Close encounters of the two kinds

25 mai 2017 à 13:36

Le mois dernier, Chronocrom me demandait des recommandations de séries sud-coréennes fantastiques ou de science-fiction ; inutile de préciser qu’il y avait plus de fantastique que de science-fiction dans ma liste de suggestions… Mais, comme pour me donner l’occasion d’être plus bavarde sur le sujet (et de mieux répondre à cette question la prochaine fois), voilà qu’au début de la semaine le câble coréen dégainait Circle, une série dont le point de départ assez unique dans le panorama télévisuel national. Et que donc, par voie de conséquence, je me devais absolument de tester.
Parce que c’est une chose de connaître des séries de science-fiction coréennes ; encore faut-il qu’elles méritent d’être recommandées.

Circle débarque en outre avec un concept un peu à part : chaque épisode est divisé en deux parties, chacune se déroulant à une époque différente. Ses quatre scénaristes surnomment ça un drama « double track« , parce que deux intrigues séparées sont suivies simultanément sans qu’elles ne se croisent (ce qui serait le cas des nombreuses séries de voyage dans le temps qui sont apparus sur les écrans coréens ces derniers temps, par exemple). Ces deux parties, qui dans le pilote ne sont pas strictement égales, sont comme deux séries différentes qui se dérouleraient dans le même univers, mettons. Elles portent même un nom, signalé dans le coin supérieur de l’écran en permanence pour qu’il soit absolument impossible d’ignorer quelle intrigues on est en train de suivre ; il y a donc « PART 1: Beta Project” et “PART 2: Brave New World » (faute de trouver les termes coréens exacts, j’utiliserai à regret la version anglophone des sous-titres dans ma review). Le site officiel maintient d’ailleurs la séparation dans sa présentation.

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PART 1: Beta Project démarre en 2007, lorsque deux garçons d’une dizaine d’années, les jumeaux Kim, se retrouvent dans les bois, comme au début d’un épisode de The X-Files. La parenté va plus loin : Woo Jin (le plus jeune des deux… d’une minute !) maintient à Bum Gyun que les extraterrestres existent, et qu’il en a la preuve… enfin, presque, car la rationalité de Bum Gyun détruit tous ses arguments en les expliquant scientifiquement.
Il y a un phénomène toutefois que le « grand frère » ne peut debunker, qui se produit sous leurs yeux alors même qu’ils ont cette conversation : une gigantesque source de lumière se met à les poursuivre ! Pendant leur fuite, ils sont retrouvés par leur père, et tous les trois assistent à une rencontre du troisième type… lorsque la source de lumière se transforme en alien, puis se transforme en femme. Les Kim père et fils sont naturellement ébahis.

Pourtant PART 1 effectue un bond dans le temps de 10 ans, et lorsque nous recroisons les frères Kim en 2017, leurs préoccupations sont ailleurs. Surtout celles de Woo Jin, en fait, désormais un étudiant qui a besoin de travailler dur pour à la fois continuer de recevoir sa bourse, et pouvoir payer la maison de retraite de sa grand’mère. On apprend progressivement que c’est elle qui a élevé les jumeaux, après que leur père ait quitté le foyer avec une étrange jeune femme. Woo Jin Kim semble s’être fait à l’idée qu’il s’agit là d’une histoire banale, celle d’un père qui préfère sa nouvelle compagne à la charge que représentent deux enfants. La version de Bum Gyun Kim est toute autre : pour lui, cette femme qui leur a enlevé leur père est l’extraterrestre ayant pris forme humaine, et le pire c’est que 10 ans plus tard, elle sévit toujours !
La version de Bum Gyun, soyons honnête, ne lui a rien apporté de bon : accusé d’avoir provoqué la mort de quelqu’un, il a été envoyé en prison et doit, à sa libération, intégrer un hôpital psychiatrique. C’est ce qui explique que Woo Jin ait supporté seul la charge financière de la maison de retraite récemment… En tant que spectateur, évidemment, nous sentons qu’il y a un problème : l’interprétation des faits par Bum Gyun est beaucoup plus cohérente avec ce que nous avons vu de 2007. Cet extraterrestre s’est vraiment transformée en femme ! Mais c’est tout de même le frère aîné qui semble avoir fait les frais de cette vérité bien difficile à croire.

