Monterey. Son front de mer. Sa plage. Son école publique haut de gamme.
Lorsque Jane Chapman débarque dans cette ville cossue, elle espère y trouver une vie meilleure pour son jeune fils. Elle va découvrir que la vie peut rapidement y devenir compliquée, dans un microcosme où tout fait vite boule de neige…
Lorsque j’ai fini Big Little Lies, voilà quelques jours, je me suis retrouvée assise devant mon écran, à me masser les tempes, et en me demandant s’il n’était pas temps que je ferme boutique et que j’aille, je ne sais pas moi, élever des chèvres dans le Larzac. Parce que clairement je suis totalement hors du coup : tout le monde semble voir en Big Little Lies l’une des séries de l’année, un drama fin doublé d’un thriller passionnant, et j’ai été… pas absolument écœurée ou quoi que ce soit de ce genre, hein, mais certainement pas aussi fascinée que d’autres. A ce stade je suis donc obligée de me demander ce qui cloche chez moi pour qu’une série unanimement appréciée par la critique (92% du Metacritic) me laisse autant de marbre. Dans un élan d’amertume, je me suis exclamée à moi-même que pour regarder des séries japonaises tournées à la va-vite (genre, disons, Chef), j’étais là, mais que pour les gros projets américains, j’étais désormais totalement incapable de voir la qualité là où elle était. Même moi je trouve que j’exagère, mais il y a un fond de vérité tout de même derrière cela : en ce moment, je suis physiquement incapable d’apprécier un grand nombre de séries étasuniennes pourtant louées par la majorité des téléphages. Et ça me pose beaucoup de questions, comme vous le voyez.
Il n’est évidemment pas obligatoire d’aimer Big Littles Lies. Par chance, je n’ai pas détesté la série : c’est simplement que je ne suis pas sûre d’y voir du génie.
A Monterey, les gens sont aussi beaux et riches (…pour la plupart) qu’ils peuvent être médiocres et nombrilistes. Big Little Lies navigue entre leur médiocrité, leurs petits psychodrames et leurs first world problems, sans jamais totalement perdre de vue qu’il s’agit très souvent de broutilles. Pas toujours, évidemment. Mais la capacité incroyable des habitants de ce petit monde à monter en épingle la moindre bisbille a de quoi amuser autant que navrer.
La saison s’intéresse en particulier à une « affaire » qui commence le jour-même de la rentrée à l’école primaire, lorsqu’une petite fille est, semble-t-il, attaquée par l’un de ses nouveaux camarades. Or à Monterey, tout le monde se connaît (c’est bien ça qui empoisonne tout !), tout le monde sauf Jane Chapman, qui vient d’arriver, et qui se trouve bientôt confrontée au mépris de nombreux parents qui pensent que son fils a tenté d’étrangler ladite petite fille. Laquelle, pour ne rien arranger, est l’enfant d’une des femmes les plus en vue de la communauté. Fort heureusement, Jane peut compter sur le soutien de deux femmes qu’elle vient de rencontrer, Madeline Martha Mackenzie et Celeste Wright.
Big Little Lies s’échine à la fois à nous fasciner pour les petits problèmes insolubles de ces adultes qui se noient perpétuellement dans un verre d’eau, et à conserver le recul nécessaire pour critiquer certains comportements, notamment grégaires.
A ces peccadilles vient s’ajouter un mystère qui à mon sens n’a pas un grand intérêt, si ce n’est de servir de fil rouge et d’épée de Damoclès aux épisodes en attendant que vienne la réponse à une question que je ne me posais pas vraiment : qui est mort, comment, et pourquoi. Oui c’est dire si Big Little Lies se refuse à nous dire sur quoi porte cette intrigue. Ce meurtre est en tous cas un merveilleux outil permettant de jouer avec la timeline, d’organiser des scènes d’interrogatoire pendant lesquelles les membres de la petite communauté de Monterey vont passer moins de temps à parler du cadavre que des derniers potins de la ville, et d’induire régulièrement le spectateur en erreur sur l’orientation des autres intrigues qu’il regarde. Les petites piques ainsi insérées ont également l’intérêt d’apporter un commentaire sur la communauté elle-même, sur l’effet du qu’en-dira-t-on, sur les préjugés qui teintent la vision que les voisins peuvent avoir des personnages, et ainsi de suite.
Ces intrigues sont d’un intérêt variable : outre l’emballement autour de l’incident de la rentrée, que j’évoquais plus haut, on a aussi droit aux difficultés de Maddie face à la réussite du nouveau mariage de son ex, ou à l’ambiance de plus en plus délétère au sein du couple de Celeste. Je ne vous cache pas qu’il y a une storyline qui m’a beaucoup plus fascinée (et émue) que les autres, je veux bien-sûr parler de celle de Celeste, qui bien que n’étant pas toujours aussi subtile que David E. Kelley semble vouloir le croire, a bien plus de profondeur et de nuances à offrir que les sempiternelles crises d’hystérie de Madeline (qui, sur une série de seulement 7 épisodes, trouve le moyen de se montrer répétitive dans au bas mot 5 d’entre eux).
