C’est agaçant cette manie qu’ont les séries avec des sujets originaux de si souvent finir par faire quelque chose de totalement banal. Prenez, allez, au hasard : Mary Kills People, une série canadienne qui a démarré fin janvier sur Global. L’idée est géniale : suivre une chirurgienne qui, sur son temps libre, euthanasie des patients en phase terminale… ce qui est encore illégal. Bon sang, quelle idée forte, sur un plan dramatique ! Quel potentiel pour aborder des choses douloureuses et pourtant importantes autour de la maladie, la dépendance, ou encore la fin de vie ! Quelle abondance de questions à poser à son héroïne voire à son entourage ! Quel domaine riche, à plus forte raison parce que rarement exploré dans une fiction sérielle !
Bien-sûr cet enthousiasme a été douché, vous l’aurez compris, par le premier épisode de la série.
Mary Harris est une urgentiste compétente, bosseuse et compatissante : toutes sortes de qualités qu’elle met quotidiennement au service de ses patients dans un grand hôpital. Toutefois, une fois la blouse raccrochée, elle commence une seconde mission, celle qui consiste à accompagner des patients en phase terminale afin qu’ils puissent partir comme ils le souhaitent, quand bien même la loi canadienne le leur refuse.
Le premier épisode nous détaille, par le biais de cas concrets, quelles sont les procédures mises en place par la Dr Harris. L’organisation de son affaire est importante d’un point de vue narratif (des éléments sont mis en place pour lancer des intrigues), mais aussi pour aborder toutes les questions éthiques auxquelles Mary Kills People ne peut échapper. On apprend ainsi que c’est essentiellement par engagement idéologique que Dr Mary Harris aide des malades à mourir, et que c’est pour elle une forme pro-active de militantisme. Une scène légèrement absurde et en même temps dérangeante nous montre qu’elle tente de faire ce travail de façon éthique : c’est au patient de faire le geste ultime (elle fournit uniquement l’accompagnement médical, pourrait-on dire ; même les médicaments ne viennent pas d’elle, mais d’un partenaire), par exemple, qui consiste à ingérer un médicament lui permettant de partir sans douleur. Évidemment, ça c’est en théorie, mais c’est parfois plus compliqué comme on le verra. La suite de l’épisode nous montre aussi comment elle est contactée par des patients potentiels (c’est une infirmière de l’hôpital qui sert d’intermédiaire), et quelle est son approche lorsqu’une demande lui est formulée. Tout cela est très important, bien-sûr, et Mary Kills People prend précautionneusement son temps pour distiller ces informations sans avoir l’air de trop donner dans l’exposition. Jusque là je vous assure que j’étais contente.
C’est quand Mary Harris rencontre un patient potentiel. Au bout d’environ 30 secondes, on devine que ce patient n’en est pas un. On flaire le danger : Dr Harris ne se méfie pas, jamais, ne s’imagine pas un instant qu’il lui faudrait mesurer ses paroles, ou procéder à un certain nombre de vérifications avant de prendre en charge quiconque la contacte. On sent que Mary Kills People, à partir de là, veut se pencher sur un jeu de chat et de souris entre un représentant de la loi et Mary, qui l’enfreint. Et soudain la série semble perdre tout son intérêt.
Est-ce que j’ai vraiment envie d’assister à une chasse aux sorcières qui empiète potentiellement sur les cas rencontrés par Mary et qui peuvent soulever des questions intéressantes ? En quoi Mary Kills People est-elle, fondamentalement, une série différente de Dexter, quand bien même la pratique de la mort par ses personnages centraux est opposée ? Ai-je envie de courir le risque que les interactions entre la docteur et le flic prennent plus de place dans la série (et Dieu sait qu’ils commencent de façon bien compliquée) que les interventions auprès de personnages en situation de demande ?
Franchement, non. Ç’aurait été super si Mary Kills People avait introduit cette intrigue ultérieurement ; inévitable, en fait. Mais à ce stade j’aurais eu envie de suivre Mary, alors qu’elle mène sa double-vie et euthanasie des personnes malades dans le plus grand secret, se confronter à des thèmes plus compliqués que « comment vais-je échapper à la prison ? », ce qui n’a en l’occurrence, strictement rien de caractéristique ! Plein de personnages de séries passent leur vie à essayer d’échapper à la prison ; très peu procèdent à des euthanasies.
Quand j’aurai un peu de temps, j’essayerai peut-être de finir Mary Kills People, d’autant que la performance de Caroline Dhavernas est vraiment solide… mais pour le moment, la sensation de déception voire d’écœurement m’en détourne. Dans l’intervalle, je continue de regretter l’invasion de flics sur nos écrans, parce que leur omniprésence persiste à détourner notre attention du potentiel dramatique immense de certains sujets. Mais soyons sincères : ce n’est pas uniquement la faute des flics de séries. C’est la faute des exécutifs et/ou des auteurs, qui n’ont pas le courage de leurs thèmes.