Plus qu’une héroïne : une dynastie d’héroïnes. C’est l’objectif de Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries, qui a démarré en Australie ce mois-ci, et qui vient bien-sûr prendre le relai de Miss Fisher’s Murder Mysteries. Il faut dire que lorsque Miss Fisher’s Murder Mysteries avait été annulée, ses productrices avaient tenté par tous les moyens de sauver la série ou de lui donner une forme de suite. Plusieurs projets avaient été proposés à ABC, dont un prequel portant sur la jeunesse de son héroïne. Finalement Phryne Fisher reviendra au cinéma, mais la télévision n’a pas dit son dernier mot.
Le concept derrière Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries est donc simple : transformer pour une chaîne commerciale ce qui était une série populaire, lucrative, et accessible, de la télévision publique (la série-mère vient en effet d’ABC1). Cela se traduit par des changements conséquents, et une volonté de rajeunissement : ce sera désormais Peregrine Fisher, nièce de Phryne Fisher, qui portera la série. Pour l’occasion, l’intrigue se déroule à présent dans les années 60.
Les puristes vont être déçus, ne nous mentons pas. D’abord parce que Peregrine ne fait pas beaucoup d’efforts pour faire oublier Phryne ; au contraire, les références à son aînée sont nombreuses dans ce premier épisode. On nous indique par exemple que la Miss Fisher d’origine a disparu, et qu’elle est considérée comme décédée mais que les recherches se poursuivent sans la police (laissant la porte ouverte à un éventuel retour ultérieur). On nous serine de rappels au goût de Phryne pour ci, ou son talent pour ça. On multiplie les références et au milieu de tout ça, Peregrine a bien du mal à exister.
D’autant que Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries ne fait pas grand’chose pour établir la personnalité de son héroïne. Elle est à la fois proprement incapable (dés les premières minutes de l’épisode, on nous indique qu’elle ne sait pas garder un job, qu’elle n’en a d’ailleurs rien à faire, et qu’elle ne pense qu’à s’amuser) et capable de tout (à mesure que l’intrigue progresse on découvre qu’elle a mille talents et connaissances qui du coup auraient dû l’aider à un moment ou un autre). Elle devient en outre une détective totalement par accident… Peregrine ne manque pas de charme et c’est heureux, et elle a du culot à revendre comme celle qu’elle tente de remplacer, mais battre des cils ne remplace pas une personnalité et ce serait bien de passer le mémo à la production.
Cela rend ce premier épisode (sur une saison qui en comporte 4) particulièrement fatigant, d’autant que les épisodes de Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries sont deux fois plus longs, puisque produits sur le modèle du téléfilm (c’est France3 qui va être contente). Toute jolie et énergique qu’elle soit, Peregrine Fisher ne parvient pas à convaincre, et papillonne d’un rebondissement à l’autre dans une intrigue qui s’étire sans fin. Vous le savez, je n’ai rien contre les épisodes longs, mais je préfère quand ils ne font pas du remplissage. Ici on est typiquement dans un épisode qui meuble et qui parle pour ne rien dire. Le manque de substance est assommant.
Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries ne fait rien que vous n’ayez déjà vu cent fois. On a ici une héroïne féminine plein de cran qui trouve le moyen de résoudre des mystères, secondée par une ribambelle de femmes occupant les seconds rôles (les membres appartenant au Adventuresses’ Club of the Antipodes, une sorte de société pas si secrète de femmes éminentes et douées, dont Phryne Fisher était l’une des membres fondatrices), dans un passé présenté à la fois comme glamour à grand renfort de belle tenues et décors reconstitués… et caricaturalement sexiste, histoire de donner l’impression de dire quelque chose. Hélas la série ne parvient pas à aller au-delà de ces clichés vus maintes fois, et pire, en maintient d’autres sous couvert d’être « moderne » et « féministe ».
Il aurait été mille fois plus intéressant par exemple de laisser l’Adventuresses’ Club occuper un peu plus de place dans les enquêtes, mais la plupart (et notamment les femmes racisées du club) font office de figurantes. D’ailleurs on notera que les membres vouées au silence sont toutes moins conventionnellement attirantes que Peregrine (trop vieille, trop étrangère, etc.), et que par contre, un personnage masculin, frère de l’une d’entre elles, tient le rôle de l’inventeur de génie qui aide l’héroïne dans ses aventures. Quant au sexisme des années 60, il est stéréotypé, et par exemple incarné par un vieux flic ripou qui s’adresse à l’héroïne avec un très paternaliste « girlie« , quand ce n’est pas un autre protagoniste qui met la main aux fesses des jeunes femmes lui passant sous la main.
Encore une fois, Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries pratique ce que j’ai eu l’occasion plusieurs fois de critiquer, de Mad Men à Las Chicas del Cable en passant par The Crimson Field. C’est-à-dire un sexisme passé qui ne peut qu’apparaître comme choquant pour le spectateur moderne, mais qui ne remet surtout rien en question au présent. Non qu’une série aussi consensuelle soit capable de la moindre remise en question, mais le cliché est particulièrement usant.
Résultat, rien ne vient sauver Ms. Fisher’s MODern Murder Mysteries de la médiocrité. Une médiocrité enlevée, colorée et facile à consommer, mais médiocrité quand même.