Circle fait vraiment un travail dramatique remarquable pour retranscrire la complexité de la situation. L’épisode (ou plutôt, la première partie de celui-ci… rapport au concept de Circle) insiste sur la puissance du lien fraternel entre les deux frères Kim, d’autant que Bum Gyun vient d’être libéré et débarque dans la vie de Woo Jin. Les retrouvailles sont extrêmement bien troussées, laissant paraitre autant de joie que de charge émotionnelle. Pourtant, ces retrouvailles sont obscurcies par certaines craintes. Une vague de suicides dans l’université Handam, où Woo Jin étudie, commence à inquiéter ce dernier ; il craint que la responsabilité de ces suicides (en fait, potentiellement des meurtres déguisés) ne soit en fait imputable à son frère… d’autant le modus operandi est le même que pour le premier incident ayant valu à Bum Gyun de faire de la prison.
Pour l’instant il est le seul à éprouver des doutes, mais l’inspecteur Hong, qui travaille sur ces affaires, semble ne pas s’arrêter à la thèse du suicide, et continue de poser des questions…

A travers la peur qui tenaille Woo Jin, celle que Bum Gyun reste fragile voire dangereux, Circle parvient à retranscrire le sentiment de responsabilité entre les deux garçons : Woo Jin veut empêcher Bum Gyun de commettre le pire à nouveau, en partie parce que c’est la chose juste à faire, et en partie parce qu’il lui pèse d’assumer seul certains devoirs. Mais Bum Gyun aussi pense agir pour le mieux, parce qu’il veut protéger les gens de cette extraterrestre… tout en étant terrifié face à ce que cela peut signifier pour sa propre santé mentale, si jamais il a tort.
Dans le rapport entre les deux Kim, j’ai retrouvé pas mal de choses que ma propre sœur dit de notre relation, et de sa difficulté à mener sa vie sans se faire de souci pour sa frangine qui souffre de dépression et d’un syndrome post-traumatique ; une expérience qu’évidemment je ne peux vivre que par le truchement de la fiction, au mieux, mais qui m’a semblé plutôt sagace. J’ai été infiniment touchée de voir le soin que Circle mettait à développer cet aspect, non seulement parce qu’il est précieux pour entretenir une sorte de suspense autour de son histoire d’extraterrestre, mais aussi, tout simplement, pour explorer l’humanité de ses personnages centraux. Ce que devrait faire toute série de science-fiction qui se respecte, non ?

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Bum Gyun a fréquenté la Fox Mulder School of Conspiracy Theories.
Donc déjà, concernant l’intrigue des jumeaux Kim, Circle posait de solides éléments. Après un cliffhanger à la fois surprenant et pas du tout (je n’en dis pas plus), voilà donc la série qui passe à sa seconde partie.

PART 2: Brave New World se propose de nous transporter en 2037, cette fois. Et le monde est désormais bien différent, envahi qu’il est par la pollution à particules fines qui empoisonne la planète (le début de PART 2 nous précise qu’en 20 ans, la population de Seoul a chuté de moitié), pousse à l’immigration clandestine, et conduit à une certaine criminalité. Enfin… presque. Ce n’est le cas que dans la majeure partie du monde, plus connue sous le nom de « Normal Earth », où la vie est misérable en effet ; mais il existe un havre de paix où la pollution a été éradiquée, ainsi que toute forme de criminalité, qui se nomme « Smart Earth ». Deux futurs coexistent donc, l’un quasiment post-apocalyptique, l’autre relevant de l’utopie.
Sauf qu’évidemment, il n’est pas donné à tout le monde d’accéder à Smart Earth, l’argent étant l’un des pré-requis fondamentaux. L’implantation d’une puce électronique spéciale est également obligatoire.

Dans PART 2, nous suivons le détective Joon Hyuk Kim, un flic de Normal Earth qui utilise sa fonction pour approcher des criminels bien précis : l’épisode nous le présente alors qu’il tente par tous les moyens (et un stratagème vraiment tordu, si vous voulez mon avis) de convaincre un hacker du nom de Dong Soo de trouver le moyen de pirater Smart Earth. Cet acte illégal devrait permettre au détective Kim d’entrer dans cette cité parfaite sans avoir à se faire poser de puce, ce qu’il refuse (pour des raisons qui restent à expliciter). En fait, Joon Hyuk est obsédé par cette idée, qu’il a développée avec son supérieur au commissariat de Gangnam, le chef Hong.
Celui-ci a ses propres préoccupations, d’ailleurs. En effet, il est hanté par trois affaires qu’il n’a jamais résolues : l’enquête sur les meurtres de l’université Handam ; l’enlèvement d’une petite fille, Min Jin Kim, dont le responsable a dû être relâché il y a des années, ce que Hong ne se pardonne pas ; …et la disparition de deux frères, les jumeaux Kim. Wink wink nudge nudge.

