Pendant ses tendres années, Harriet Denning n’avait de remarquable qu’une seule chose : le fait que cette délicate fille de pasteur ait la possibilité de dévorer des livres nourrissant sa curiosité. Dans sa province agricole, où la plupart des femmes sont employées soit dans les champs, soit dans les maisons, c’était là sa seule spécificité.
Mais lorsque le comportement de l’adolescente change radicalement, inquiétant son entourage, il semble qu’une nouvelle caractéristique lui soit attribuable : Harriet Denning est peut-être possédée par un esprit.
The Living and the Dead commence par ce mystère, qui n’est viable que si le spectateur tient pour acquis que dans la série qu’il vient de commencer, le surnaturel a une place même infime, mais le premier épisode de la série se dépêche de nous orienter ensuite vers autre chose : ses deux personnages centraux, Nathan et Charlotte Appleby.
Ce jeune couple de Londoniens, éperdument amoureux et très dynamique, vient en effet sur les terres du clan Appleby pour y rendre visite à la matriarche de la famille, ainsi que célébrer rituellement le solstice. Hélas, quelques heures plus tard, la grand’mère Appleby meurt dans son lit et la visite se transforme en deuil, puis en interrogations : que faire du domaine ? Nathan Appleby décide de laisser sa carrière de psychiatre, et Charlotte celle de photographe, pour se consacrer ensemble à diriger l’exploitation agricole. Une entreprise d’autant plus ardue que les finances de la ferme Appleby sont au plus mal, et que les époux sont plutôt des citadins.
C’est précisément parce qu’il est connu et apprécié dans les alentours, et parce qu’il est médecin, que Nathan est sollicité par les Denning afin de comprendre ce qui arrive à Harriet. Pourra-t-il comprendre par quel procédé psychologique étrange le comportement de la jeune femme a changé ? Ou s’apprête-t-il à découvrir une vérité plus dérangeante ?
Tout cela n’est qu’un prologue, comme nous allons le découvrir. L’intrigue autour de l’étrange possession de Harriet sert surtout de prétexte à introduire auprès du spectateurs des informations que les personnages possèdent, mais qu’il aurait été trop grossier de leur faire énoncer au seul titre de l’exposition.
L’arbre familial des Appleby, en particulier, doit attirer notre attention : lors d’un précédent mariage, Nathan avait un jeune fils du nom de Gabriel, depuis décédé à un jeune âge. Lentement, The Living and the Dead va nous expliquer l’amour porté à ce petit garçon par son père et sa grand’mère, sa tragique disparition, la douleur laissée par cette dernière… pour finir par ressusciter l’enfant, lors d’une scène dans laquelle Harriet va être (peut-être ?) possédée par l’esprit du jeune disparu pendant un court instant, le laissant ainsi s’adresser à son père brièvement.
Et si à la fin de l’épisode, la possession de la jeune Harriet a été évacuée selon toutes les règles imposées par le cliché du fantôme troublé (il fallait simplement régler le problème qui le retenait dans le monde des vivants), le cas de Gabriel, lui, est à nouveau d’actualité. Le souvenir a été ravivé… et la possibilité de retrouvailles devient soudain une réalité. Si les fantômes existent, et Nathan Appleby est, au moins en partie, ouvert à l’idée que quelque chose existe, Gabriel est peut-être encore proche, sous une forme ou une autre.
Bien-sûr, cela signifie que si les fantômes nous côtoient (et y croire n’est d’ailleurs pas aussi facile que ce que le cœur meurtri d’un père voudrait l’espérer), il n’y a probablement pas que Gabriel qui fréquente les alentours. The Living and the Dead se laisse donc clairement, avec cette intrigue savamment bouclée, suffisamment de liberté pour se passionner pour des intrigues éphémères, quasi-procédurales. Celles-ci, bien que permettant d’explorer le thème du surnaturel, ne semblent pas vouées à faire progresser l’intrigue très vite, mais au contraire, comme ici avec Harriet, à permettre d’ajouter de petites touches, des scènes précieuses, mais courtes et finalement un peu frustrantes, sur la difficulté de faire un deuil lorsqu’on est confronté à la possibilité du paranormal.
Et pour être bien certaine que le processus d’exploration de cette question sera ralenti, The Living and the Dead ajoute toutes sortes d’autres ingrédients à son épisode inaugural. La relation de couple entre Nathan et Charlotte Appleby, par exemple, dépeinte comme charnelle mais aussi très moderne dans sa dynamique (pour autant qu’un couple puisse être moderne à l’époque Victorienne, bien-sûr), par exemple, tient une grande place. La question de la vie dans le Somerset, pleine de difficultés pour les petites gens, est également martelée sous divers aspects, qu’il s’agisse de la façon dont les Appleby gèrent les employés de leur domaine comme des interactions de ceux-ci entre eux. Sans parler de la question du progrès, qui préside aux décisions des personnages principaux dans différents domaines de leur vie, de leur façon de gérer la ferme aux choix que Nathan fait dans le cadre du traitement de ses patients.
