Puisqu’en ce moment je suis en situation de regarder plus de webséries que jamais, j’en ai profité pour jeter enfin un œil à Wastelander Panda: Exile, une websérie australienne conçue pour le service de VOD public iView.
Dans un univers post-apocalyptique, les derniers êtres vivants tentent de survivre avec peu de ressources. Je parle d’êtres vivants au sens large, car il n’y a pas que des humains, vous l’aurez compris : le héros de la série, Isaac, est un panda anthropomorphe.
Lorsque la série démarre, il vit avec son frère Arcayus et leur mère Hannah au sein de la tribu Legion, un groupe qui survit grâce à des règles extrêmement strictes ; Isaac est né après que sa famille ait trouvé refuge auprès de Legion, et n’a jamais rien connu d’autre. une bonne partie du reste de sa famille a été décimée. Wastelander Panda: Exile n’explique pas, dans ce premier épisode, le concept de panda anthropomorphe, mais ce n’est pas vraiment important en réalité, puisqu’au sein de Legion, ils ont tous les trois jusque là été traités comme tout le monde. J’ai bien dit « jusque là », car Isaac commet une faute impardonnable : il tue accidentellement une petite fille qui tentait de fuir Legion. Or, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes, et les survivantes sont donc des « denrées rares » dont la mort a des conséquences désastreuses sur la survie de l’ensemble de la tribu. Isaac est donc condamné au lynchage par ses pairs, mort accidentelle ou pas.
Pourtant, sous l’effet de la douleur et de la colère, Isaac brise ses chaînes pendant le lynchage, coupant court de justesse à son sort funeste. Il propose, plutôt que de mourir, de partir dans les plaines désertiques à la recherche d’une autre femme ou fille, qu’il ramènera à Legion. Une vie pour une autre.
Pour s’assurer qu’Isaac ne se contente pas de s’enfuir sans payer sa dette à la tribu, le conseil décide que Hannah et Arcayus l’accompagneront, puisque la tribu leur fait toujours confiance… et parce qu’avec la responsabilité de deux autres vies dans son exil, la peine d’Isaac sera aussi plus lourde. Voilà donc la famille panda qui s’aventure dans le désert en espérant pouvoir capturer quelqu’un…
Clairement, le point de départ de Wastelander Panda: Exile est très sombre. Aucun doute là-dessus. Même si la série est largement antérieure à Mad Max: Fury Road, elle en rappelle plusieurs éléments, de la condition des femmes (sauf Hannah que le statut de panda a l’air de protéger) aux décors désertiques, en passant par les scènes de combat. Précision : l’existence de scènes de combat, pas toujours leur teneur, qui bien que très honorable, reste sobre. A l’impossible nul n’est tenu avec ce genre de budget.
Wastelander Panda: Exile est en effet non seulement d’un pessimisme caractérisé, mais aussi d’une grande violence. Pas au point d’être particulièrement gore (le fait que les personnages soit pelucheux aide pas mal sur ce point), mais l’univers dépeint, lui, est très brutal. Isaac est après tout le fruit de son éducation, un personnage de son époque : il est violent, pas forcément parce qu’il a de mauvaises intentions, mais parce qu’il n’a aucun contrôle de lui-même, de ses émotions et de ses pulsions. A l’inverse, son aîné Arcayus est plus posé, plus réfléchi, peut-être plus cynique aussi, et exhorte son frère benjamin à l’imiter.
La mise en place de Wastelander Panda: Exile est assez sommaire sur le plan narratif (surtout pour une websérie qui a le luxe de durer une douzaine de minutes par épisode), mais il me faut préciser qu’elle inclut aussi une scène plus contemplative, lorsque la famille panda arpente les plaines arides du Wasteland. Le travail sur les couleurs est magnifique, comme des aquarelles vertes et jaunes. On ne sait pas ce qui a provoqué la désolation de ce monde, mais cela importe peu au final. La mythologie n’est pas ce qui compte dans le parcours d’Isaac et des siens, ni dans celui des personnages qui seront rencontrés dans les épisodes suivants.
Tout le principe de Wastelander Panda: Exile est en effet de mettre en scène la rencontre entre Isaac et Rose, la petite fille qu’il va trouver dans l’espoir de la ramener à Legion…
Le plus gros reproche que j’ai à faire… s’adresse surtout aux pandas eux-mêmes, en fait. J’ai eu toutes les peines du monde à déterminer, en particulier pendant les scènes d’action, qui était qui. Les différences entre les trois costumes d’Isaac, Arcayus et Hannah, sont imperceptibles à l’œil nu, surtout en plein mouvement ; on ne peut les distinguer que par leurs voix, or ils ne parlent pas tant que ça pendant ce premier épisode.
C’est déjà pas facile de suspendre son incrédulité face à des pandas arpentant un univers post-apocalyptique (déjà, pourquoi des pandas ? pourquoi pas des dodos… ou des bisons ?), si en plus ils ressemblent tous les trois à la même peluche de fête foraine, ça devient compliqué. Mais bon, encore une fois, c’est une websérie, et on fait donc avec les moyens du bord.
D’autant que le parcours de Wastelander Panda est quand même assez prodigieux.
A l’origine, il s’agissait d’un projet personnel de Victoria Cocks et Marcus McKenzie, donnant lieu à un « pilote » de 3 minutes nommé Wastelander Panda: Prologue et mis en ligne en janvier 2012. Il se passe alors quelque chose de formidable : le projet devient viral et la video atteint vite les 100 000 vues. Pas mal pour un petit projet monté par des débutants !
L’équipe décide alors de mettre en ligne trois épisodes complémentaires, qui sont présentés au public via un site interactif l’année suivante. Intitulés respectivement, « Isaac & Rose », « Arcaryus & Rose » et « Arcaryus & Akira », ils représentent trois points (très éloignés les uns des autres) de la timeline, et permettent d’approfondir l’univers post-apocalyptique. Ils s’orientent clairement sur la question de la survie, mais aussi du lien à l’autre : Isaac décidant de protéger Rose, Arcaryus et Rose faisant chemin ensemble en dépit de leurs différences, Arcaryus faisant la rencontre d’Akira dans un endroit sordide. J’ai trouvé personnellement ces trois volets plus mélancoliques que le premier épisode de la série dont je parle plus haut, sans jamais négliger toutefois de dépeindre la violence de l’univers.
Après ces trois webisodes, l’étape suivante devient très clairement de monter une véritable série, et c’est grâce au crowdfunding que l’initiative voit le jour, avec un budget de 25 000 dollars australiens (un record à l’époque pour une production de ce pays). Le groupe public ABC décide alors de commander 6 épisodes ; une belle surprise puisque c’est la première fois qu’une série est conçue spécialement pour iView. Wastelander Panda: Exile est alors proposée en VOD, puis commercialisée en DVD ; un roman graphique est également conçu en parallèle.
Quelques récompenses plus tard (tout de même), la saga de Wastelander Panda semble hélas s’être arrêtée là. Nul doute qu’il y aurait pourtant matière à dire bien plus, mais il est déjà rare qu’un projet de science-fiction aille si loin avec si peu. A défaut d’être follement tombée sous le charme de la série (mais peut-être que les épisodes suivants auront plus de force ?), je suis quand même impressionnée par son univers dense et cohérent, et par la vision esthétique, présente dés le prologue.
Et j’ai une curieuse envie de sortir mon ours en peluche de son tiroir, et d’aller jouer dans un bac à sable en plein soleil, aussi. Mais c’est probablement un hasard absolu.