Ya pas que Netflix dans la vie. Il y a d’autres services de VOD, aussi ! Dans chaque pays, ils commencent à émerger, les uns après les autres, commandant dans leur sillon toutes sortes de séries originales. Au Mexique, Televisa a lancé blim, un service qui a d’ores et déjà proposé plusieurs séries depuis sa création (la prochaine sera Dogma, un thriller policier avec une pointe de surnaturel).
Eh bien ce soir, je vous emmène dans l’univers à la fois étrange et très conventionnel de Blue Demon, un biopic sur… eh bien, c’est dans le titre, hein : un dénommé Blue Demon, un luchador qui a commencé sa carrière dans les années 40.
Blue Demon cumule trois intentions peu courageuses : il s’agit à la fois de capitaliser sur une figure aimée des Mexicains pendant plusieurs décennies, de profiter de l’intérêt du public pour la lucha libre, et de proposer un period drama peu imaginatif, et qui ne risque donc d’offusquer personne. Le tout, alors qu’on parle quand même d’un biopic, en se refusant à tout véritable effort historique (on ne sait par exemple pas du tout à quelle période se déroulent les scènes sur le ring : années 40 ? 50 ? allez savoir). Le résultat donne un premier épisode qui semble vouloir tout et rien faire à la fois.
Cet épisode inaugural se déroule donc à une date relativement indéterminée, alors que Blue Demon s’apprête à combattre un des lutteurs les plus populaires du moment, Ala Dorada (« L’Aile Dorée »). Tout le monde tente de décourager Blue Demon de mener ce combat, ou, à tout le moins, lui demande de se coucher gentiment, laissant gagner Ala Dorada sans prendre trop de coups ; c’est le cas de son manager, qui a l’air de penser que Blue Demon s’en sortira mieux à la fois physiquement et financièrement. Hélas, cent fois hélas, Blue Demon est le genre de type qui commence un combat pour le mener dans les règles, quitte à s’en prendre plein la tronche, pourvu de garder son honneur pour lui.
Sa compagne (ou épouse ? on saura pas) Goyita tente elle aussi de le décourager de se lancer dans ce match, pour préserver la santé de l’homme qu’elle aime, mais ses arguments n’auront guère plus de poids. Blue Demon ne reculera pas, et la rencontre commence.
Parce que faire toute une série sur les combat entre Blue Demon et ses opposants aurait été trop fun, le premier épisode Blue Demon décide de consacrer une large part de son intrigue à des sorte de flashbacks (pas vraiment présentés comme tels, mais comme ce « pilote » est écrit avec des moufles…) sur l’enfance de notre héros, né Alejandro Muñoz Moreno.
En l’an on-sait-pas, parce que la série ne se fatigue pas à l’expliciter et que sa reconstitution est de toute façon très sommaire (mais que par un bref calcul mental, au vu de la biographie du personnage, on peut estimer être quelque part pendant la première moitié des années 30), Alejandro est l’un des fils d’une famille de fermiers. Il envisage d’arrêter l’école pour travailler avec son père, un homme rude à la tache qui a surtout l’énorme tort d’aimer parier. L’épisode va passer un temps infini à nous raconter les mésaventures qui en découlent, qui expliquent à terme pourquoi Alejandro quitte, alors qu’il n’est encore qu’un enfant, son village natal pour aller s’installer dans la ville de Monterrey.
Cette origin story n’a rien d’intéressant, et toute autre série autre que Blue Demon y aurait consacré moitié moins de temps dans son épisode inaugural. Cela impose des ruptures de rythmes très désagréables, coupées par quelques rappels du combat entre Blue Demon et Ala Dorada (dont on ne connaît pas encore l’issue, il faut d’abord qu’on s’inquiète !), dont le but à moitié avoué est de faire du remplissage. Ça n’a rien à voir avec la lucha libre, et pas grand’chose à voir avec quoi que ce soit en général puisqu’à la fin de l’épisode, Alejandro va être complètement déraciné, mais qu’importe, l’épisode patauge dans ses petites scènes « d’action ».
Tout cela pour prouver que ce gamin a des cojones, au bout du compte. Héros tragique, mais noble et fort par nature, Alejandro était, avant de devenir Blue Demon, déjà un type droit et culotté. Fin de l’histoire.
Face à l’ennui d’une telle intrigue, et si l’on ajoute à cela les dialogues très plats, la distribution très inégale, et la réalisation propre mais sans plus, on se demande un peu ce que Blue Demon va bien réussir à accomplir pendant les 20 épisodes de sa saison à ce rythme. Mais c’est que, aha ! il y a une astuce : Blue Demon a d’ores et déjà été commandée pour 3 saisons d’une vingtaine d’épisodes chacune, soit un total de… 65 épisodes, la durée d’une petite telenovela (par exemple une nocturna). C’est ce que explique que, si blim les a mises en ligne à 3 mois d’intervalle, UniMás aux Etats-Unis a pu la rediffuser à partir de janvier, en quotidienne et en quasi-continu.
Résultat, pour la disruption, Blue Demon repassera ; par contre pour remplir parfaitement le cahier des charges de la série sud-américaine facile à consommer et donc facile à exporter, c’est bien joué.
En attendant on manque quand même d’une vraie série de fiction sur l’univers de la lutte. Affaire à suivre…