Stand-up comediennes

4 juin 2017 à 14:52

Mon opinion sur les séries se déroulant dans l’univers du stand-up est très fluctuante. En général, lorsqu’une série est annoncée, j’ai tendance à hausser les épaules avec un soupir lassé, mais je suis quand même la première à les tester… même si très peu trouvent grâce à mes yeux au final. Mon problème réside dans cette impression que le genre a ses petites habitudes, bouleversées à l’occasion par un Louie certes, et encore, mais globalement vite répétitives. Généralement, il s’agit en effet de suivre les déboires d’un personnage (presque toujours un homme) qui jongle entre son métier de comédien de stand-up et une vie privée plus ou moins satisfaisante, si possible moins que plus. Célibat, mariage, divorce… quelle que soit la situation amoureuse, ça ne va jamais vraiment.

Dans ce contexte, Take My Wife a la particularité d’avoir non pas une, mais deux comédiennes de stand-up au cœur de la série. Lesquelles forment également un jeune couple (comme souvent dans l’univers des comédiens de stand-up à la télévision, la réalité et la fiction s’entremêlent, puisque Cameron Esposito et Rhea Butcher sont réellement mariées). Ca n’a l’air de rien comme ça, mais…

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Deux héroïnes comiques au lieu d’une seule ? On pourrait se demander ce que cela change, in fine, aux dynamiques d’une série sur le monde du stand-up, mais en fait cela induit un glissement de perspective très intéressant.
Au lieu de présenter un comédien qui se sent un peu seul contre tous, dépassé, voire blasé, écrit de façon à susciter de la pitié plus que de la sympathie, Take My Wife offre deux comédiennes qui ne s’autorisent pas l’une l’autre à s’enfoncer dans l’apitoiement. Elles en sont, en outre, à différents stades de leur carrière : Cameron est à la tête d’un cabaret de stand-up, et bénéficie d’une certaine reconnaissance dans la profession ; Rhea, elle, commence à peine à percer, et a conservé son job alimentaire de graphiste. Chaque situation professionnelle vient avec ses problèmes, mais aussi ses victoires, et cela oblige les comédiennes de Take My Wife à ne jamais se faire passer pour de constantes malchanceuses ni des incomprises perpétuelles. Il faut aussi noter que le soutien entre Cameron et Rhea est tel que la progression de l’une n’est pas, ou au moins pas dans le pilote, la marque d’un recul pour l’autre, et que Take My Wife instaure une ambiance (ainsi qu’une intrigue, sur la fin du premier épisode) où c’est clairement côte à côte qu’est envisagée la réussite.
Au-delà de la question professionnelle, le fait qu’il y ait deux héroïnes (par opposition à une héroïne d’abord, et sa compagne dans un second temps, comme c’est le cas dans beaucoup de séries sur des comédiens de stand-up) met aussi le spectateur en situation de prendre partie dans les interactions de couple. Les échanges, même houleux, ne sont ainsi jamais la preuve que la vie d’un comédien de stand-up est maudite, mais qu’il faut communiquer, comprendre l’autre, bref sortir de son propre matage de nombril, si l’on veut que la relation marche. Je sais pas si vous vous rendez compte à quel point c’est révolutionnaire de forcer des humoristes à ne pas se mater le nombril en permanence !!!

Take My Wife suit donc la façon dont le stand-up se déroule, dont la relation se déroule, et dont le stand-up et la relation s’enroulent au quotidien. Mais ce n’est pas tout.
Car il s’agit ici de comédiennes, et qui plus est, de comédiennes lesbiennes. La série explore donc aussi l’expérience que cela constitue, pour Cameron surtout pour le moment (puisqu’elle est déjà un peu plus connue), ce qui inclut de se voir demander sans cesse ce que cela peut représenter que d’être une femme dans ce milieu, ou de se voir insulter sur Twitter par des gens qui reprochent à Cameron d’avoir des blagues mentionnant son homosexualité. L’abattement ressenti est réel… même si Take My Wife se refuse, au moins au stade de son premier épisode, à en faire quelque chose de central. Et tant mieux, sinon l’ironie serait mordante.

A la fin de sa première demi-heure, Take My Wife a donc réussi à poser pas mal de choses intéressantes sur la table.

En revanche, j’ai plus de difficultés avec son rythme, particulièrement lent. Certaines scènes quotidiennes bénéficient de cette lenteur, mais beaucoup d’autres semblent se trainer sans grande raison. Les dialogues sont un peu à l’avenant : il peut y avoir de bonnes répliques, soulignant de façon fine ce que la scène signifie… et il y en a d’autres qui donnent l’impression d’un curieux remplissage sans grande valeur ajoutée.
Fort heureusement, ce que Take My Wife n’a pas forcément en énergie, elle l’a en acuité et en tendresse. Ah, et comme aime à le souligner Cameron Esposito : aucune lesbienne n’y meurt ! Chose suffisamment rare pour être notée.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Mila dit :

    « Aucune lesbienne n’y meurt ! Chose suffisamment rare pour être notée. »

    … la tristesse de la justesse de cette conclusion OTL
    (et aussi, j’ai lu, c’était intéressant, merci^^ je n’ai juste pas grand-chose à ajouter)

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