Lorsque les choses vont mal, que je sombre dans l’amertume suite à un visionnage d’un pilote médiocre, je sais que je peux toujours revenir à la fiction japonaise pour y trouver des choses qui me séduisent. Pourquoi ? Parce qu’outre de solides séries dans des genres classiques (policier, médical…), on y trouve facilement des concepts originaux, capables à partir d’idées malicieuses de produire des fictions totalement uniques. Je suis désolée, hein, mais c’est pas en Corée du Sud que je vais trouver une diversité d’idées pareille*.
Je vous parlais cet après-midi des séries d’appétit, eh bien j’ai trouvé une série qui en reprend une grande partie des ingrédients, mais sur un tout autre thème. Tokyo Sentimental est ainsi plutôt… une série d’appétit amoureux, si je puis dire. De toute façon, puisque j’en suis à inventer des termes…
Takuzou n’est pourtant pas le héros classique de vos habituelles séries à enjeux amoureux : cet homme de 55 ans a derrière lui trois divorces ; il habite, en outre, dans un petit quartier de Tokyo où il tient une modeste confiserie artisanale, avec pour seule employée la vendeuse Akane. Le problème essentiel de Takuzou, c’est que c’est un cœur d’artichaut : pas franchement échaudé par l’échec de ses précédents mariages, il trouve toujours le moyen de tomber sous le charme d’une femme. Mais trouver l’amour n’est bien-sûr pas si simple…
Tokyo Sentimental remplit le contrat d’une série d’appétit « classique » (donc à base de nourriture) en se reposant sur le monologue intérieur de son héros. Sauf qu’au lieu d’avoir faim de bons petits plats, il a faim d’amour ! Cela ne veut pas dire qu’il y dédie l’intégralité de son existence ; en guise d’introduction, il se présente d’ailleurs à nous armé de son appareil photo, dont il nous explique qu’il aime à l’emmener dans ses promenades à Tokyo pour apprécier les beautés de la ville. Il a également plusieurs amis, comme le coiffeur du quartier, Koukichi, ou un restaurateur local, Araki, auxquels il se confie. Et bien-sûr la très franche Akane lui tient compagnie au magasin, même si soyons clairs, c’est elle qui tient la boutique pendant qu’il pousse des soupirs dans sa cuisine…
Le premier épisode le suit pendant une journée, alors qu’il a reçu une invitation à déjeuner de Satomi, une femme dont il va nous révéler qu’il est amoureux depuis plusieurs décennies, mais qui a épousé son meilleur ami d’enfance, Masatoshi. Ce dernier étant décédé depuis 4 ans maintenant, l’invitation n’apparaît pas comme anodine à Takuzou ! L’épisode inaugural de Tokyo Sentimental continue donc sur sa lancée et fait grandir l’appétit de son héros, alors qu’il découvre avec ravissement que Satomi est belle comme au premier jour, et qu’elle l’a invité à passer la journée, qui plus est, dans un quartier particulièrement romantique de la capitale, Shibamata dans l’arrondissement de Katsuhika. C’est d’ailleurs l’occasion de nombreuses références à la série de films et à la série Otoko wa Tsurai yo, où un homme solitaire y vit de nombreux émois amoureux ; les parallèles entre Tora-san, le célèbre héros de la franchise, et Takuzou, sont soigneusement cultivés au long de l’épisode (un hommage assez logique quand on voit combien Tokyo Sentimental doit à la célèbre franchise).
Toute la journée ressemble à un long rendez-vous amoureux, alors que tous deux arpentent les rues du quartier, s’arrêtent pour déguster une friandise, ou déjeunent ensemble. Finalement, Satomi révèle qu’elle s’interroge : 4 ans après la mort de son mari, est-elle autorisée à envisager d’être avec un autre homme ? A la fin de cette idyllique rencontre, Takuzou et Satomi se promettent de se revoir bientôt, et notre homme est convaincu que les choses progressent ! Bien-sûr il a quelques doutes (essentiellement instillés par Akane qui pense que ce n’est pas très correct de sa part) sur le fait de courtiser la veuve de son meilleur ami, mais il a toujours été si amoureux fou d’elle…
La vraie différence entre Tokyo Sentimental et les séries d’appétit, cependant, tient dans la conclusion de l’épisode, alors que Takuzou n’a pas l’occasion de… comment dire ? Savourer sa victoire. Mais sur le reste, tout y est, et c’est finalement une très jolie idée puisqu’elle permet de vraiment suivre le cheminement du héros pendant les heures passées en compagnie de l’élégante Satomi, de le voir s’émoustiller à l’idée qu’ils vont peut-être s’embrasser ou que, non, c’est peut-être trop tôt, mais il va essayer de lui prendre la main… Tout cela de façon contemplative, simple et sans complication superflue.
A certains moments, Tokyo Sentimental évoque plus particulièrement l’aspect touristique de Kodoku no Gourmet, insistant sur les lieux visités, comme pour dresser, en plus de celle du tendre, une carte des endroits les plus romantiques de la ville. Tokyo Sentimental n’est dans ces moments-là pas simplement une série où son personnage cherche l’amour, mais aussi une série qui inspire ses spectateurs, voire leur donne des idées de sorties romantiques à entreprendre eux-mêmes. Je ne serais pas surprise d’apprendre que les lieux visités (en particulier les échoppes) sont réels et proposent très exactement les produits consommés à l’écran. Je persiste à penser que c’est un super business plan.
Preuve qu’une formule déjà pas commune peut donner naissance à d’encore plus originales variations, Tokyo Sentimental est atypique également si on la considère strictement sous l’angle de la norme en matière de romance, panorama télévisuel où ce sont les jeunes personnages qui d’ordinaire occupent le terrain. L’air de ne pas y toucher, la série apporte donc quelque chose d’unique à bien des niveaux, et si cette approche de la romance vous parle, vous passerez sûrement un excellent moment. Personnellement, mes priorités sont ailleurs : je préfère les séries d’appétit à base de bons petits plats !
* en vrai je suis pas du tout désolée. D’ailleurs je n’ai jamais caché que les séries sud-coréennes et moi, on avait vraiment du mal à s’entendre.