Le chemin à l’envers

22 mai 2017 à 22:53

REVERSE démarre sur 2 minutes extrêmement bien ficelées, proposant une exposition à la fois efficace en diable et émotionnellement puissante de faits s’étant déroulés en 2007. Un groupe de 5 étudiants passe alors quelques jours dans un chalet, et dans des circonstances obscures, l’un d’eux, Yoshiki Hirosawa, disparaît. Une battue est rapidement organisée dans la neige pour le retrouver, mais sans effet ; il semble avoir disparu dans la nature au beau milieu de la nuit. Le corps du jeune homme de 22 ans n’est retrouvé que 6 mois plus tard dans un cours d’eau voisin.
A ses funérailles, il semble que ses 4 amis soient partagés entre sentiment de culpabilité et culpabilité réelle… Ils se promettent d’emmener leur secret avec eux dans leur tombe. Qu’ont-ils à cacher, et ont-ils quelque chose à voir avec la mort de leur ami ?

S’il est possible à REVERSE de raconter cela en deux minutes à peine, c’est parce que le premier épisode nous montre une série d’images évocatrices, comme une succession de flashbacks rapides. Ces éléments donnent des indications précieuses sur le déroulé des événements de 2007, mais capture aussi, bien que fugacement, des instants plus intimes dans lesquels les personnages sont pris sur le vif dans une émotion du moment, comme la peur pour leur ami ou la peine inconsolable du deuil. Cela fonctionne incroyablement bien, et que cette introduction soit si condensée joue vraiment en sa faveur ; j’ai vu bien des pilotes au long de ma vie téléphagique qui y auraient passé plusieurs dizaines de minutes, mais REVERSE parvient à toucher quelque chose de profondément humain, teinté de regret mais aussi de mystère, en l’espace de peu de temps, et c’est vraiment à son honneur.

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Cela lui laisse, surtout, tout loisir de développer son intrigue avant la fin de ce premier épisode. Nous voilà à présent en 2017 ; Kazuhisa Fukase, l’un des étudiants mêlés à cette histoire, et en réalité l’ami le plus proche du défunt, est désormais un employé de bureau quelconque, si ce n’est médiocre. Il est bloqué dans un petit emploi du bureau où l’on n’attend rien de lui (si ce n’est faire le café…), et cherche un autre travail bien qu’étant incapable d’impressionner en entretien. Il n’a pas non plus de vie amoureuse, vit seul dans un petit appartement, et trouve sa seule joie dans des grains de café exotiques qu’il achète dans un magasin spécialisé où il a ses habitudes, Clover. C’est là que, poussé par la gérante qui l’a pris en pitié, il fait la rencontre d’une autre cliente, Miho Ochi, boulangère de son état. Ils commencent à se voir de plus en plus souvent…

Cela devrait marquer un tournant positif dans sa vie, mais pas vraiment. En fait sa situation empire par d’autres aspects, en particulier lorsqu’il trouve, collé à la porte de son logement, un poster anonyme qui l’accuse d’être un meurtrier. A quoi cela pourrait-il faire référence si ce n’est la mort de Yoshiki voilà 10 ans ? Mais pas facile d’en parler aux trois autres amis de Yoshiki : la bande ne s’est plus réunie depuis 8 ans, à la suite de ce que l’on imagine sans peine être une période pendant laquelle il a été difficile de maintenir des liens d’amitié.
Chacun a sa vie à présent, comme Kazuhisa va le comprendre en se rendant à une réunion d’anciens élèves. Takaaki Murai est devenu un politicien, marié à la fille d’un ministre ; Yasuo Taniahara s’est marié à la soeur de Murai et est père de famille ; et Kousuke Asami est enseignant dans un lycée. Ils n’ont pas l’air d’avoir été inquiétés comme l’a été Kazuhisa par l’affiche accusatrice ; en revanche ils ont récemment été approchés par un journaliste, Toshio Ogasawara, qui s’intéresse à la mort de Yoshiki Hirosawa.
Et puis, un jour, Miho reçoit elle aussi un courrier anonyme l’informant que Kazuhisa est un meurtrier. Ce dernier va alors devoir rassembler tous ses souvenirs de l’affaire, pour essayer de lui expliquer les circonstances exactes de la mort de Yoshiki.

