Ceux qui étaient jadis nos protecteurs sont devenus nos pires ennemis : les Demit, enfants des Dieux, se sont retournés contre les humains voilà plusieurs siècles, semant le chaos, la destruction et la mort sur leur passage. Aujourd’hui que nous vivons dans de grandes villes et non plus de petits villages, ils existent toujours, n’en doutez pas… mais dissimulés. Un évènement pourrait cependant les faire sortir de leur cachette : la remise du « Gift », un évènement rarissime à l’occasion duquel les Demit s’affrontent.
La série fantastique Halfworlds, vous la connaissez : j’en ai déjà parlé voilà plusieurs mois lorsque les deux premiers épisodes ont été proposés à l’occasion du festival Séries Mania. Eh bien ce soir, elle revient pour une deuxième saison sur HBO Asia (c’est inédit pour une série de la succursale asiatique de la chaîne câblée), et du coup je me suis dit que c’était un peu aujourd’hui ou jamais pour vous dresser un bilan de la première saison !
A quelques jours de la remise du Gift (un phénomène dont initialement Halfwords rechigne à nous donner les détails), les Demit sont donc en train de s’agiter. Et ils sont d’autant plus inquiets que le Gift est l’occasion pour les tensions internes de se raviver. Les différentes races de Demit (Genderuwo, Kuntilanak, Palasik, Tuyul, et Banaspati) doivent essayer de travailler ensemble à un moment où au contraire les ambitions personnelles agitent les individus ! Le Gift est en effet une cérémonie à l’occasion de laquelle un Demit se voit remis un pouvoir immense, qui peut rester entre ses mains pendant des siècles… sauf qu’il y a environ 300 ans, ce n’est pas un Demit qui a reçu le Gift, mais un bâtard mi-humain mi-Demit, dont l’arrivée au sommet de la chaîne alimentaire a causé une vague de chaos. Des milliers de Demit sont morts, ainsi que des dizaines de milliers d’humains. Alors cette fois-ci, tout le monde est un petit peu à cran, voyez-vous.
Dans la tourmente, une jeune orpheline, Sarah, découvre progressivement l’existence des Demit… et que leurs affaires la concernent. Mais pourquoi ?
Soyons clairs : Halfworlds réussit beaucoup de choses, mais pas son personnage de Sarah. Ni les intrigues de Sarah. Ni même le casting de Sarah si je veux être entièrement honnête. La série fait un travail remarquable lorsqu’il s’agit de parler des conflits à l’intérieur de la communauté des Demit, propose des questions intéressantes (à défaut d’être pleinement explorées) en matière de parallèles entre la coopération de certains humains avec les démons et la corruption, et possède quelques personnages vraiment forts de Demit humanisés presque malgré eux. Mais dés lors qu’il s’agit de Sarah, on s’en tamponne le coquillard comme jamais. C’est incroyable. Jamais vu ça.
Dans les premier épisodes, la série cherche à tout prix à la faire passer pour l’héroïne, mais plus la saison avance, plus il devient clair qu’elle n’a rien d’un personnage féminin badass ou même intéressant. Nooon. Elle va passer le plus clair de son temps à demander ce qui se passe à quiconque croisera sa route, et va se retrouver empêtrée dans un des plus détestables quadrilatères amoureux qu’il m’ait été donné de voir, et je vous prie de me croire, j’en ai détesté beaucoup par le passé.
Donc ignorons autant que possible Sarah, dont la trajectoire dans cette première saison est de toute façon anecdotique vu qu’elle n’a jamais de pouvoir de décisions sur ce qui lui arrive, et parlons des vrais bons personnages de Halfworlds, parce qu’il y en a plein.
Hélas avec ses épisodes d’une demi-heure (et à plus forte raison parce qu’elle n’en possède que 8), cette première saison de Halfworlds ne sera pas toujours capable de nous en dévoiler les richesses immédiatement. Mais j’ai une grande tendresse, entre autres, pour Nadja la Palasik (c’est dans la nature des Palasik que de dévorer des embryons dans le ventre de leur mère, mais Nadja a, paradoxalement, un fort instinct maternel), Tony et Ros les amants de l’Enfer (dont la passion sanguinaire prend un tour surprenant en fin de saison), ou encore Juragan l’humain (descendant d’une longue lignée de prêtres qui consacrent la remise du Gift et protègent la discrétion des Demit, et qui est un méchant truculent comme je les aime). Mention assez bien pour le détective Gusti, également, qui nous est régulièrement présenté comme le vrai héros de notre affaire, et dont les oscillations entre loyauté, instinct de préservation et volonté de ne pas nuire ont quelque chose de touchant.
