La course à l’espace a permis à deux puissances mondiales, pendant presque deux décennies, de se surpasser à la fois au nom d’un idéal scientifique et d’hostilités diplomatiques. Pour une nation, envoyer ses meilleurs éléments dans les étoiles semble noble, mais c’est aussi un signe extérieur de richesse, une façon d’exister aux yeux de l’humanité, d’entrer dans l’Histoire et les consciences collectives.
Sauf que tout ceci a un coût, et pour un petit pays comme la République tchèque, ce coût reste extrêmement élevé. Accomplir de grandes choses est-il nécessairement hors de portée pour cette nation ? Eh bien non, comme le prouve l’existence de son programme spatial. Alors bien-sûr, les effectifs sont restreints et les moyens limités, mais les quatre astronautes qui s’entraînent pour partir sont convaincus que ces sacrifices seront utiles.
Une bonne partie de l’humour de Kosmo, pendant la première moitié de son épisode, consiste à insister sur le manque de moyens de cette entreprise. Visuellement, déjà, c’est très net : les locaux de l’Agence cosmique tchèque sont installés dans une école désaffectée qui a besoin de bien plus que d’un coup de peinture.
Mais l’épisode s’attarde aussi, longuement, très longuement même, sur l’absurdité des équipements propres à l’entraînement de son personnel. L’ingénieur Milan Sumec, qui dirige la mission, a toujours une bonne explication au fait qu’au lieu d’un simulateur de force centrifuge, les futures astronautes doivent se balancer dans une grue, ou que le tank d’apesanteur soit un simple conduit d’égout au milieu d’un lac. En fait, ses justifications reviennent un peu toujours au même argument : on n’a pas l’argent, mais ça revient à peu près au même de toute façon.
Conquérir l’espace à peu de frais ? L’idée est suffisante pour une comédie, toutefois Kosmo ne s’arrête pas là, en plantant les graines du doute dans les échanges embarrassants entre Sumec et sa petite équipe. En fait, il ne semble rien connaître ni comprendre du tout à ce qui se passe à l’Agence cosmique tchèque. Par contre, alors qu’il n’a jamais d’argent pour quoi que ce soit (même pas proposer des repas variés et équilibrés à ses astronautes, qui à la place ont droit à un hachis immonde préparé par une cuisinière poète mais peu aimable), bizarrement il a trouvé le moyen de se payer une magnifique Mercedes…
La vérité ne tarde pas à éclater lorsque le ministre de l’Education, dont dépend le programme spatial, pète un plomb très publiquement, ce qui le conduit à être envoyé dans une institution ; Sumec prend immédiatement la fuite, et nos quatre recrues réalisent que depuis le début, tous les fonds débloqués pour l’Agence cosmique ont été systématiquement détournés par leur supérieur. Quant au ministre qui reprend le portefeuille de l’Education, il est atterré par les sommes englouties par ce projet qui n’a jamais rien donné, et il décide de faire fermer l’Agence cosmique tchèque !
Bien-sûr, les choses ne sauraient s’arrêter là…
Je n’avais pas eu la chance d’assister à la projection de Kosmo l’été dernier lors de Série Series, mais je ne suis pas fâchée d’avoir persisté pour y jeter un œil. Certes, cela a impliqué de regarder ce premier épisode avec des sous-titres traduits automatiquement, et ça vaut ce que ça vaut (mais c’est déjà mieux que la VOSTM, surtout dans le cas d’une comédie), mais j’ai vraiment beaucoup apprécié l’humour finalement très aiguisé de cette série. Il n’y a pas beaucoup d’équivalents à une telle série de par le monde, la conquête spatiale étant généralement un sujet traité avec déférence et beaucoup de patriotisme, mais justement Kosmo détricote ces thématiques, renvoie à un humour un peu politique sur le fonctionnement de ses instances gouvernementales, mais aussi sur la « mentalité tchèque » (ou perçue comme telle). La seconde moitié du pilote, après que le pot aux roses ait été découvert, va au-delà de l’humour dépréciatif du début dans lequel on se moque du manque d’argent, pour s’attaquer directement à la culture du mensonge ; l’utilisation d’un personnage ayant une longue expérience aux USA, et donc imprégné par l’honnêteté « typiquement américaine » (ou, là encore, perçue comme telle), sert à appuyer sur cette critique. Et c’est d’autant plus saisissant qu’au bout du compte, beaucoup des choses que critique ainsi Kosmo n’ont justement rien de particulièrement tchèques ! En pensant s’attaquer à la culture nationale, la comédie parvient à atteindre quelque chose d’universel, et c’est ce qui en fait, à ma grande surprise, une série qui pourrait parfaitement s’exporter ! Oui, vous savez : si les séries tchèques, les comédies et les histoires relatives à l’espace s’exportaient.
Avec son humour pince sans rire, son sujet éminemment politique inattendu, et, me faut-il ajouter, sa réalisation incroyablement efficace, Kosmo est aussi géniale que je l’espérais, mais pas du tout la série à laquelle je m’attendais. Ça valait totalement le coup de me coltiner des sous-titres traduits avec Google… même si, dans l’idéal, il faudrait avoir accès plus facilement à ces petites pépites que par du bricolage à peu de frais. M’enfin, au moins, je me dis que c’était assorti à la cette comédie !