Lorsque le tout premier crime de Smart Earth est commis (une femme kidnappée tue son ravisseur… et elle dit s’appeler Min Jin Kim !), le détective se précipite pour enquêter sur l’affaire, et ainsi entrer dans le saint des saints. Il y fait la rencontre de Ho Soo Lee, un « peacekeeper » travaillant pour Smart Earth (bah oui, ya pas vraiment besoin de vrais flics quand on se vante d’avoir passé les 5000 derniers jours sans le moindre crime, et qu’une puce électronique résout tous les conflits), avec lequel il va plus ou moins devoir coopérer.
Le détective Joon Hyuk Kim a au moins deux objectifs : comprendre ce qui est arrivée à Min Jin Kim, si c’est bien elle, lors des deux kidnappings dont elle a fait l’objet, mais aussi enquêter sur la disparition des frères Kim.

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Smart Earth avait l’air plus grande sur les prospectus.
Dites-vous qu’avec tout ça, on a sûrement à peine égratigné la surface de Circle ! Surtout connaissant la propension des séries sud-coréennes à répartir leur exposition sur les deux premiers épisodes, et pas simplement le tout premier. D’ailleurs PART 2 s’octroie quelques références fugaces mais intéressantes à la société de 2037, comme par exemple le fait qu’il existe des IA (intelligences artificielles), ce qui, hm, bien bien bien, développons cela.

En tous cas, pour le moment, ça me plaît bien. Je ne sais pas si ce concept de « double track » est aussi révolutionnaire que le croient les scénaristes de la série, mais j’aime bien la façon dont Circle utilise une époque pour expliquer ce qui se passe dans l’autre (et, si mon intuition est juste, vice versa). Cela permet à la série de faire plein de choses, dont, et ce n’est pas rien, jouer avec plein de genres et plein de tons.
Ainsi PART 1: Beta Project est-elle beaucoup plus dramatique et psychologique, ancrée dans le réalisme (pour l’essentiel disons), alors que PART 2: Brave New World propose plus d’action, plus d’humour, mais aussi un monde post-apocalyptique qu’on voit rarement à la télévision sud-coréenne. La conséquence de cette formule, c’est que les spectateurs peuvent préférer une partie à une autre, mais qu’ils s’engagent tout de même dans le visionnage des deux, nécessaire pour comprendre ce qui se trame. Pour le moment ça tient plutôt bien, même si PART 2 a quelques longueurs (dues entre autres à l’action et à la légèreté) que je n’avais pas ressenties pour PART 1.

Il y a, bien-sûr, des choses que fait Circle qui ne sont pas d’une foudroyante originalité. Cette histoire de Smart Earth, par exemple, on commence à la voir vraiment beaucoup dans la science-fiction de ces derniers mois, de 3% à Incorporated, en passant par Trepalium, The Expanse et autres 2091. Cette idée qu’une élite triée sur le volet va avoir accès, à plus ou moins long terme, aux rares ressources de notre civilisation, commence à être omniprésente dans la science-fiction télévisée moderne, et ce quel que soit le recoin de la planète où les séries naissent (ce qui est toujours intéressant à observer). Sur d’autres aspects, Circle n’est pas aussi fine qu’elle veut le penser (on repère à des kilomètres quand des personnages de PART 2 portent le nom de famille Kim, laissant présumer des liens avec les personnages de PART 1), et la confirmation de fin d’épisode, qui est sûrement conçue pour surprendre ou au moins émouvoir, tombe un peu à plat. Enfin, je trouve que pour le moment la série manque dramatiquement de personnages féminins, ce qui certes, garantit à l’heure actuelle l’impossibilité d’une tournure romantique à des intrigues qui se portent si bien sans, mais fait quand même de Circle une sacrée sausage fest.

Quelles que soient les fautes, ou plutôt les imperfections de Circle à ce stade, elles ne gâchent pas le plaisir, et c’est l’essentiel. Cet univers est intéressant, et voir comment vont s’imbriquer les éléments des deux époques, comment PART 1 et PART 2 vont se répondre, comprendre l’enchaînement d’évènements sur deux générations, est vraiment un pari alléchant.
Étant donné que seulement 12 épisodes sont prévus, on a en plus la garantie de ne pas se faire balader inutilement, et ça c’est quand même LE merveilleux avantage de la fiction asiatique !

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. mabo dit :

    Ah ça a l’air intéressant celui-là avec un jeune acteur prometteur que j’aime bien en plus ! Je note !

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