C’est aussi la rentrée sur les télévisions africaines ! A plus forte raison depuis que le groupe Canal+ a décidé de devenir proactif dans la région, en commandant notamment de nombreuses séries originales ; on y trouve ainsi, depuis cette semaine, une shortcom du nom de BarberShop, Château d’Eau (parfois BarberShop tout court selon les sources, mais puisque les deux noms sont utilisés indifféremment, je choisis de donner la priorité celui-là pour éviter toute confusion avec la série américaine Barbershop). Une fois n’est pas coutume, voici donc une review sur un premier épisode de série congolaise !
Bien que diffusée sur Canal+ Afrique, la comédie BarberShop, Château d’Eau a la particularité de se dérouler en France, ses personnages faisant partie de la diaspora africaine.
Ce n’est pas exactement inédit pour une série produite en Afrique noire que de se pencher sur le sort de ceux partis en Europe, pas même sous la forme d’une comédie. Les Immigrés, également produite au Congo mais pour TV5 Monde Afrique cette fois, vient par exemple à l’esprit, et il y a des chances pour que ce ne soit pas la seule (hélas je suis bien moins experte en séries africaines francophones que je ne le souhaiterais).
En revanche, ce qui est intéressant dans le cas de BarberShop, Château d’Eau, c’est le choix d’une unité de lieu et de temps, fortement inspirée par les moyens de production d’un sitcom en multi-camera, mais allant plus loin encore. Là où, sur un thème similaire, Meet the Adebanjos se proposait de se dérouler dans plusieurs décors (un appartement, un ou deux commerces du même quartier, etc.), la shortcom BarberShop, Château d’Eau se déroule dans son intégralité dans une seule pièce du salon de coiffure, là où les clients et les propriétaires du salon de coiffure se croisent, justement. Il faut également préciser qu’étant une shortcom quotidienne, les épisodes de BarberShop, Château d’Eau durent environ 3 minutes, ce qui se prête particulièrement bien à l’exercice ; cela étant, A+ propose aussi chaque dimanche un omnibus des épisodes de la semaine écoulée, pouvant alors donner l’illusion d’un sitcom plus classique, quand bien même rien ne garantit que, mis bout à bout, ses épisodes prennent un sens différent.
Pour le moment, en fait, tout indique que BarberShop, Château d’Eau s’envisage comme une pastille. Toutefois pas une pastille humoristique quelconque, mais une sorte d’instantané de la vie de ce commerce de quartier. Je trouve que sous cette forme, cela fonctionne bien plus que si, comme la plupart des shortcoms, la série avait opté pour une suite de sketches courts.
Dans les faits, ça donne quoi ? Eh bien un premier épisode très vivant, dans lequel moult personnages (les 4 protagonistes principaux ainsi que le reste de la nombreuse clientèle) s’entassent dans un espace très réduit dans une bonne humeur communicative. Les conversations se croisent, s’interrompent, reprennent, c’est plein de rythme.
L’introduction de chacun est à la fois sommaire et claire. La gérante est une femme au caractère bien trempé, alors que son mari (incarné par un Youtubeur, Dycosh) est un rigolo qui aime à faire des plaisanteries devant sa clientèle, le jeune rabatteur trop zélé, les jeunes du quartier qui rigolent en attendant leur tour, le vieux qui ressasse ses souvenirs du Congo sur un coin de banquette, et ainsi de suite. En moins de 3 minutes cet univers nous apparaît, complet, dense, avec des mécanisme clairs et pourtant n’ayant ni le besoin ni le temps d’être explicités par une narration classique. Dans cet épisode il n’y a pas d’intrigue, il y a juste cette impression de partager un moment dans ce barbershop.
Cette pagaille apparente ne doit pas vous laisser penser qu’il ne se dit rien dans BarberShop, Château d’Eau, cependant. Ce qui se dessine touche à quelque chose de vrai, même si c’est par le biais d’une blague ou d’une autre. Lorsque Grand Prêtre (c’est ainsi que se nomme le patron de l’établissement) annonce qu’il a reçu une obligation de quitter le territoire, le silence qui suit est éloquent, quand bien même il ne s’agit que d’une blague de sa part au bout du compte. Quand le vieux du quartier, agrippé à sa bière autant qu’à ses souvenirs, se remémore le Congo de sa jeunesse (« Congo la belle, transformée en Congo la poubelle »), il y a quelque chose de plus qu’un radotage humoristique.
Ce sur quoi la série plaisante n’est pas anodin, même dans cette ambiance vivante du petit salon de coiffure.
En si peu de temps, évidemment, BarberShop, Château d’Eau n’a le temps de rien approfondir, et ce n’est probablement pas son but. Elle a non pas en dépit, mais grâce à son format, une incroyable capacité à saisir quelque chose qui sonne juste, quand bien même il s’agit d’une comédie joyeuse, légèrement surjouée, et au rythme enlevé. En 3 minutes, BarberShop, Château d’Eau a tout simplement une incroyable faculté à nous mettre devant son identité… et celle de ses personnages.