Les clés du succès

1 février 2019 à 14:16

Le « SKY Castle » est une propriété réservée à l’élite, dont les manoirs sont occupés par quelques uns des plus grands professeurs en médecine ou en droit du pays. Toutefois, ils ne doivent pas ce prestigieux entre soi qu’à leur fortune personnelle : ils sont logés au SKY Castle à titre gracieux par l’hôpital universaire Joonam, qui prend en charge leurs frais à vie… à condition, bien-sûr, qu’ils conservent leur statut.
A cause de cette pression implicite et de leur désir de rester dans le SKY Castle aussi longtemps que possible (bénéficiant ainsi de son statut et de son influence), les familles habitant cet environnement unique cherchent à en mériter les clés non seulement par leurs accomplissements, mais aussi ceux des générations à venir. A l’heure actuelle, ce sont quatre familles qui résident dans ces villas d’exception ; toutes les quatre ont donc placé de lourds espoirs dans leurs enfants.

L’intrigue de SKY Castle, qui doit donc son nom à cette résidence unique, démarre alors que Young Jae, le fils de la très admirée Myung Joo Lee, vient d’être admis au sein de l’école de médecine de la Seoul National University (ou SNU). Ce n’est rien de moins que la meilleure formation médicale du pays ! Plus incroyable encore, il a été admis sur dossier, sans même passer l’examen universitaire. Son avenir semble garanti… et les autres familles du SKY Castle, bien-sûr, ne rêvent que d’en imiter le succès. Mais quel a été le secret de cette admission ? Les familles entreprennent donc, chacune à sa façon, de se rapprocher de Myung Joo pour savoir comment elle a accompli l’impossible lors de l’établissement du dossier d’admission de son fils.
Car dans l’univers de SKY Castle, il ne fait aucun doute que le succès d’un enfant est dû avant tout à l’ambition de ses parents.

Trigger warning : suicide.

SKY Castle a pour héroïne Seo Jin Han, une femme au foyer qui est désespérée de faire entrer sa fille aînée, Ye Seo, à l’école de médecine de la SNU. Sauf que Ye Seo entre au lycée dans ce premier épisode, c’est-à-dire que 3 années la séparent de l’école de médecine ! Ce n’est donc pas une course à la réussite qui se prépare pour Seo Jin et les siens, mais bien un marathon.
Les trois prochaines années devront être finement planifiées, grâce à une stratégie de chaque instant où toute activité extra-scolaire, tout résultat académique, toute interaction sociale de Seo Jin, même, devra lui donner les meilleures chances de réussir la sélection. Cela ne signifie pas qu’intégrer la SNU se fera sans la participation active de sa fille, et celle-ci fait d’ailleurs montre d’une grande ambition. Mais ce travail personnel et cette force de caractère ne suffiront pas. Seo Jin est consciente que c’est à elle de mettre en place le plan de bataille, de financer son application, et de ruser en permanence pour que sa fille ait toujours une longueur d’avance sur tous ses camarades… pardon, tous ses rivaux. C’est cela le rôle d’un parent, a fortiori d’une mère au foyer sud-coréenne, et c’est précisément le travail accompli par sa voisine et amie Myung Joo au cours des 3 dernières années. Aussi, il est vital pour Seo Jin de se rapprocher de Myung Joo pour savoir ce qui a fait la différence dans sa démarche.

Or, évidemment, Seo Jin n’est pas la seule à espérer jeter un œil au dossier d’inscription du fils de Myung Joo. Seung Hye, une autre résidente du SKY Castle, a elle-même des jumeaux du même âge que Ye Seo. L’un est destiné à une carrière dans le droit, comme son père, mais l’autre est d’ores et déjà promis à la médecine. Il est donc en compétition directe avec Ye Seo pour intégrer l’école de médecine de NSU…
Fort heureusement, Seo Jin peut compter sur le soutien de sa meilleure amie et voisine, Seo Im, dont la marmaille n’est pas (encore) en âge de se lancer dans cette âpre course à la réussite.

De par certains de ses ingrédients, ce premier épisode de SKY Castle apparaît comme familier ; le nom de séries comme Desperate Housewives ou Big Littles Lies vient parfois à l’esprit devant certains de ses composants. Mais la comparaison reste ponctuelle voire superficielle, tant SKY Castle doit moins à ces influences qu’à la capacité rarement égalée que la fiction asiatique possède à interroger les questions de classe au sein de sa société. A tout prendre, SKY Castle hérite plus de séries comme Namae wo Nakushita Megami, Mother Game ou Sangsokjadeul. Des séries dans lesquelles le contexte glamour et/ou richissime dissimulait à peine une profonde aversion pour les milieux friqués, leur ambition démesurée, leur goût exacerbé pour la compétition. D’ailleurs ce n’est sûrement pas un hasard si SKY Castle est devenue en janvier la série la plus regardée de l’histoire du câble coréen !

Ce que dépeint largement SKY Castle, c’est la reproduction des élites, en fait, rien de moins. Peu de séries de par le monde s’y sont frottées autant qu’elle, et peu le font avec autant de dégoût.
Alors bien-sûr, cela se produit grâce à des intrigues et outils narratifs soapesques, et d’une certaine façon c’est bien normal car rien ne se prête plus à la critique qu’une série en apparence inoffensive. Toutefois, il ne faut pas s’y tromper : le vitriol est permanent. Il se loge dans les échanges de regards entre des voisins et voisines qui se jalousent tant et si bien qu’ils se retrouvent perpétuellement en compétition. Il se loge dans les interactions les plus polies, qui cachent toujours des intentions masquées (qui en réalité ne trompent personne). Il se loge, surtout, dans les disputes domestiques, où les maris et les femmes s’affrontent sur la meilleure stratégie à adopter pour obtenir la réussite tant espérée… et sur la façon dont on risque de perdre face aux voisins si l’on ne se montre pas plus futé qu’eux.
Dans SKY Castle, et par extension dans le monde de l’élite sud-coréenne, le succès s’obtient toujours au détriment d’autrui.

Il ne fait pas grand doute qu’au-delà de son premier épisode, SKY Castle continuera sur sa lancée acerbe. Vu la façon dont cette introduction s’achève (je vous laisse la découvrir), il semblerait que la série ambitionne autant de détailler les moyens mis en œuvre… que les conséquences de cette course à la réussite sur chacune des familles. Eh oui, cela fait partie intégrante de la démarche critique de la série que de pointer du doigt le prix à payer pour toute cette belle réussite.
Il y a sans nul doute beaucoup à gagner en pariant sur l’avenir de brillants enfants pour maintenir chaque manoir sous la coupe des familles qui y résident pour plusieurs générations… mais il y a aussi, et personne n’a trop pris le temps d’y songer, beaucoup à perdre, aussi. Pour obtenir les clés du SKY Castle, il faudra sûrement mettre en jeu un peu de son âme. Ou pire…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Oh, ça me donne bien envie d’aller voir ça dis-moi donc !

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