Dans sa critique du microcosme de Monterey, Big Little Lies n’est pas toujours aussi corrosive que je le souhaiterais, quand bien même de nombreux indices laissent à penser que la série est convaincue d’être vitriolique. Je ne nie pas que la série emploie ses outils avec beaucoup d’intelligence pour faire des allusions répétées aux rapports de voisinage (au sens large) qu’entretiennent les habitants de Monterey, mais la série ne me semble pas aller encore assez loin.
Mais mon vrai reproche, c’est paradoxalement aux acteurs que j’ai envie de l’adresser, ceux-ci se refusant pour l’essentiel du temps de faire preuve de beaucoup de nuances. Reese Witherspoon est probablement la pire dans cette catégorie (certes limitée par un rôle assez peu fin), qui passe son temps à surjouer sur un seul mode, et a toutes les peines du monde, dans des scènes plus sincères, à faire tomber la cuirasse pour dévoiler une réelle vulnérabilité. Dans une moindre mesure, Shailene Woodley et Laura Dern se rendent coupables des mêmes crimes, mais avec des rôles légèrement moins ingrats. Adam Scott, pourtant excellent au début de la saison, finit quant à lui la série en mode autopilote…
Par la faute mêlée du scénario et de l’interprétation, les personnages ont toutes les peines du monde à évoluer, si ce n’est vis-à-vis de leurs proches, au moins vis-à-vis des spectateurs. Pour une série dotée d’une distribution de folie, y compris dans des rôles secondaires, c’est très frustrant.
Je comprends, en un sens, pourquoi Big Little Lies fascine d’autres que moi : la série parvient à mêler une production très haut de gamme (il y a du cast, il y a de l’argent, il y a un excellent réalisateur…) à un genre en ce moment très populaire, le thriller soapesque. C’est peut-être en partie cette dimension soapesque qui m’a justement détournée de Big Little Lies, mais je crois que j’aurais pu faire cet effort si la série n’avait pas consacré autant de temps à des broutilles sans importance auxquelles j’étais physiquement incapable de m’intéresser. Quand on voit à côté de cela la magnifique intrigue de Celeste (portée par Nicole Kidman oscillant sans effort entre force et fragilité), c’est difficile de ne pas remarquer le fossé.
Et même si je percevais bien que Big Little Lies voulait aussi mettre le doigt sur ces petites histoires sans importance et sur la façon dont, justement, cette communauté leur donnait de l’importance si aisément, la critique m’est vite apparue comme répétitive. Je revenais au point de départ, qui est que monter telle ou telle pièce de théâtre dans la salle communale (alors que ces gens ont l’argent de monter la pièce de leur choix dans à peu près n’importe quelle salle de Broadway s’ils le désirent) est la dernière chose à laquelle j’ai envie de prêter de l’attention.
Si vous êtes déçu que je n’aie pas aimé Big Little Lies ou que, peut-être, je ne l’aie pas comprise, dites-vous que je suis déçue aussi par moi-même. Ça me désespère sincèrement qu’à part les scènes de Celeste (et quelques scènes de Bonnie, jusqu’à ce que je découvre que la série n’allait pas du tout la développer autant que je l’espérais ; je pensais jusqu’au bout qu’elle allait avoir au moins UN défaut à nous dévoiler), j’aie été incapable de percevoir l’intérêt de la série, alors que le reste de la planète téléphagique semble l’avoir trouvée absolument parfaite.
Même le tout dernier épisode, qualifié de rien moins que grandiose par l’essentiel de ma timeline sur Twitter, m’a semblé tiède, en un sens.
Suis-je passée entièrement à côté de Big Little Lies ? Suis-je une has been totale ? Devrais-je me contenter de ne plus traiter que de séries croates dont personne n’a rien à foutre et être interdite de review des séries US que tout le monde juge importantes ? Au juste je ne suis pas bien sûre. J’ai ma petite idée, bien-sûr, mais… rien de définitif. Dans le fond je suis aussi consciente qu’aucune série n’est supposée faire l’unanimité à tout crin. C’est l’intérêt d’avoir accès à autant de séries. Mais je reste dubitative face à ce cuisant échec. Je sais juste que regarder cette saison de Big Little Lies n’a pas du tout été ma tasse de thé, et que s’il devait y en avoir une seconde, je…
…Ma foi, vous aimez le fromage de chèvre ?