Rien que la vérité (si je m’en souviens)

19 avril 2017 à 18:00

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir une série espagnole à Séries Mania. En fait, ce n’est même pas tous les ans ! Mais gloire à cette saison 8, Sé Quién Eres est en projection publique (et il y aussi quelque chose à se mettre sous la dent du côté des accrédités), aussi je vous embarque dans une review de pilote ibérique !

Lorsqu’il reprend ses esprits, Juan Elias est confus ; il marche laborieusement sur une route de forêt avant de se retrouver dans une station service, où son état second attire l’attention. Transporté à l’hôpital, on lui diagnostique bientôt une amnésie. A cette situation déjà peu agréable s’en ajoute une autre carrément dramatique : sa nièce Ana a disparu, et tout porte à croire que Juan Elias est la dernière personne à l’avoir vue. Voire à l’avoir enlevée ou pire…

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Derrière son intrigue de thriller, que Sé Quién Eres fait mine d’étudier, la série espagnole se passionne pour une toute autre chose que la 712e disparition d’une jeune femme. C’est ainsi le système judiciaire espagnol que la série égratigne.

C’est que Juan Elias, voyez-vous, est un avocat très en vue, ainsi qu’un professeur de droit. Sa femme, Alicia, est quant à elle juge. Ils ont toutes sortes d’amis et de connaissances dans ce milieu (avant la comparution immédiate de Juan devant un tribunal pour enlèvement et potentiellement homicide, les représentants des différentes parties discutent entre eux et avec les juges comme de vieux amis). Leur meilleur ami est, d’ailleurs, lui-même un avocat, qui va représenter notre héros… A plusieurs reprises lors de son premier épisode (assez court pour une série espagnole : seulement 67 minutes), Sé Quién Eres va donc poser la question de la collusion, du corporatisme, et de la façon dont le microcosme judiciaire est devenu corrompu par les liens consanguins entre cabinets. En outre, même la moralité des pratiques passées de Juan Elias est remise en question.
Cette thématique, plutôt rare dans les legal dramas de la planète en dépit de son intérêt évident, peut ici s’exprimer en toute quiétude parce que le processus judiciaire n’occupe qu’une place très limitée dans le déroulé de cet épisode d’exposition. En parlant du monde judiciaire plutôt qu’en essayant de le montrer, Sé Quién Eres se contente d’insinuations, de soupçons, de suppositions. Cette façon de ne rien affirmer, de ne rien établir, de ne rien démontrer, lui permet de faire sa critique sans avoir à faire pencher la balance de son intrigue dans un sens comme dans l’autre, au moins pour l’instant disons. Ce choix allusif laisse le spectateur se faire son avis, sans l’influencer dans un sens ou dans l’autre.

L’intrigue de Juan Elias lui-même est plus classique : elle pose la question de savoir à quel moment un homme qui est amnésique (ou supposé tel) peut être traité comme un justiciable normal. J’ai particulièrement apprécié la réponse de notre héros lorsque la Cour lui demande s’il plaide coupable ou non, et qu’il répond que… ma foi, il ne sait pas, puisqu’il n’a aucune mémoire des événements qui ont conduit à la disparition d’Ana.
Le rapport de notre amnésique à sa famille (aussi bien proche, comme Alicia et leurs deux enfants, qu’un peu plus élargie, puisqu’Ana est sa nièce) passe par tous les clichés du genre, et entretient même un peu de suspense histoire de dire, mais on ne regarde clairement pas Sé Quién Eres pour cet aspect-là de son intrigue. Juan Elias a-t-il quelque chose à cacher ? Très franchement je m’en bats un peu l’œil, tout comme sa relation passée à Eva, une ancienne élève qui est aujourd’hui avocate de l’accusation.

Je suis bien plus fascinée, en revanche, par le personnage de son épouse Alicia. Une femme de peu de mots, mais au caractère bien trempé, rien ne semble pouvoir désarçonner Alicia, ou jamais durablement. Elle possède d’ailleurs un sang-froid assez impressionnant, quand bien même elle vient de récupérer son mari à l’hôpital et que sa nièce a disparu. J’espère que Sé Quién Eres a l’intention de faire quelque chose de fort de ce personnage assez inédit à la télévision espagnole… peut-être la transformer en suspecte lorsque Juan Elias ne sera plus autant suspect ?
Si vous ne voyez pas Sé Quién Eres pendant Séries Mania, je ne pense pas que vous ratiez votre vie. Mais je trouve la série tout de même intéressante dans les thématiques sur la Justice qu’elle soulève à travers son intrigue de thriller plutôt banale, et rien que pour ça, je suis reconnaissante pour la programmation de cette 8e édition. Il y avait de bien pires séries qui auraient pu prendre sa place en projection, croyez-moi, j’ai des noms.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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