Face aux Croisés

9 juin 2016 à 19:30

Cela a échappé à ma vigilance, mais hier je fêtais mon 5000e article ! Bon c’est un peu idiot de célébrer ça dans le suivant, mais je me suis dit du coup que j’allais finaliser une review entamée voilà plusieurs semaines, sur une série se déroulant au Moyen-Âge dans le cadre de mon intervention à la médiathèque de Rumilly.
Comme plusieurs autres, Diriliş: Ertuğrul n’avait pas eu le temps d’être abordée au cours de cette présentation (que j’aie pu y glisser Muhtesem Yüzyil et même un peu Muhtesem Yüzyil: Kösem, ainsi que deux séries sud-coréennes, était déjà pas mal !), alors j’avais au départ décidé de vous livrer une review. Et puis, bon, vous savez ce que c’est… Mais pour mon 5001e article, je me suis dit que j’allais quand même faire un effort, et me voilà donc à vous parler de cette série turque proposée par la chaîne publique TRT dans l’espoir de capter un peu du succès de… Muhtesem Yüzyil, et de l’engouement récent du public turc pour les superproductions historiques en général.

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Ertuğrul, c’est le nom du fils cadet du sultan Süleyman Şah, ainsi que le futur père d’Osman Ier, lequel fondera l’empire ottoman. Pourtant, même si ce mérite est accordé à sa progéniture, Ertuğrul est celui commence la mutation, notamment en levant ses hommes contre l’empire byzantin. Mais on va déjà un peu vite.

Lorsque commence la série, en 1225, Süleyman Şah est à la tête d’une tribu nomade, les Kayı (qui forme le clan le plus nombreux du groupe ethnique Oğuz) ; ses fils sont des guerriers, des chasseurs, voire des ferronniers. Bref ils font un peu de tout. Leur tribu se monte à 2000 tentes, quelques milliers d’âmes à peine, qui ont fui l’invasion mongole et le joug de Gengis Khan ; les Kayı sont désormais en proie à la famine, mais aussi aux dangers de nouvelles terres.
Car l’Anatolie (qui s’appelle alors Rum) est gouvernée par le sultan Alā ad-Dīn Kayqubād, dont le règne représente l’âge d’or de la dynastie Selçuk, et que le pouvoir de celui-ci lui crée de nombreux ennemis. L’un d’entre eux, et non des moindres, est l’Ordre des Templiers : en route vers Jérusalem, celui-ci tente une nouvelle Croisade mais a besoin de détruire l’empire Selçuk. Pour cela, les Templiers se sont adjoint l’aide de Kara Toygar, un seigneur ambitieux régnant sur une partie des terre Selçuk, qui a pactisé avec eux contre les autres musulmans, afin de survivre à une nouvelle Croisade, et si possible, succéder à Alā ad-Dīn, tant qu’à faire.
Du côté des différents clans nomades Oğuz, la grogne commence à monter, alors que Süleyman Şah semble avoir toutes les peines du monde à prendre une décision quant à la prochaine migration ; l’hiver approche et les clans restent stationnés dans une plaine dépourvue de gibier, de pâturages, d’eau, d’avenir. Un chef de clan mineur, Kurdoglu, se dit que c’est peut-être sa chance…

Outre l’exposition de ces différents faits, nécessaires aux enjeux de la série, le premier épisode de Diriliş: Ertuğrul démarre lorsque l’ami Ertuğrul, fils fringant d’un chef de clan vieillissant (…mais pas fils aîné ! vous la sentez venir ?), découvre pendant une partie de chasse trois esclaves poursuivis par des Templiers. Ces esclaves sont en fait une famille de nobles de la famille Selçuk, faite prisonnière afin de servir de monnaie d’échange entre les Templiers et ce salopard de Kara Togyar. La chute de cette famille permettra en outre de semer la discorde entre différentes tribus turques résidant sur le territoire contrôlé par la dynastie Selçuk, créant suffisamment de troubles pour faciliter la percée des Croisés sur ces terres.