Bref, il y a de quoi se mettre plein de choses sous la dent… et c’est précisément ce qui me laisse un peu froide. The Living and the Dead veut toucher un peu à tout, ce qui serait parfaitement raisonnable si sa première (unique ?) saison comportait plus de 6 épisodes ! Je peux concevoir qu’une série essaye d’être un peu plus complète et passionnante au-delà de sa seule intrigue principale, mais quand on est déjà en train d’essayer de noyer le poisson pour délayer le développement de cette intrigue, est-ce qu’il y a vraiment lieu à faire le malin et utiliser tous les outils possibles et imaginables pour reporter plus encore tout avancement de cette intrigue ?
Et puis, même sans ça. Je suis obligée de reconnaître que The Living and the Dead m’a laissée un peu froide. Son cold open essaye d’emblée de nous présenter les choses sous un angle surnaturel, et le reste du premier épisode fait des pieds et des mains pour que tout le monde se montre sceptique. Ça rajoute des longueurs lassantes qui ne laissent même pas la place à des émotions, juste à la répétition d’une distance que la série ne m’a même pas donné l’occasion de prendre !
Quant aux émotions, j’espérais en prendre plus dans la poitrine. J’ai eu l’impression d’éprouver plus de sympathie voire de compassion dans les interactions concernant le couple Nathan/Charlotte, que suite au décès de la grand’mère Appleby ou lorsqu’il était question du deuil du jeune Gabriel. En fait, le moment le plus tragique de l’épisode réside précisément lorsque Charlotte prend la mesure du deuil que son mari a dû faire de son fils avant de la rencontrer… mais la série s’est en revanche montrée d’une avarice notable en ce qui concerne l’expression de ce deuil à travers le personnage de Nathan lui-même. Comment suis-je supposée prendre au sérieux sa douleur ou son indignation lorsque brièvement Harriet parle avec la voix de Gabriel dans ces conditions ? Et quand bien même : si The Living and the Dead tient tant à intellectualiser cet aspect, alors pourquoi tenter de jouer la montre en parlant d’autre chose ?
Pourtant, ni les performances ni la réalisation de The Living and the Dead ne peuvent vraiment être prises à défaut. L’écriture n’est pas extrêmement fine, mais elle n’est pas un ratage non plus. Non, c’est juste qu’à cette série il semble manquer… écoutez, je ne vois pas comment le dire autrement : une étincelle de vie.
Merci pour cette jolie bulle violette et magique ♥
Je n’ai toujours pas regardé ce foutu pilote (je l’avais emmené avec moi à la JE, mais l’ordinateur n’est quasiment pas sorti de la valise du tout au final), mais j’ai lu cet article avec intérêt, et je reviendrai quand j’aurai un avis également sur la question. La dernière phrase m’a fait rire ^-^ J’ai bon espoir que ma sympathie exagérée pour Colin Morgan me fasse m’investir émotionnellement plus que toi dans la série (c’est indépendant de sa qualité, mais ça joue), et c’est cool de lire qu’à côté de ça, techniquement, c’est quand même plutôt bien foutu (même s’il y a des soucis de ‘la série veut en faire trop’ apparemment).
Je reviendrai une fois que j’aurai fini le travail que j’ai pas pu faire ces quatre derniers jours et aurai pu regarder le pilote ! (ou la série entière, car soyons honnête, si j’accroche, vu la longueur de la série, c’est l’affaire d’une soirée)
Merci encore ♥
BON 😀 J’ai regardé le pilote (comme tu as peut-être vu sur twitter, vu que j’ai pas mal spazzé quand même), et donc comme promis, me revoilà. Je me suis pas beaucoup laissé le temps de reposer ma tête, mais … en vérité, je pense que je suis plutôt de ton avis. J’ai beaucoup fangirlisé, parce que revoir Colin Morgan était un véritable plaisir, et c’est vrai que de base le sujet possession/fantômes me parle énormément, d’autant qu’il faut ajouter à cela la forme de la série que je trouve très réussie (certains plans sont de toute beauté, et j’ai beaucoup apprécié la musique), mais l’épisode m’a laissée un petit peu sur ma faim.
Déjà, je suis très déçue de la résolution que j’ai trouvé super rapide et qui m’a laissée sur l’impression très désagréable que finalement le cas « Harriet » n’était décidément qu’un gros prétexte à l’introduction, et ensuite c’est vrai que l’impact émotionnel manque. Les deux personnages principaux me sont tous les deux sympathiques, et j’apprécie beaucoup le casting (évidemment), mais quand même, le retour possible d’un enfant disparu (et un enfant chéri, la série fait au moins passer bien cet aspect-là) devrait frapper plus fort… et en fait non. Les moments forts de cet épisode (ceux en rapport avec Gabriel, mais aussi, par exemple, le retour des paysans à l’ouvrage à la fin, qui est un moment de victoire pour Charlotte) m’ont laissée plutôt de marbre. Cependant, j’apprécie beaucoup l’ambiance visuelle et sonore de la série en général, j’aime bien les personnages, et je ne suis que kyaah dans ma tête chaque fois que Colin Morgan ouvre la bouche (ou la garde fermée, note bien, je suis pas chiante comme fille, un rien me satisifait). Du coup, je compte continuer pour le moment (en craignant peut-être que cela devienne répétitif), mais j’espère que ça finira par me toucher, parce que sinon…. bah c’est dommage on va dire.
Bref ~ « pas mal mais peut mieux faire », on va dire.