Fanny partage son temps entre les cours, les copines, un petit boulot, et désormais un petit ami. Elle ne s’entend pas toujours avec ses parents, elle se confie à sa grand’mère quand elle a besoin d’une alliée, et surtout, surtout, elle a des velléités d’indépendance, si possible loin de sa banlieue pavillonnaire. Le voyage à New York qu’elle organise depuis des mois avec ses amies Ariane et Jessica, et qui devait être une grande aventure à vivre avec son copain Fred, en est l’un des nombreux signaux.
Bon alors je suis pas la meilleure juge de ce qui constitue une adolescence normale, mais a priori rien dans la vie de Fanny ne relève de l’extraordinaire. Pourtant, Fanny est l’héroïne d’une série québécoise du nom de Fugueuse, ce qui vous laisse une petite idée sur ce qui attend cette existence plutôt quelconque.
Un autre indice, au moins aussi peu subtil, nous est également proposé au début de l’épisode inaugural de la série : on y voit Fanny, le nez en sang, les larmes aux yeux, un air paniqué, s’échapper d’un appartement avec un homme à ses trousses dans les rues d’une grande ville. Au bout de quelques minutes de cette scène, Fugueuse nous ramène en arrière pour mieux comprendre qui est Fanny. Or, il est plutôt clair que la jeune fille, très active, pleine de projets, plutôt protégée, ne semble pas vraiment destinée à l’expérience effrayante qui est la sienne en début d’épisode.
Alors que s’est-il passé ? C’est le nerf de la guerre, la question qui tord le ventre des spectateurs qui eux, savent, et qui se font par avance du soucis, étant sous-entendu que Fugueuse est destinée avant tout à un public de parents, et pas absolument à la génération de son héroïne. Bien que celle-ci occupe l’écran à chaque seconde de l’épisode, ce qui compte clairement dans la façon dont est troussé le scénario, c’est de déterminer ce qui cloche. Ses parents sont-ils trop stricts ? Trop permissifs ? Est-ce une gigantesque engueulade qui se prépare ? Bon sang, quel est le péché originel qui fait tout déraper ?!
En mettant l’accent sur ses dynamiques familiales, mais aussi amicales et amoureuses, et la façon dont ces différents « pôles » se percutent dans la vie de Fanny, le premier épisode de Fugueuse avance en réalité de façon masquée. Plus l’épisode progresse, et plus il apparaît que ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou une action précise, qui pousse Fanny à quitter le logement familial ; en fait, elle n’a, au terme de cet épisode introductif, pas tout-à-fait fugué, mais juste fait le mur pour aller à une soirée ! Rien de radical, donc, dans les raisons qui vont expliquer la scène de début d’épisode, mais un continuum de petites choses, qui; combiné au tempérament d’une adolescente qui veut pouvoir faire ce qu’elle veut sans avoir de compte à rendre à quiconque, pousse finalement les choses à changer. C’est peut-être ce que les parents avaient le moins anticipé qui cause le plus de tourment à leur fille… il ne manque qu’une impulsion extérieure, et si l’on devine progressivement que cette impulsion s’appelle Natacha, on ne sait pas encore dans quelle mesure cette influence s’avère capitale pour la suite (bon moi j’ai triché, j’avais déjà lu des trucs sur la série avant d’y jeter un œil).
Fugueuse veut nous parler d’un emballement invisible, en fait, comme une mise en garde. Les plus grands dangers dans la vie d’une adolescente ne viennent pas toujours de ses actions mais plus de ses motivations. D’autant que c’est en caressant celles-ci dans le sens du poil qu’un tiers peut influencer une jeune vie à jamais…
A l’instar de Pour Sarah (une série qui s’adresse également aux parents pour leur faire peur quant à ce qui pourrait arriver à leur fille, bien que très différemment), Fugueuse a fait l’objet d’une acquisition en vue d’une adaptation française. Dans les deux cas, il ne s’agit absolument pas de quoi que ce soit d’autre que de jouer sur des inquiétudes plutôt classiques, et de réaliser les pires cauchemars de parents. La différence essentielle à mon sens étant que Pour Sarah tente d’avoir une véritable valeur dramatique, une dimension humaine, et des personnages existant par eux-mêmes, là où Fugueuse, très franchement, peine à explorer autre chose que dans cette crainte du pire.
Malgré ces différences, les deux adaptations sont destinées à TFHein, ce qui n’est pas très surprenant au final : anxiogène un jour, anxiogène toujours.
Bon… je ne sais pas si la série serait aussi anxiogène sur moi, vu que je suis pas parente, mais de toute façon, jsuis pas d’humeur à angoisser, et le portrait que tu fais de la série n’est pas particulièrement engageant…
Merci pour l’article, lady ♥