Que se passerait-il s’il existait une machine à voyager dans le temps, et qu’elle tombait entre les mains d’un terroriste ? Fort heureusement, dans l’hypothèse de Timeless, il existe une seconde machine à voyager dans le temps, qui permet de lui courir après.
Timeless est bien évidemment l’une des nombreuses séries de voyage dans le temps du moment ; un phénomène qui ne date pas de cette saison mais qui s’apprête, comme vous le savez sûrement, à prendre encore plus d’ampleur. Or, contrairement à d’autres effets de mode, comme, mettons, la fiction policière procédurale ou le drama médical, les séries de science-fiction tournant autour du voyage dans le temps doivent relever non pas un défi, mais deux. A charge pour ces séries de se distinguer des autres, donc, mais également de prouver qu’elles ont suffisamment de substance pour ne pas trébucher dans les pièges des séries sur le voyage dans le temps.
A l’installation de l’univers s’ajoute donc, pour le pilote de Timeless, l’objectif pour la série d’installer sa vision du fonctionnement du temps. Chaque série de voyages temporels a la sienne, qui dépend de règles qui doivent apparaître clairement au spectateur, de façon à éviter le si redouté paradoxe temporel, qui s’il offre potentiellement d’excellentes questions, peut vite aussi provoquer la perte de confiance en une série sur des voyages dans le temps.
Dans le cas de Timeless, c’est la politique du moindre effort qui a été appliquée. Le premier épisode de la série met tout en place de façon superficielle.
Ses personnages centraux (dont la plus détaillée, Lucy Preston, ne nous dit déjà pas grand’chose d’elle… alors les autres) se limitent à une fonction dans l’intrigue à long terme (le commanditaire de la machine à voyager dans le temps, Connor Mason, est… le commanditaire de la machine à voyager dans le temps) et/ou à court terme (le noir de service n’intervient dans l’épisode que pour prouver qu’il est le noir de service qui voyage à des époques pas jouasses pour le noir de service, il a juste deux lignes de dialogue sur un vague enjeu amoureux). Personne, dans le trio qui occupe l’essentiel du temps d’antenne, n’a même de motivation apparente : ils ont été recrutés par la force des choses, un peu obligés en fait.
C’est le genre de choses qui explique pourquoi dans Timeless, les personnages passent plus de temps à courir dans tous les sens qu’à s’interroger sur le cours de l’Histoire ou l’incroyable expérience qu’un voyage dans le passé représente (l’historienne Lucy y accorde une demi-scène d’attention histoire de dire, et plus jamais ensuite ; les deux autres s’en battent les…).
La série fait également très peu de cas de, vous savez, des détails, genre, cette histoire de machine à voyager dans le temps. Pourquoi en construire une ? Pourquoi la cacher aux autorités (au moins jusqu’à ce que tout foire) ? Comment le vilain méchant de la série en a-t-il découvert l’existence ? On ose espérer que ce sera abordé dans les épisodes futurs, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que Timeless ne fait vraiment rien pour nous rendre curieux à ce sujet, ce qui est souvent un indice assez fiable du peu de curiosité que ses propres scénaristes éprouvent.
Quant au fonctionnement du temps dans l’univers de Timeless, il est très sommaire : la seule chose que l’épisode daigne nous expliquer à peu près, c’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de retourner deux fois à la même époque (on en meurt ; n’en reparlons donc plus jamais vu que c’est réglé !). Pour le reste, on ne sait pas trop comment ça marche, s’il y a des limites, voire même, pourquoi seul le retour dans le passé est envisagé par la plupart des personnages (l’un d’entre eux semble penser un peu out of the box, pas de chance il n’a que trois lignes de dialogue dans cet épisode). On est ici en présence d’un wibbly wobbly timey wimey stuff qui ne tolère pas vraiment qu’on l’examine de trop près.
En fait, c’est à un tel point que changer le passé, qui est la raison initiale pour laquelle les héros ont été envoyés dans le dit passé, se produit réellement en fin d’épisode… et n’émeut finalement personne. A leur retour, l’Histoire a été changée de multiples façons, pas toutes prévisibles, et les décideurs de Timeless haussent les épaules et renvoient les héros chez eux, alors que, pardon, mais c’est justement ce qu’on était supposés empêcher… Le problème n’est alors pas tant que la mission ait raté (c’est même une idée plutôt intéressante, ce côté effet papillon, dont je veux bien voir comment la série va la traiter), mais que ça indiffère les seuls qui avaient une raison de se lancer à la poursuite d’un chronoterroriste !
Timeless peut-elle se rendre plus captivante après ce premier épisode ? C’est possible vu sa conclusion, mais assez improbable si on s’en réfère uniquement aux facilités sur lesquelles il se repose pendant les 40 autres minutes. Je tiens cependant à rassurer nos amis espagnols qui pensent s’être faits voler El Ministerio del Tiempo : d’une, les ressemblances sont pour le moment assez réduites (même si certaines, effectivement, interrogent quant à la part de hasard), et de deux, la série américaine est d’une telle vacuité, qu’il n’y a vraiment pas matière à s’inquiéter qu’elle fasse ombrage à l’excellente série de science-fiction ibérique. D’ailleurs dés que cette rentrée se calme, on en reparlera ; ça me semble bien plus intéressant que perdre du temps sur Timeless.
Héhé, du temps. Je sens que je vais en faire pas mal, des jeux de mots miteux de ce genre, cette saison.