A l’heure où la gourmandise pour la télévision internationale n’a jamais été aussi facilitée par les diffuseurs et autres services de VOD, l’Europe de l’Est fait partie des destinations encore difficiles d’accès. C’est précisément pour palier à ce genre de lacunes que les festivals existent ! Séries Mania proposait ce matin une projection de la série polonaise Belfer (sous le titre The Teach), et je viens au rapport.
Sur le papier, on ne peut pas dire que ce soit l’originalité qui étouffe Belfer : la série démarre alors qu’à la veille de la rentrée des classes, trois adolescents se promènent dans les bois et y découvrent le corps sans vie de l’une de leurs camarades, la lycéenne Joanna Walewskiej. Dans la bourgade tranquille de Dobrowice, la nouvelle ne manque pas de bouleverser tout le monde, bien-sûr, et l’enquête commence tant bien que mal, malgré la douleur. Un professeur de lettres fraîchement arrivé au lycée de Dobrowice pourrait bien participer à sa façon à l’investigation…
Derrière ces apparents clichés, Belfer parvient à tirer son épingle du jeu. Son premier épisode fait le bon choix : celui de se concentrer sur les retombées de la découvertes du cadavre de Joanna, sur les choses qui commencent à se dire, dans la douleur mais aussi, parfois, la confidence, sur la vie de la jeune fille et de son entourage proche. Cet épisode d’ouverture met pour l’essentiel l’enquête policière de côté, ou alors en abordant la façon dont les flics individuellement gèrent la situation. Il n’est pas question de jouer sur une ambiance de mystère, et c’est vraiment tout à l’honneur de Belfer quand on sait le nombre de séries qui la précèdent sur ce type de sujets.
Les larmes de sa meilleure amie Ewa, l’accablement de son petit-ami Maciek, l’effondrement de ses parents, la désorientation de la police, font l’objet de nombreuses scènes qui insistent ainsi plutôt sur la dimension du deuil. Une dimension d’autant plus importante que les premiers éléments de l’enquête semblent indiquer que Joanna se serait suicidée…
Le professeur Paweł Zawadzki est lentement introduit à cet univers. Son arrivée est progressive à l’écran : il descend du bus, le visage hors-champs, se révèle alors qu’il pénètre le lycée de Dobrowice pour la première fois, prononce ses premiers mots face camera lors d’un échange courtois avec le proviseur qui vient de l’engager. Est-il mystérieux ? Peut-être un peu, d’autant que certains menus éléments nous sont révélés, qui indiqueraient qu’il n’est pas si étranger que ça à Dobrowice.
Pourtant c’est surtout un autre trait qui prédomine dans la façon dont le personnage nous est présenté : celui de la bienveillance. S’abstenant de tout jugement, Zawadzki va rencontre professeurs, élèves, policiers, pendant les heures suivant sa descente du bus, l’oreille attentive et l’œil vigilant.
C’est à ce comportement qu’on comprend progressivement que, sans rien dire à personne (voire en cachette de la police), il a commencé sa propre enquête. Belfer n’explique pas, ou peut-être pas encore, s’il est venu exprès pour comprendre les circonstances de la mort de Joanna (il est arrivé la journée-même de la découverte du corps, tout de même !) ou s’il s’agit simplement pour lui de se prendre d’intérêt pour cette sordide affaire. Ce premier épisode ne tient en fait même pas vraiment à nous présenter cela comme une investigation : Zawadzki passe faire son footing près de la scène du « crime », ou pose des questions un rien orientées à un habitant… on le sent intéressé, mais pas inquisiteur. Il faut cependant reconnaître qu’il a l’air de connaître les procédures, et même d’être versé en médecine légale, au moins dans une certaine mesure.
Alors que l’épisode commence petit-à-petit à permettre à la police d’avancer de son côté, et d’obtenir des éléments de réponse comme par exemple le fait que Joanna ne s’est pas suicidée, Belfer établit toutefois une certitude : il n’est pas question que le professeur Zawadzki devance systématiquement une police locale incapable. Il y a simplement deux investigations séparées, chacune procédant différemment. Est-ce qu’on peut vraiment se plaindre que l’enquête ait deux fois plus de chances d’aboutir ?
Vers la fin du premier épisode, il se passe aussi autre chose : Zawadzki n’est pas là simplement pour jouer les détectives du dimanche. Lorsque l’année scolaire commence, il se retrouve (…nan mais comme par hasard) à enseigner à la classe de Joanna ; c’est là que l’on trouve la douce Ewa (qui a appris le décès de sa meilleure amie de la pire des façons) ou le sombre Maciek (qui n’est plus que l’ombre de son ombre). Dans ce panorama scolaire, il y a aussi un élève à problèmes qui donne du fil à retordre à Zawadzki, ou la professeure principale de la classe, ou le professeur de sports et coach de l’équipe féminine de basket. Une galerie de portraits et de réactions que Zawadzki va observer, fidèle à lui-même. Et surtout, qu’il va utiliser pour amorcer une forme de travail de deuil.
Le devoir écrit que, lors de son premier cours, il donne à ses élèves, s’avère ainsi à la fois douloureux et nécessaire. Zawadzki a évoqué, plus tôt dans l’épisode, avoir enseigné pendant 4 ans dans un centre psychologique pour élèves difficiles, et cet élément de son background n’a rien d’anecdotique…
Belfer se propose-t-elle de nous présenter un personnage assurant deux missions complètement différentes dans cette affaire ? Peut-on à la fois chercher la vérité avec objectivité, et accompagner les proches de la victime à surmonter pareille épreuve ? C’est comme si Zawadzki avait à la fois des questions et des réponses, dans deux registres différents…
C’est plutôt cela que pose cet épisode introductif, plutôt que simplement s’inquiéter des circonstances de la mort de Joanna (ou de cette étrange histoire d’usine suédoise qui va peut-être s’installer à Dobrowice, qui a également un air de déjà vu). Une intention vraiment tout à l’honneur de Belfer.
La série est diffusée actuellement sur Polar+, il y a donc peut-être une possibilité de voir la suite si tu es intéressée. Les épisodes doivent bien être présents quelque part sur internet.
J’ai bien aimé cette série polonaise… Mais la fin est peu claire pour moi.. Comment est donc réellement morte Joanna et quelle est la réelle part d’Ewelina dans son décès et les causes exactes ? Pourquoi Ewelina n’est pas arrêtée à la fin ? Merci.