REVERSE se propose donc de revisiter les événements décrits pendant les 2 premières minutes de la série. De revivre certaines des émotions d’alors. De revenir sur les « faits », ou du moins la cristallisation de ces faits avec les années.

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Au-delà du mystère entourant la mort de Yoshiki, REVERSE peut également s’enorgueillir d’avoir de vraies questions à poser à ses protagonistes, en particulier Kazuhisa qui se décrit à longueur d’épisode comme quelconque, voire comme un raté. Comment poursuit-on sa vie, comment va-t-on de l’avant, comment se consacre-t-on à soi, lorsqu’on a vu un ami proche mourir, qu’on s’est senti responsable, et qu’on a, peut-être, eu un rôle à jouer dans sa disparition ? REVERSE joue sur cela, mais en situant son intrigue 10 ans après la mort de Yoshiki, la série y répond aussi, en partie. Des 4 survivants du groupe d’amis, 3 d’entre eux n’ont eu aucun mal à continuer de mener leur existence, en général avec un certain succès apparent.
Cela signifie-t-il quelque chose quant à leur implication dans l’affaire ? Ou est-ce le signe d’une forme de résilience qui est étrangère à Kazuhisa, lequel est clairement hanté, encore aujourd’hui, par ce terrible épisode de la décennie précédente. Que REVERSE laisse entendre qu’il y a effectivement une part de responsabilité (d’autant que Takaaki, Yasuo et Kousuke semblent liés par une connivence dépassant les seuls liens d’amitié) n’empêche absolument pas la série de pousser son héros, Kazuhisa, à s’interroger sur sa gestion émotionnelle des événements, et de leurs suites.

On va donc bien au-delà de la seule question de la mort (…accidentelle, suppose-t-on pour le moment) de Yoshiki, pour insister sur des questions dramatiques intéressantes. REVERSE utilise son côté réunion d’anciens élèves (en réalité un très bref passage du premier épisode à proprement parler, mais dont l’ambiance « que sont-ils devenus ? » pénètre tout l’épisode introductif) pour interroger à la fois les choix de vie de chacun depuis cet incident spécifique, mais aussi les choix de vie en général, à un niveau plus universel. En 2007, les protagonistes se sont trouvés, à la fois de façon naturelle (c’était la fin de leurs années d’université, un dernier voyage à la montagne avant d’entrer dans la vie active) et de façon brutale, à un embranchement de leur existence.
Ce faisant, la série rappelle d’autres fictions japonaises comme Gekiryuu, mais aussi Dousoukai, et même dans une certaine mesure, Lost Days. Toutes ces séries qui parlent des choix à faire et/ou des choix faits, de ce que l’on prévoit et de ce qui se produit, des espoirs et des regrets. De l’âge adulte, en somme. Plutôt pas mal pour une série qui sur le papier, pourrait n’être qu’un simple thriller.

Pour ce premier épisode, REVERSE pose donc une question, laissée 10 ans en suspens. Mais s’intéresse aussi, et je trouve ça d’autant plus fascinant que cette introduction n’a pas peur de se confronter à la question, au temps qui a passé depuis, et comment. La vie ne s’est pas arrêtée parce qu’un dénommé Yoshiki Hirosawa est mort voilà 10 ans ; mais elle n’a pas totalement continué, ou du moins, pas pour tout le monde.
En faisant le chemin à l’envers pour expliquer à sa petite amie ce qui lui est arrivé une décennie plus tôt, Kazuhisa a pourtant une chance unique, non pas de changer le passé, mais de le voir différemment, et finalement de redémarrer sa vie trop longtemps négligée au profit du souvenir douloureux des choses passées ; les symboles japonais utilisés pour son titre, リバース, peuvent aussi signifier… REBIRTH.
Ce n’est pas un type de voyage dans le temps ordinaire, et pourtant il est plein de promesses. A charge pour REVERSE de se montrer digne de tout ce qui est mis en place dans ce premier épisode…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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