Un mariage ? C’est l’évènement heureux par excellence… et donc le sujet auquel une fiction se voulant iconoclaste doit se frotter. Prenez la websérie Bang Baaja Baaraat, par exemple : rien de plus formidable à pervertir qu’un mariage d’amour dans une destination idyllique et un hôtel luxueux, pas vrai ? Eh bien dans la série mobile Yes I Do, proposée depuis quelques jours par le service Studio+, c’est à une tradition approchante, l’enterrement de vie de jeune fille, que l’on s’attaque.
Parce que, admettons-le, toutes les conditions d’une série pleine de surprises sont réunies ! Bien que le premier épisode se limite strictement à une exposition, on peut déjà imaginer toutes sortes de surprises, précisément, qui attendent ses héroïnes.
A une semaine de son mariage avec Ben, Marina est « kidnappée » par ses deux meilleures amies, ainsi que par Joanna, la sœur de Ben qui se joint au cortège d’enterrement de vie de jeune fille. Au programme ? Rome ! Un voyage prometteur… qui en réalité est une couverture : Jade et Rachel ont en fait prévu d’aller sur une décadente plage portugaise pour un séjour de tous les excès.
Pour ces jeunes femmes belles, visiblement aisées, et pour la plupart délurées, c’est un peu l’EVJF idéal.
Est-ce que Yes I Do ressemble furieusement au début d’un film mettant en scène les héroïnes de Sex and the City ? Peut-être. Mais quelques éléments, déjà, font tiquer, et permettent d’entrevoir les possibilités de telles prémisses.
Le fait que le voyage se déroule dans la plus grande confidentialité, par exemple (Ben n’est au courant que du voyage à Rome), met la puce à l’oreille. Je sais que j’ai tendance à être un rien anxieuse dans ce type de situations, mais quelles sont les chances pour que se trouver dans un autre pays que celui annoncé soit une bonne idée si les choses tournent au vinaigre ? Sans parler du degré de raffinement du mensonge : Jade et Rachel on programmé à l’avance des photos Instagram du Colisée ou des meilleurs plats de pâtes romains. Pour ne rien arranger, Marina elle-même est privée de tout moyen de communiquer avec l’extérieur, Jade lui confisquant son téléphone et même son portefeuille… Encore une fois je sais que je suis parano, mais c’est difficile de ne pas relever ces détails, pour le moment innocents, mais qui ont tant de potentiel pour cesser de l’être.
Mais au-delà, Yes I Do a un autre argument impressionnant : ses personnages, en dépit de 8 minutes à peine d’épisode, apparaissent comme complexes et bien formés. Chacune des quatre fêtardes arrive bien-sûr avec son profil propre : l’innocence enfantine mais espiègle de Marina (qui est pour l’instant, chose logique, surtout prise dans l’excitation du moment), l’introversion de Joanna (laquelle connaît un peu Marina mais n’a échangé avec les deux autres que par mail jusque là), la réputée « drama queen » Rachel (précisément larguée par un homme marié quelques heures plus tôt), et l’énergique Jade (qui aime se positionner en cheffe de meute au point qu’on dirait que c’est SON enterrement de vie de jeune fille). L’interprétation de ces personnages, jamais cantonnés à un stéréotype, et la réalisation attentive qui prend le temps de détailler des nuances au milieu du tourbillon des interactions, commencent déjà à sous-entendre qu’il y a pas mal de choses à découvrir sur ces quatre héroïnes. Cela se sent à des détails, comme Marina essayant d’intervenir entre Joanna et Jade, ou Rachel se perdant dans ses pensées pendant un quart de seconde, mélancolique. Ces personnages sont riches et peuvent surprendre.
Quelle que soit l’expérience qui les attend à leur arrivée au Portugal (on espère secrètement qu’elle ne sera pas juste faite d’excès, mais aussi voire surtout, de dangers !), ces protagonistes promettent d’avoir des choses à nous révéler sur elles-mêmes. Pas forcément dans le sens de grands secrets : s’il y a bien quelque chose de clair dans ce premier épisode, c’est au contraire que l’insouciance est le maître-mot de ces existences. Plutôt en cela que Marina, Joanna, Rachel et Jade ont le potentiel de révéler aux spectateurs, et peut-être à elles-mêmes, des traits de caractères et/ou ressources insoupçonnées. Que les choses tournent mal, ou que Yes I Do ne soit qu’une chronique de la bacchanale du siècle, on veut réellement voir ce que ses héroïnes ont dans le ventre.
Et comment ne pas avoir envie de suivre pareille promesse de développement, voire de tension, quand la réalisation est si réussie ? Aussi subtile que l’est sa plume, la camera d’Elsa Blayau capture à la fois l’essentiel et l’essence de personnages complexes. Yes I Do réussit son entrée en matière en dépit d’un format court parce qu’elle laisse le paratexte visuel faire une partie des présentation, elle invite les spectateurs dans un univers amical chaleureux, mais commence à distiller quelques éléments plus inquiétants. Tout ça en 8 minutes ! Les formats courts ont parfois du génie, mais quand ils y allient aussi l’élégance, c’est à ne plus savoir où se mettre.