Pour ces protagonistes et quasiment tous les autres en fait (sauf Sarah, grosso-modo), il ne faut pas s’attendre, vu la brièveté de la saison, à un character development de folie, ou à des intrigues à plusieurs lectures, mais plutôt à des portraits qui s’étoffent avec le temps.
Halfwords, en fait, semble pendant cette première saison être plus souvent dans l’exposition qu’autre chose, comme en témoignent divers ingrédients de sa formule. Ainsi le rappel mythologique en début de chaque épisode (qui se fait toujours via une séquence animée, dans le plus pur style comics), ou l’impression de compte à rebours jusqu’au Gift, rappellent qu’il s’est déjà produit quelque chose par le passé, et que quelque chose va prochainement se produire. Le spectateur est placé dans un entre-deux parfois assez inconfortable, mais à dessein me semble-t-il, propice à voir la tension augmenter et les choses empirer, impuissant. Halfworlds rend vraiment bien cette montée en gamme, cette augmentation progressive des enjeux, et ce sans jamais sacrifier ses scènes d’action ou tout simplement ses scènes de gore. Et il y en a ! J’ai même été surprise de certaines scènes, probablement parce qu’elles sortaient énormément du lot par rapport à la majorité des autres scènes, pensées pour être esthétiques. Halfworlds emprunte volontiers à l’horreur, ce qui est un choix intéressant pour une série qui aime tant à filmer des scènes d’action empruntant volontiers (et pour cause) aux codes des superhéros. Il suffit de voir l’affrontement sous la pluie pour s’en convaincre.
Alors bien-sûr, Halfworlds n’est pas la série la plus philosophique au monde, et elle reste un peu à la surface des choses. On peut aussi regretter que la direction d’acteurs n’ait pas été aussi rigoureuse que la photographie, ce qui n’aide pas. Mais dans l’ensemble on se retrouve là devant une série réussie qui parvient à porter haut les couleurs de HBO (et à apporter sur les écrans asiatiques quelque chose qu’on y voit peu, notamment en termes de nudité et de sexualité) tout en se montrant très accessible, et très grand public.
Je vais aussi redire quelque chose que j’avais déjà loué lorsque je vous avais reviewé les deux premiers épisodes de la série : cette façon qu’a Halfworlds de mêler à un genre occidental (quand bien même il a été ensuite approprié localement), les comics, à une mythologie locale foisonnante, est absolument géniale. Halfworlds fait d’ailleurs grand cas de sa mythologie, sans aucun doute l’élément le plus détaillé de la saison, en insistant aussi bien sur l’aspect « historique » des Demit (adoptant alors un rôle de conteur) et les activités de ceux-ci à travers les âges. L’apparition de magie noire, ponctuellement, termine de donner une personnalité unique à la série, et c’est vraiment bien joué ! Franchement, ce que fait Halfworlds est passionnant dans ce domaine, à plus forte raison parce que peu de séries en ont l’opportunité de façon aussi transnationale (le cast mais aussi la mythologie tentent de prendre en compte les différentes identités des spectateurs recevant HBO Asia). Le résultat est un mélange absolument fantastique, et le fait que ce soit Sarah, c’est-à-dire le personnage le plus éloigné des aspects mythologiques, qui porte l’essentiel des défauts, devrait en creux vous en dire long au sujet de la série.
Ce soir, HBO Asia a donc lancé la nouvelle saison de Halfworlds, renouvelant ainsi la première série de son histoire. Et je ne peux que l’en féliciter, du coup… quand bien même je suis un peu inquiète vu que l’équipe de production a entièrement été changée, et une large partie du cast aussi. En fait, même les créatures sont différentes puisque cette fois, au lieu de Jakarta en Indonésie, la série se déroule à Bangkok en Thaïlande. Mais ce sera l’occasion de découvrir, à la place des Genderuwo, des Kuntilanak, des Palasik, des Tuyul, et des Banaspati, de nouveaux démons tels le Pi-Phong, le Ta-Khian, le Seua Saming, le Pret ou encore le Krasue.
Comment ne pas se réjouir, donc, du tour d’horizon des mythologies asiatiques que Halfworlds promet de nous offrir ? Il est sûrement là, le vrai cadeau.
L’histoire et le cast asiat donnent envie de tester. Dommage que le format soit si court mais après peut-être comme tu le dis le but est de montrer un peu du folklore de plusieurs pays asiatiques, un par saison ? J’y jetterai un coup d’oeil, merci pour l’article !