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On ne va pas se mentir : suivre ce qui est mis en place dans une série comme Diriliş: Ertuğrul, c’est pas pour ceux qui veulent se mater un pilote entre deux portes. Ce visionnage est la preuve assez cinglante que je ne sais rien de l’Histoire turque, et surtout pas pré-ottomane ; je pense pouvoir sans trop me tromper accabler l’Éducation nationale à ce propos, qui d’ailleurs même en me fournissant uniquement le point de vue des Croisés, a fait un travail très sommaire sur la question. La dynastie Selçuk ? Pas exactement ma spécialité d’ordinaire, si vous voulez… Il m’a donc fallu avoir recours à des lectures complémentaires pour comprendre ce qui se tramait ici, mais hé, de vous à moi : c’est aussi pour ça que je me suis prise de passion pour la télévision internationale, il y a toujours quelque chose à apprendre.
Il faut noter cependant que je n’ai pas toujours trouvé de concordance exacte dans les dates citées. Certes, tous les personnages majeurs de ce premier épisode (à l’exception notable de Kara Toygar) peuvent se retrouver facilement, et ils étaient bien en vie en 1225. En revanche, j’avoue que j’ai eu du mal à concilier mes lectures sur la chronologie des Croisades et la celle des évènements telle que donnée par Diriliş: Ertuğrul ; en 1225, il semblerait que Constantinople ait été vaincue depuis deux décennies et que l’Anatolie ne fasse plus partie des priorités des Croisés. Alors soit je suis d’une profonde incompétence en google, soit je suis absolument irrécupérable en Histoire… soit la série prend des libertés. Mais si c’est le cas ça signifie qu’en définitive, les lectures historiques sont plus des compléments facultatifs que des impératifs. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les flemmards parmi nous !

D’ailleurs c’est peut-être pas plus mal comme ça, étant donné le nombre de personnages à rechercher, et qui figurent dans ce premier épisode de 2 heures (oui ya ça aussi). Alors certes la vie parmi les yourtes des Kayı est super bien reconstituée, mais à un moment ça prenait une telle ampleur que j’ai craint qu’on ne commence à citer les noms de tous leurs occupants. Il y a du peuple dans Diriliş: Ertuğrul ! Le héros, bien-sûr, mais aussi son frère aîné, son père le chef de clan, sa mère, sa belle-sœur, son enjeu amoureux numéro 1, son enjeux amoureux numéro 2 (introduit en cours d’épisode), les fidèles guerriers qui l’accompagnent, les fiancées des fidèles guerriers en question, le médecin de ci, le forgeron de mi, même le cheval du héros a un nom… à un moment c’est plus de la fiction, c’est du recensement ! Et encore, ça c’est seulement parmi les Kayı, il faut encore y ajouter deux méchants Européens (dont l’un qui a un épouse convoitée par le second), Kara Toygar, Kurdoglu, plusieurs Croisés mineurs mais jouant un rôle dans ce qui se passe dans le premier épisode, des soldats, des esclaves, et j’en oublie sûrement.
L’ampleur de la distribution, quand bien même tout le monde n’a pas la même importance dans cet épisode inaugural, devrait cependant vous avertir sur un point : niveau développement des personnages, on reste dans quelque chose de très succinct. Personne ne se présente comme particulièrement complexe, ce qui parfois passe bien (il est établi très simplement qu’Ertuğrul est un héros classique : fort, intelligent, juste…) et parfois moins (Kara Toygar a la subtilité d’un Gargamel).
La série préfère passer du temps à décrire des scènes de la vie courante des Kayı, et à construire autour de la question amoureuse pour Ertuğrul, que d’entrer dans le détail de ses personnages, et très franchement ça apparaît comme un choix valide quand on regarde le résultat.

Et puis de toute façon on n’a pas vraiment envie de passer du temps sur les individus. Diriliş: Ertuğrul fascine par sa façon de mettre en place des problématiques les dépassant : les Kayı (et avec eux tous les clans Oğuz) sont immobilisés par bien plus que des problèmes de terrain. S’ils sont figés sur les plaines stériles d’Anatolie… pardon, de Rum, c’est que leur position est diplomatiquement difficile. Les terres qu’ils occupent dépendent de l’empire Selçuk, qui leur a cédé l’occupation de ces espaces contre le paiement d’un impôt ; il leur est difficile de naviguer comme ils l’entendent au sein de l’empire. Ils ne peuvent pas non plus repartir d’où ils viennent, car les Mongols les attendent et… bon, je vous fais pas un dessin, personne ne frémit de joie à l’idée de se retrouver face à face avec les Mongols. Quant à essayer de prendre d’autres terres ailleurs, le problème c’est que d’autres clans nomades qui fuient les Mongols s’y dirigent et qu’on vole pas des terres à des cousins, ça ne se fait tout simplement pas.
Dans ce difficile problème, Gündoğdu, le fils aîné de Süleyman Şah va proposer un plan : se diriger vers Alep (future Syrie, pour le moment cité perse), et proposer en échange d’un coin de terre habitable de joindre l’armée qui est en train d’être levée pour lutter contre les Croisés.

De façon plus superficielle, j’ai vraiment été charmée par l’aspect visuel de Diriliş: Ertuğrul. Tout n’y est pas parfait (les plans avec effets spéciaux et ceux qui en sont dépourvus sont parfois juxtaposés au risque de mettre en lumière leurs différences esthétiques), mais cette superproduction accompli son boulot avec élégance la plupart du temps. Les combats (il y en a un assez long en début d’épisode) sont bien chorégraphiés, les costumes sont à tomber par terre… mais surtout, les décors !
Et vous allez me dire que quand on a vu un décor de série historique reconstitué par ordinateur, on les a tous vus, mais non, parce que Diriliş: Ertuğrul a ces fameuses yourtes des Kayı nomades, et que ça change incroyablement l’ambiance visuelle de la série !

