe des problèmes rencontrés. Être pris entre deux cultures, c’est une chose ; mais être prise entre deux cultures en tant que femme, cela ne rend les choses que plus difficiles à naviguer. C’est le challenge auquel On the Ropes s’attaque donc.
La famille Al-Amir vient d’Irak, et depuis le temps qu’elle s’est installée en Australie, elle a pas mal évolué. Les Al-Amir ont réussi à se créer des attaches professionnelles et sociales, notamment grâce à la salle de sport que tient Sami, le patriarche. A présent que les enfants ont grandi, les discussions sur le mariage ou sur l’université sont désormais courante ; mais aucun de ces marqueurs de réussite n’intéresse Amirah. Depuis toute petite, elle admire le travail de préparation que fait son père auprès de jeunes boxeurs. Plus que tout au monde, elle veut, elle aussi, entrainer de jeune champions… ou précisément championne.
Amirah a placé tous ses espoirs dans les capacités de Jess, une mère célibataire qui montre beaucoup de potentiel. Elle profite donc de l’accès illimité qui lui est permis à la salle de son père Sami, pour entrainer Jess discrètement, en vue de faire démarrer sa carrière.
On the Ropes joue en permanence avec des codes culturels auxquels Amirah doit s’adapter. Le regard de la famille, le regard de l’entourage social, le regard de la communauté sportive, tendent à lancer des signaux différents quant à ce qu’il est attendu de la jeune femme.
Sami la laisse s’entrainer à la salle de sport, parce qu’il pense (ou veut penser) qu’elle ne fait que s’amuser et que ce n’est que temporaire ; découvrir qu’Amirah a des ambitions professionnelles ne va pas vraiment lui plaire. En fait toute sa famille est furieuse que la jeune femme sèche ses cours à l’université pour pouvoir entrainer sa protégée Jess, ou négocier une présence à un match, ou vendre des tickets. Son éducation est complètement négligée parce que Jess pense (ou sait) que ce n’est pas ainsi qu’elle fera le métier qu’elle veut réellement exercer ; mais ce métier n’est pas un métier pour une jeune fille ! Que pensera-t-on d’elle, à plus forte raison alors qu’un de ses frères est sur le point de se marier, et donc d’attirer l’attention de tous (dont la nouvelle belle-famille) sur Amirah et son refus de rester dans les clous ?
La jeune femme est pourtant plus que résolue. C’est ce que principalement décrit ce premier épisode, au cours duquel on la voit négocier une rencontre sportive, passer des heures à essayer de remplir les sièges pour l’évènement, coacher Jess et la rassurer, et ainsi de suite. Elle a même obtenu sans rien dire à personne une licence d’entrainement qui l’autorise très officiellement à servir de coach à sa protégée sur le ring !
Cependant la question qui se pose n’est pas vraiment, vraiment, de savoir si Amirah a ce qu’il faut pour réussit.
Chose rare pour une série sportive, le doute ne vient pas de l’intérieur. Quand bien même elle est encore jeune et a des choses à apprendre, Amirah est tellement concentrée sur son objectif, et tellement décidée à réussir, qu’elle ne doute pas un instant de ce qu’elle fait. En revanche tout le monde, autour d’elle, doute. C’est ce contre quoi Amirah doit batailler en permanence, au point que sur la fin de l’épisode, c’est son père qui, essayant de l’arrêter, commet sous le feu de la colère une erreur.
Ce n’est pas tout-à-fait qu’Amirah n’est pas libre, c’est qu’elle a utilisé sa liberté différemment de ce qui était attendu d’elle : la nuance est de taille, et elle ne dépend pas uniquement de la culture ou de la religion de sa famille, mais bien de clichés sexistes profonds. La question que pose On the Ropes semble d’être que lorsqu’une femme fait un choix qui n’est pas acceptable, c’est souvent à elle de composer avec la colère des autres, ceux mis mal à l’aise par des choix qui ne les concernent pas mais qui remettent en question leurs certitudes. Amirah et Sami ont, pour clore l’épisode, une engueulade dans ces termes, pendant laquelle chacun est bien évidemment sûr d’être dans son bon droit, mais où il apparaît clairement que Sami a paniqué, n’a pas su comment forcer Amirah à faire ce qu’il voulait, et a du coup tout fait foirer. C’est difficile pour un père qui essaie aussi de donner plus à sa fille en Australie que ce qu’elle aurait eu en Irak.
Les filles n’écoutent pas toujours les pères. Surtout pas les père surprotecteurs qui pensent savoir ce qui est bon (donc ce qui est mauvais) pour leur fille. C’est l’obligation d’être un enfant que de devoir s’émanciper des plans faits par les parents et devenir soi-même. Mais lorsqu’on a toujours été considérée comme délicate et vulnérable, allez expliquer à papa que ce que vous voulez, c’est travailler dans un monde où on se fait défoncer une arcade sourcilière une semaine sur deux. Pas étonnant que cela cause quelques… frictions.
Intéressant !
Je rattrape tes articles un peu dans le désordre selon ce que m’inspire la vignette, mais je rattrape^^ Je m’excuse, je n’ai pas toujours grand-chose à dire, mais je tiens à dire que je lis tout avec intérêt, et que je seconde la commentaire de Tiadeets !