Comment vous présenter Quartet, la série japonaise dont il va être question aujourd’hui ? La question est plus complexe qu’il n’y paraît : derrière cette série lancée le mois dernier sur TBS (…et à ne pas confondre avec l’autre série japonaise Quartet, lancée en 2011 sur… TBS), se cache une multitude de choses. De son pitch à son ton, rien n’est conventionnel chez Quartet, et ce avant même de vous parler des petits détails qui entourent la série et qui terminent d’être légèrement perturbants. A mi-chemin entre le drama humain mais aussi la comédie absurde, le thriller inquiétant mais aussi la comédie romantique, Quartet touche à tout, et le pire, c’est qu’elle parvient à être convaincante dans chaque registre, voire même parfois, à toucher au génie. Elle réunit, en outre, un casting particulièrement impeccable, ce qui étant donné le contexte fait figure aussi bien de nécessité que de cerise sur le gâteau.
Je n’avais pas été autant surprise par une série nippone depuis un sacré bout de temps, et je vais donc tâcher de rendre justice à son premier épisode, tout en sachant l’exercice voué à l’échec.
Sur le papier, Quartet, c’est l’histoire d’un quatuor (2 violonistes, 1 violoncelliste, 1 altiste) qui après s’être rencontrés par hasard, décident de travailler ensemble. Pour former ce groupe, qu’ils vont décider d’appeler Doughnuts Hole, ils ont convenu de se retrouver dans la petite bourgade de Karuizawa, et plus précisément dans la maison de l’un d’eux, afin de répéter et d’essayer de décrocher ainsi des opportunités de jouer professionnellement. A partir de là, leur objectif est de gagner progressivement en prestige…
Donc ça, c’est sur le papier. Mais dans les faits Quartet n’est pas vraiment l’énième histoire d’un groupe musical tentant de trouver le succès. Enfin, si, mais c’est quasiment un prétexte pour faire toutes sortes de choses.
D’abord parce que les personnages de Quartet, eh bien la série a envie de les explorer tout en maintenant autour d’eux une forme de mystère. Passons-les donc en revue.
Il y a d’abord Maki Maki ; c’est la plus professionnelle de tous, elle a déjà une jolie petite carrière de violoniste soliste derrière elle. Il s’agit d’une femme réservée, dont les trois autres membres du quatuor savent seulement qu’elle est mariée, qu’elle connaît un certain succès professionnel, et que parfois, quand elle parle, on ne l’entend pas. Ah, et que son nom de famille de femme mariée est le même que son prénom. C’est à peu près tout, en fait. Vient ensuite Tsukasa Beppu (que tout le monde appelle par son nom de famille Beppu), le second violoniste du quatuor. Il a pris l’initiative d’inviter tout le monde dans la maison familiale de Karuizawa, où lui-même vit à temps plein, afin de faciliter les répétitions. Hormis le fait qu’il travaille pour une compagnie que possède son grand-père, on en sait peu sur lui. Mais même s’il tente de prendre des décisions pour orienter les efforts du groupe, il apparaît souvent sous les traits d’un homme penaud, facilement dominé. Nous avons un peu mieux l’impression de connaître la jeune Suzume Sebuki, parce que nous l’avons vue, dans la toute première scène de cet épisode inaugural, jouer dans une rue de Tokyo en espérant se faire un peu d’argent. En réalité, si l’on met de côté ses excentricités (elle joue uniquement pieds nus, par exemple ; et mon Dieu, Hikari Mitsushima de Woman est parfaite dans ce rôle), nous ne savons rien de la violoncelliste elle-même. Et puis, il y a l’altiste Yutaka Iemori, dit Iemori. Un homme au fort caractère, un peu sarcastique… mais qui, justement parce qu’il a tendance à être facilement dans la confrontation, a trouvé une excellente méthode pour ne rien dévoiler de lui-même.
Comme vous le voyez, Quartet prend un malin plaisir à présenter avant tout des personnalités (la réservée, le paillasson, l’excentrique, le fort en gueule) sans nous dire vraiment qui sont ces personnages. Il y a une bonne raison à cela : une bonne partie de l’objet de la série est justement d’essayer de lever le voile sur leurs secrets, quels qu’ils puissent bien être.