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Du côté des extérieurs, on est à mi-chemin entre le campement et le village, avec ce que cela induit de vétusté mais aussi de proximité ; lorsqu’il s’agit des intérieurs, tout est fondamentalement transformé, puisque tout le monde vit sous une même tente, dans une pièce commune. On reçoit au même endroit que se déroulent les scènes intimes. La scène du dîner de Süleyman Şah et sa famille rendait par exemple bien l’aspect de vivre tous les uns sur les autres, dans un seul espace : la salle du trône, où quelques scènes plus tôt le chef de clan donnait audience, se transforme en un lieu intimiste où l’ont fait cuire le repas et où on le consomme ensemble. Il faut noter que cela modifie de fait l’occupation des lieux : chefs et vassaux, pères et fils, hommes et femmes partagent les mêmes pièces… puisqu’il n’y en a qu’une seule ! La chambre à coucher est le salon, la salle du conseil, l’entrée de la demeure même, tout. Ça fluidifie pas mal les interactions.
Et puis, les vues sur les tentes dans les plans d’exposition sont vraiment très belles. Je sais pas quoi vous dire, j’ai vraiment été charmée par ce côté-là, c’était nouveau, c’était grisant. Pas comme l’autre Kara Toygar dans son château qu’on a vu mille fois, ou comme le fort des Templiers et ses pierres quelconques. Les yourtes participent au dépaysement.

Vous l’aurez compris, cet épisode introductif de Diriliş: Ertuğrul, bien que dense (très !), est sympathique. Et vous savez le plus terrible ? Je crois que si je le pouvais, je regarderais même la suite.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

5 commentaires

  1. Trafalgar dit :

    Ta mal compris les croisées voulais la chute de l empire selcuklu pas pour reprendre les terres de constantinoples mais pour faciliter la venu de l’armée des croisée pour reprendre al kuds , Jérusalem c’est pour cela qu’il voulaient la chutes de l’empire selcuklu pour qu’il n’y ai pas de résistance pour l’armée des croisée. Je sais pas comment tu a regardais la série ou si ta regardais juste le premier épisode ?

  2. Trafalgar dit :

    Désolé j’avais pas lu jusqu’à la fin lool sinon l’article est très bien et je vous conseille de regardé la série en entier on apprend beaucoup de choses et continuer avec vos articles 🙂

  3. Nic Floyd dit :

    Eh ben pour une première, c’était sympa. En effet, c’était la première que je regardais une série où les protagonistes parlent entièrement en arabic. J’avoue que j’ai eu peur de la barrière de la langue en me lançant mais on s’y fait assez vite grâce surtout à un pilot qui prends son temps pour présenter son histoire (faut dire que 2h ça aide :D). mais n’empêche j’ai apprécié que la série ne ne précipite pas et évolue à son rythme, vu le sujet qu’elle aborde la tentation aurait été grande de céder à des batailles par ci et des scènes de combats par là surtout que la principale scène de combat de l’épisode est belle et correctement chorégraphiée.
    Comme la Lady l’a noté dans sa review, les décors et les costumes sont vraiment réussis et transportent à cette période que je ne connais pas vraiment (ni étudiée ni recherchée ..) et donnent à la série une crédibilité nécessaire.
    Maintenant l’histoire de Estugrul avec son père et frère est assez classique, donc je ne m’y attarderait pas car l’important est ailleurs au fond. Et l’important ici c’est que j’ai passé un bon moment devant une série avec un bon potentiel et qui m’a sauvé d’une soirée bien ennuyante. Que demander de plus?

    • ladyteruki dit :

      Contente d’avoir pu aider ! C’est sûr que ce premier épisode prend le temps de tout poser et finalement c’est pas plus mal vu le nombre de personnages. Et même si ceux-ci ont des destins individuellement quelconques, comme tu le soulignes avec le héros et la rivalité grandissante avec son frère, finalement quand on regarde la vision d’ensemble ça importe peu.
      Ravie que cette découverte t’ait plu ! Normalement et sauf s’ils ont été effacés entre temps, les épisodes suivants sont dispos au même endroit…
      (sauf erreur de ma part la série est en turc, pas en arabe ? ou j’ai peut-être pas compris ta phrase)

      • Nic Floyd dit :

        Désolé, je viens à peine de voir ton commentaire (t’aurais pu me signaler sur Twiiter :p).
        La série est en turc? Je vis dans un pays arabe et certains mots m’ont été familiers du coup j’en ai conclu que c’était de l’arabe .. My bad ^^

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