En dépit de sa belle longévité (…6 seasons and a movie), Reno 911! fait partie des comédies étasuniennes passées sous le radar de la plupart des téléphages. Hélas vous n’y couperez pas cette fois, car cela fait aussi d’elle, de mémoire récente, l’une des séries US les plus longues sur la police en uniforme.
La recette de Reno 911! est, il est vrai, atypique : il s’agit à la fois d’une parodie d’une émission bien réelle (Cops, en l’occurrence), d’une comédie filmée à la façon d’un mockumentary (ce qui s’explique notamment par le format original de Cops), et une série où l’improvisation tient une grande place : les trames des épisodes sont grossièrement définies, mais les dialogues sont improvisés ; plus encore, la conception-même de Reno 911! s’est tellement faite à l’arrache que les comédiens ont aussi improvisé… leurs personnages !
Pour quiconque éprouve des difficultés avec l’une ou l’autre de ces propriétés, ou plusieurs, voire même toutes, cela risque de rendre le visionnage de Reno 911! très compliqué. J’ai souffert pour que vous n’ayez pas à le faire.
Pourtant le véritable problème de Reno 911! ne se loge ni dans son aspect parodique, ni dans son format de mockumentary, ni dans les dangers inhérents à l’improvisation à la télévision. Ce qui m’empêche de trouver la série drôle, c’est avant tout sa vulgarité, à laquelle je suis personnellement très peu réceptive.
Car au bout du compte, quand il ne s’agit que de présenter des personnages avec leurs bizarreries individuelles (qu’il s’agisse d’un flic ou d’un civil), pour l’essentiel pourquoi pas. Tant que la série se moque de l’incompétence de ses officiers de police, ça ne vole pas bien haut mais ça reste regardable. Du moment que le mockumentary sert à faire… ce que fait tout mockumentary, en fait, juxtaposant une image « prise sur le vif » et une interview face camera révélant l’hypocrisie d’un protagoniste, ça ne révolutionne pas l’univers, certes, mais il n’y a pas mort d’homme. Si la comédie veut insister sur les relations interpersonnelles dysfonctionnelles ou les histoires d’amour à géométrie variable, je ne vois pas de souci.
Tout ça ne m’excite pas spécialement les zygomatiques, mais qu’importe.
Cependant, quand tout l’humour d’une scène repose uniquement sur le fait que le personnage est gay, par exemple, et que cela seul est supposé être drôle, je commence à avoir un problème. Quand la clé d’un gag c’est simplement de faire prononcer le « N word » par un personnage, je m’interroge sur l’intérêt de mettre en place autant d’outils humoristiques (parodie + mockumentary + improvisation) pour finalement sortir des gags de fond d’égouts.
Au bout du compte ce qui est drôle selon Reno 911!, c’est quand un personnage est une femme (surtout si elle a une vie sexuelle), un homosexuel (…surtout s’il a une vie sexuelle), un personnage de couleur (qu’il soir hispanique ou noir… surtout s’il a une vie sexuelle !), une personne souffrant de maladie mentale (…surtout si elle est présentée comme physiquement repoussante et/ou n’a pas de vie sexuelle). Par contre, le seul personnage masculin, blanc et hétéro n’a qu’une seule véritable scène dans ce premier épisode… pendant laquelle on nous sort la blague du berger allemand qui ne parle pas anglais, c’est-à-dire que le gag ne repose pas sur qu’il est mais sur ce qu’il fait. Alors je vous accorde que dans le cadre d’une série policière, ce n’est finalement pas très étonnant vu qu’il s’agit d’une organisation où effectivement le mâââle blanc hétéro règne en maître. On l’a vu depuis le début de la semaine, les comportements sexistes, homophobes ou racistes font aussi partie de la « culture » des flics en uniforme. Si elle était réellement audacieuse, la série pourrait au contraire essayer de moquer cela. Voilà qui serait réellement impertinent.
Bref comme souvent, on écorche toujours les mêmes, sous couvert d’aller à contre-courant. L’effet obtenu (outre l’impression qu’à moins d’être dresseur de berger allemand, je ne suis pas spécialement invitée à regarder la série) est juste de diminuer le niveau moyen du reste… qui, parce qu’il ne vole déjà pas bien haut, n’a pas besoin de ça.
On est ici dans l’extrême inverse de Car 54, Where Are You? dont on parlait ce midi. Or, il s’avère que mise face à un choix, je préfèrerais plus volontiers une vieillerie inoffensive et inégale mais accueillante et sincèrement drôle, à une comédie se voulant « politiquement incorrecte » mais sans imagination, brandissant son obscénité et son supposé anticonformisme comme une preuve essentielle de son humour.
Reno 911! est à classer dans la même rubrique que Son of the Beach. Ce n’est pas tout-à-fait un compliment venant de moi ; pour d’autres, ce pourra être un argument-clé (…pour la plupart ça ne parlera pas du tout car Son of the Beach est au moins aussi célèbre que Reno 911!, je le reconnais !). Elle trouve plus largement sa place parmi les stoner comedies, où la récompense immédiate de voir quelque chose de grotesque à tout prix, et où la moquerie de catégories entières de population sans aucune réflexion sur ce qu’est vraiment une parodie, l’emportent sur les procédés comiques. Il s’avère que je ne fume pas les bonnes substances pour en apprécier le résultat. Si c’est votre cas, grand bien vous fasse, faites-vous plaisir.
Au moins, dans le cadre de cette journée consacrée à l’humour dans les séries mettant en scène des flics en uniforme, il y a du choix en matière de tons. C’est vraiment ma seule consolation !