Pour cela, la série emploie essentiellement son contexte (la maison de Beppu où se déroulent les répétitions musicales) pour organiser un huis clos obligeant les personnages à évoluer aux côtés les uns des autres, à se confronter souvent, et se révéler parfois. Un procédé qui fonctionne incroyablement bien ! Il apparaît alors que Quartet n’est pas un thriller reposant sur les non-dits, mais sur des conversations, parfois même très longues, pendant lesquelles il faut impérativement être aux aguets car c’est alors que les personnages se trahissent. Derrière l’anodin d’une petite prise de bec autour de poulet frit, des choses transparaissent, se mettent en place, sans même attirer l’attention. Le premier épisode de Quartet (et je l’espère, les suivants !) est articulé de façon à ce que tous ces indices s’avèrent payants à la fin de l’épisode, aboutissant à une dernière confrontation pendant laquelle une vérité finit par sortir. Une vérité partielle, cependant, qui n’est qu’un élément du puzzle, qu’une réponse à une multitude de questions… mais sans que ce soit agaçant.
Il émane de Quartet une véritable impression de récompense, plus que de frustration, peut-être parce que son principe bavard lui évite de reposer exactement sur des cliffhangers, mais plutôt à ressembler à un jeu de piste intellectuel. La nuance tient parfois à peu de choses, je vous l’accorde.
Cela ne signifie pas que Quartet est un drama sérieux voire rébarbatif, et sombre. Tout le contraire, en fait. La série s’appuie en grande partie sur l’inoffensivité des interactions quotidiennes de Maki, Beppu, Suzume et Iemori, dans la maison de Karuizawa (dont je n’ai pas peur de dire qu’elle est un personnage à elle seule tant son univers chromatique et son agencement sont uniques à la télévision japonaise). Les dialogues de Quartet, entre autres parce qu’ils sont finement écrits et constituent la moelle épinière de la série, sont donc incroyablement légers, et souvent même hilarants. Parfois je me suis surprise à penser à du Seinfeld, ce qui dans le contexte, vous me l’accorderez, est inattendu. Si vous en doutez, regardez donc cette fameuse discussion sur le poulet frit, pendant laquelle les personnages ont un débat de fond de plusieurs minutes sur « faut-il ou non arroser le poulet frit de jus de citron ». C’est absurde, légèrement surréel, et hypnotisant ! Me voilà alors à rire à gorge déployée devant la finesse de certaines interactions, des piques, et du jeu de certains acteurs qui brillent encore plus dans ces situations (mais en même temps je sais depuis Dakara Kouya qu’Issei Takahashi est un génie sous-estimé aux multiples talents). Plus tard ça m’est arrivé avec l’histoire du thé de maïs, aussi. Et si ça fonctionne aussi bien, c’est parce que ces fulgurances comiques sont écrites comme de la comédie, mais interprétées de façon totalement sobre. Dans cette façon de rendre banales les choses les plus décalées, Quartet est vraiment appréciable, et à mille lieues des standards habituels de la comédie télévisée nippone.
Je pourrais encore vous parler de Quartet pendant des heures. Vous parler de l’impression étrange qu’elle distille, en fin d’épisode, lorsqu’elle rejoue la scène de la rencontre impromptue du quatuor. Vous dire que son générique est interprété par… le quartet Doughnuts Hole, c’est-à-dire les quatre acteurs, dans leur propre rôle (ce générique est d’ailleurs tout simplement un clip musical ; ce n’est pas étonnant quand on se rappelle que Takako Matsu a une longue carrière de chanteuse derrière elle… so meta !). Vous dire combien j’adore l’univers à la fois coloré et dérangeant de cette maison. Vous faire remarquer que le scénariste n’est nul autre que Yuuji Sakamoto, auquel on doit déjà Mother, Woman et Mondai no Aru Restaurant, ce qui dans le fond est tout ce que vous avez besoin de savoir pour vous ruer sur la série !
Mais à un moment il faut bien que je vous lâche la jambe, ne serait-ce que pour que vous alliez juger par vous-même de l’étrangeté de Quartet. C’est un ordre.
Moi qui déplore de ne pas prendre assez le temps de te lire et encore moins de commenter tes articles jdrama, je suis contente de ne pas avoir loupé ce billet ! C’est le drama qui me tente le plus cette saison, et tu confirmes que le scénariste est au meilleur de sa forme ! Comme j’ai adoré le générique de Saikou no rikon, j’ai hâte de voir celui-ci vu ce que tu en dis ! Je ne sais pas si je vais me lancer bientôt ou si je déciderai de voir d’abord sans plus tarder Woman ou Mondai no aru restaurant 🙂
En plus la chanson du générique est écrite par Shiina Ringo ! C’est marrant parce que j’avais oublié avoir lu cette info, et après avoir fini l’épisode je me retrouve avec STEM (Kuuki) en tête, et je comprends pas pourquoi… jusqu’à ce que je fouille pour trouver le PV de la chanson des Doughnuts Hole et sois rappelée à la réalité 😉 En tant qu’amatrice de Jmusic, je suis enchantée. Déçue de ne pas trouver trace d’un véritable PV ou d’une commercialisation de single, mais enchantée.