Soigneusement planquée dans l’arrière-boutique, où seuls les porteurs de badge peuvent la visionner, la série suédoise Farang fait mentir toutes les idées préconçues sur la fiction sérielle scandinave. Farang n’est en effet ni froide, ni consacrée à un meurtre, ni dédiée à une disparition. Les mauvaises langues diront aussi qu’elle n’est pas épatante.
Je le reconnais bien volontiers, je ne suis pas certaine de pouvoir discerner l’œuf de la poule dans mon problème face à Farang : ai-je fait preuve d’inattention parce que je m’ennuyais, loupant ainsi des informations… ou me suis-je ennuyée parce que le premier épisode est parfois flou sur ce qui se passe ?
Dans les grandes lignes, voilà le topo : Rickard a fui la Suède après un braquage de banque qui a mal tourné, et s’est réfugié en Thaïlande, où vit une forte communauté suédoise mais où il peut échapper à la Justice. C’est là qu’il vit donc désormais, sous une nouvelle identité : Ruben Brandt est a priori un simple employé d’un hôtel sur la plage. Rickard/Ruben (que je surnommerai donc « R » dans la review qui suit) ne mène pas forcément une vie rangée, mais pour l’essentiel, il se tient quand même à carreau.
Tout cela vole en éclat lorsqu’une adolescente du nom de Thyra débarque sur la plage où il travaille, à la recherche de son père. Sur la base d’une photo trouvée sur le site web de l’hôtel, elle soupçonne que son père soit en Thaïlande, et est bien décidée à le rejoindre… Vous l’aurez compris, R est le père de Thyra, et les retrouvailles entre le père et la fille pourraient mettre en danger la couverture du fugitif !
Dans les grandes lignes, Farang ne pose donc pas de problème majeur de compréhension. C’est dans les détails que la série est parfois incapable de dire franchement ce dont il s’agit. Il lui faut ainsi un temps fou pour présenter le personnage de Fabian, un autre Suédois vivant en Thaïlande, et qui en réalité travaille comme gigolo auprès de femmes scandinaves de passage, les dépossédant de leur argent tout en n’hésitant pas à les utiliser comme mules (à leur insu !) pour un autre type de trafic dont il n’est qu’un maillon parmi tant d’autres. Farang met un temps fou à expliciter ce que fait précisément Fabian, au lieu d’insister sur les enjeux dramatiques de son rapprochement avec Thyra sitôt celle-ci descendue de l’avion (Fabian les repère de loin, de toute évidence). En outre la série semble voir le dépucelage de Thyra comme un enjeu bien plus problématique (il est vrai qu’elle a 15 ans à peine, mais si elle est capable de partir à l’autre bout du monde à la recherche de son père, on peut éventuellement envisager qu’elle soit en mesure de décider du déroulement de sa vie sexuelle) que le trafic auquel elle se retrouve mêlée en tombant sous le charme du jeune homme.
Même les activités de R m’ont semblé floues. Trafique-t-il également ? Certaines scènes semblent l’indiquer mais en même temps, il se prend aussi pour un justicier, donc c’est compliqué. R a l’air d’avoir toutes sortes de secrets à propos desquels Farang ne veut pas spécialement nous mettre dans la confidence. Qu’il regarde sans cesse derrière son épaule est normal ; mais certaines de ses autres activités, et le paradoxe de celles-ci face à son comportement parfois très moral (il a clairement choisi le bon endroit pour vivre pour ça !), rendent les choses ambiguës… sans grand bénéfice pour le spectateur.
Dans la moiteur de la Thaïlande, une chose est sûre : l’ambiance de Farang ne pourrait pas être plus différente de celle de 30° i Februari, l’autre série suédoise à se dérouler sur ces mêmes plages. L’une se veut un crime drama sombre et crapuleux, l’autre une série dramatique fondée sur l’émotion et l’empathie. L’avantage, c’est qu’à ce rythme, il y aura bientôt une série suédoise tournée en Thaïlande pour tous les types de téléphages… En ce qui concerne mon type de téléphage, je me passionne beaucoup plus pour dix minutes de 30° i Februari que pour tout un pilote de Farang. Une opinion qui n’est pas forcément partagée : sur le site de VOD suédois C More, Farang est devenue la série originale la plus regardée en streaming, devant Gåsmamman et Saknad qui n’avaient pourtant pas à rougir.
Qu’importe que je ne me sois pas passionnée pour elle : Farang a trouvé son public, et vous en faites peut-être partie aussi. Après tout, l’essentiel c’est qu’on ait des options.