Veuves joyeuses

17 juin 2016 à 12:00

C’est une belle journée à passer entre amis dans une résidence secondaire au bord du lac. C’est précisément ce que Rebecka, Kira et Johanne ont décidé de faire avec leur mari respectifs, comme souvent le weekend ou pendant l’été, puisque ces trois couples scandinaves partagent régulièrement la demeure de Johanne et Svein, en Norvège. Une belle journée qui s’achève par l’explosion du bateau sur lequel se trouvaient les trois hommes, laissant Rebecka, Kira et Johanne veuves.
Et soulagées.

Black Widows nous expose la situation en moins de 3 minutes. Les motifs des trois héroïnes sont rapidement exposés dans une scène très rapide superposant le trajet des trois couples en voiture et en fond sonore, les appels échangés par le passé entre les trois amies de plus en plus insupportées par les époux. L’un trempe dans des affaires louches, l’autre se drogue, le dernier est violent. C’est à peu près tout ce qu’on saura des raisons qui ont poussé ces trois veuves noires à planifier le meurtre simultané des trois hommes, et les quelques dialogues rapides échangés par téléphone témoignent plus d’une exaspération que d’un sentiment de danger.
Jesper, Johan et Svein finissent donc leurs jours au beau milieu d’un lac, pulvérisés par une explosion. Cela semble être le meurtre parfait : bonne chance à la police norvégienne pour retrouver des indices de la culpabilité des trois femmes.

C’était bien-sûr sans compter sur un détail : le meurtre parfait n’existe pas. Et le flic dépêché par la police norvégienne, Peter Wesselø, derrière son apparence penaude, semble avoir flairé très tôt qu’il ne fallait pas si vite accepter la thèse du tragique accident.
Hélas pour lui, son enquête est compliquée par plusieurs facteurs. D’abord, le fait que les femmes résident en Suède, ce qui le force à collaborer avec la police locale… laquelle n’est guère aussi passionnée que lui par cette affaire. Il y a aussi un menu détail : pour le moment, à part une vague impression, il n’a aucun élément concret prouvant ou au moins tendant à indiquer que Rebecka, Kira et Johanne ont eu la main sur le destin des défunts époux. Et puis, bien entendu, il y a l’importance du lien entre les trois femmes, qui continuent de conspirer après les évènements.

Black Widows, en réalité, ne met pas vraiment l’accent sur cette enquête. Ce qui intéresse la série, c’est plutôt la façon dont les femmes y réagissent plutôt que la progression d’un quelconque whodunit. Cela permet à la série de jouer avec un ton plus grinçant, avec un humour plus noir, avec des allusions plus ambiguës…
Comme cette scène, juste après que la police soit partie de la maison au bord du lac, pendant laquelle les meurtrières comparent leur prestation devant Wesselø, l’une se vantant d’avoir su pleurer sur commande, l’autre protestant qu’elle aurait très bien pu le faire aussi, qui essaye… avant d’abdiquer d’une voix sans émotion : « j’y arrive pas là tout de suite ». Par la suite, les trois héroïnes ont toutes les peines du monde à retourner à une vie normale en donnant le change, trop pressées de tourner la page.
La musique légère qui accompagne leur deuil expéditif ne fait qu’accentuer le côté dramédique de la situation.

Cela fait que Black Widows propose un démarrage plutôt pétillant, surtout quand là-dessus s’ajoutent les premiers retournements de situation, comme la découverte de problème légués par les maris ou… le fait que l’un d’entre eux finisse par sortir de l’eau. VIVANT.
Mon inquiétude vient plutôt de ce qui suivra cette introduction efficace : les desperate widows vont clairement devoir jongler entre leurs différents problèmes tout en essayant de semer Wesselø. Je crains un peu que cela ne soit vite répétitif, d’autant que les deux scènes entre les veuves et l’enquêteur sont déjà, dans cet épisode inaugural, l’occasion de quelques redites, avec une annonce claire de qui sera, des trois, le maillon faible de l’organisation.

Cependant, même si on n’est pas forcément ici dans une série qui s’annonce comme un chef d’œuvre, Black Widows remplit son contrat : celle de divertir en employant certains codes de la vague scandinave sans pour autant sombrer dans l’enquête déprimante. On est ici plus dans une dramédie que dans une série policière, je l’ai dit, et c’est tellement assumé que j’ai spontanément envie d’applaudir une série scandinave qui fait ce pari. Certes c’est en fait un pari initialement relevé par Mustat Lesket, la série finlandaise dont cette co-production est l’adaptation (j’ai dû faire une entorse à ma règle de regarder l’original avant les remakes parce que, précisément, les séries finlandaises ne voyagent pas alors que les séries suédo-dano-norvégiennes, beaucoup plus), ce qui diminue d’autant l’impression de semi-audace de Black Widows.
Mais il n’empêche : c’est tout-à-fait le genre de séries scandinaves que j’aimerais voir nous parvenir afin de briser le cliché du Scandinavian noir, surtout maintenant que CBS semble avoir passé la main sur la perspective d’un remake.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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