La webserie dont je m’apprête à vous parler aujourd’hui est autrichienne. En dépit du très petit nombre de fictions autrichiennes que j’ai pu tester, ce n’est même pas là sa plus grande particularité.
C’est que Pantherion est une série pas comme les autres ; et je vais m’efforcer de vous expliquer pourquoi… tout en reconnaissant bien volontiers à l’avance que je vais lamentablement échouer à le faire.
Le problème est le suivant : je pense avoir à peu près cerné de quoi cause Pantherion. En revanche, je suis bien incapable de résumer son premier épisode. Enfin, non, si, oui : je peux tenter de vous faire un découpage scène par scène, pour vous dire ce qui s’est déroulé dans chaque scène de cet épisode introductif. Mais si vous me demandez de vous expliquer comment la plupart de ces scènes sont liées, ou leur sens général, ou l’intrigue de la série, euh… là je sèche un peu.
Il se passe toutes sortes de choses étranges, dans Pantherion. Une sorte d’expérience sur un jeune homme. Qui rêve/se souvient de quelque chose qui lui est ou ne lui est pas arrivé dans une forêt. Mais peut-être qu’en fait c’est juste une illusion provoquée par l’expérience. Et un autre jeune homme qui bascule dans ce qui semblait être une dimension parallèle ? Et une jeune femme qui s’est fait plaquer par son copain. Qui se fait faire un tatouage avec une encre créée par un shaman péruvien. Des coups de tambour dans la forêt, un étrange rituel. Des gens bizarres qui ne parlent pas notre langue et veulent capturer la jeune femme. Et je. Doliprane. Oh, ah, si, quand même, un détail qui a l’air important : l’intrigue se déroule à moitié en 2007 et à moitié en 2010.
Écoutez, je ne veux pas spécialement vous effrayer : sûrement que Pantherion a du sens !
Pendant que je regardais l’épisode, je n’avais pas l’impression d’être perdue comme ça… mais lorsqu’il s’est achevé j’avais la tête qui tournait un peu, et surtout une impression désagréable d’avoir oublié tout ce qui s’était dit. Peut-être parce qu’il y a finalement très peu de dialogues (il y a un long monologue d’une entité surnaturelle invisible semblant vivre dans une autre dimension, et je crois que c’est le personnage qui parle le plus longuement dans cet épisode, pour vous donner une idée). Mais pas seulement.
En fait la raison essentielle de mon désarroi, c’est que Pantherion n’a pas vraiment envie de jouer le jeu, et de se faire chier à prendre son spectateur par la main. C’est la page du « film » (une version montée des 7 épisodes) qui a un peu éclairci les choses pour moi. En quelques phrases, Pantherion a atténué l’anarchie de ce premier épisode. J’y ai vu un peu plus clair à nouveau.
Rien ne m’avait préparée à regarder Pantherion.
Pantherion ne ressemble à absolument rien d’autre (bon, si, j’ai quelques réminiscences angoissées de Phenomena de Dario Argento, mais je l’ai vu voilà si longtemps que c’est peut-être juste mon ressenti qui est similaire), et certainement pas à l’immense majorité des webseries que j’ai pu voir jusque là, et, je le soupçonne, l’immense majorité des webseries tout court.
Pantherion semble assumer, si ce n’est revendiquer son côté un peu cheap, son côté film indépendant. Le premier épisode rejette les obligations narratives de la série mainstream, va et vient dans le temps sans se soucier d’amplifier la confusion ambiante, passe de longues minutes contemplatives comme tirées d’un cauchemar par pur plaisir… En somme, Pantherion est l’une des rares webseries à se contrefoutre totalement de savoir si elle peut passer pour une série de télévision, si elle peut atteindre un objectif narratif ou esthétique qui lui donnerait une forme ou une autre de crédibilité. Si vous pensez que les webseries, a fortiori créées par des anonymes plutôt que lancées par des compagnies déjà installées dans le divertissement traditionnel, sont des projets personnels, vous n’avez en fait rien vu tant que vous n’avez pas jeté un œil à Pantherion. C’est le genre de projet indépendant qui s’approche du nanar, mais qui a aussi l’étonnante potentialité d’atteindre un statut « culte » (au sens de méconnu mais adoré par ses fans), parce qu’on sent que l’intention artistique a primé sur toute autre considération. Et ça peut révulser plein de monde, soyons clairs ; moi-même je ne suis pas particulièrement fan en fait ! Mais le temps que le visionnage dure (c’est-à-dire 20 minutes), on est vraiment aspiré dans le résultat, comme hypnotisé par l’énergie de l’ensemble. Parce que c’est réellement unique.
L’impression persistante de regarder un cauchemar chaotique de 20 minutes (et certains cauchemars ont une trame narrative plus claire que Pantherion ! les miens en tous cas), avec une cacophonie de musiques, d’effets sonores, de mouvements de caméras, de filtres colorés en tous genres, est donc déstabilisante. L’expérience Pantherion n’est pas vraiment recommandée à ceux qui aiment leurs séries propres sur elles, légèrement prévisibles, et sachant rester dans les clous. Je déconseille aussi à ceux qui n’aiment pas le cinéma d’épouvante : ce n’est pas que la série montre une goutte de sang ou un monstre quelconque, c’est surtout un problème d’ambiance.
Cela étant, c’est aussi un excellent argument en faveur de la série, selon le point de vue duquel on se place…