Major crime

2 mai 2016 à 14:00

Dans les coulisses de Séries Mania, à plusieurs reprises, j’ai éprouvé de la peine. Oui, absolument, de la peine : à l’idée que certaines de ces séries proposées aux accrédités ne seraient jamais projetées aux festivaliers, pour leur rappeler que, oui, la fiction de la planète a beaucoup plus à offrir que des meurtres, des disparitions, et des disparitions suivies de meurtres. J’exagère, mais à peine : dramédie de mœurs, legal drama, comédie grand public ou encore thriller médical, on trouvait vraiment des choses incroyable à se mettre sous la dent.
Et puis, il y avait les autres. Les séries qui n’étaient pas projetées au public… et je savais très bien pourquoi. Parce qu’elles étaient pourries.

Sans transition, parlons de la série russe Major.

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Igor Sokolovsky est né avec une cuiller en argent dans la bouche. Arrivé à la vingtaine, c’est toujours ce qui le définit : à part conduire sa voiture de sport hors de prix, et claquer l’argent de papa dans ses clubs préférés avec son meilleur ami Stas et la sœur de celui-ci, il ne fait vraiment rien de sa vie. Il fait partie de cette jeunesse dorée (surnommée « major » dans le langage courant russe) à qui tout est servi sur un plateau, et qui se contente de profiter du travail de la génération précédente pour se la couler douce.
Un soir comme un autre, c’est-à-dire bien arrosé et insouciant, au cours duquel Igor et la sœur de Stas se sont fiancés, le trio procède à une course de voitures de luxe dans les rues de la ville. Stas, qui en outre a largement abusé des bontés de son dealer préféré, est particulièrement allumé, aussi n’est-il pas surprenant qu’il finisse par être pris en chasse par la police. Ce qui aurait pu n’être qu’une petite arrestation pour ivresse et consommation de stupéfiants au volant prend pourtant une tournure peu banale en raison du sentiment d’impunité d’Igor et Stas. Les deux jeunes hommes se battent contre les flics tentant d’arrêter Stas, gagnant donc également une arrestation pour voies de faits sur des agents de l’ordre public.
Cet incident ne conduit pas nos deux héros en prison, bien-sûr ; leurs parents les tirent d’affaire grâce au jeu de leurs relations. En revanche, c’est la goutte d’eau : Sokolovsky Senior décide de couper les vivres à Igor pendant un an. Si au terme de cette année, il n’a rien fait de sa vie, Igor sera définitivement déshérité. Et pour s’assurer que son branleur de fils se bouge un peu les miches, papa Sokolovsky lui trouve un job dés le lendemain… en tant que gradé dans la police (… »major », vous avez pigé le jeu de mot ?).

Je. Alors. Bon. Ouais, c’est que. Franchement… Sérieux ?
Major est comme son personnage central : aucune envie de se prendre la tête avec des trucs chiants comme, euh, comment ça s’appelle ? De la réflexion. L’exposition du premier épisode dure une bonne quinzaine de minutes pendant lesquelles la série veut juste s’imaginer être une version excessive de Threesome : Igor, Stas et la sœur de celui-ci (je suis désolée, j’ai pas noté son nom) font la fête, boivent, se droguent, font les fous, cassent des trucs, démontent des flics. Je cite Threesome parce que franchement ya le même sens du rythme et du montage que dans l’adorable série britannique, mais ça me fait mal au cœur parce qu’il n’y a aucune tendresse dans les personnages : c’est entièrement surfait. Il faut dire ce qui est : visuellement, Major se donne du mal. Mais elle est totalement vide.
Du coup, que ce petit con d’Igor se fasse mettre au pas par son père, ça laisse de marbre. Mais en plus, que moins de 24h après s’être fait embarquer par la police, Igor devienne flic et qui plus est (bien-sûr !), un collègue des flics l’ayant embarqué après une rixe quelques heures plus tôt ? C’est confondant de bêtise.

Et si seulement ça s’arrêtait là.
Mais non : Major toute entière est dédiée à meubler le temps avec les banalités les plus ahurissantes. Ainsi Igor va-t-il bosser sur sa première affaire dés son premier jour, après environ -712 heures de formation (et sur un vol à la tire, attention c’est l’éclate) de la façon la plus stupide qui soit. A la jeune femme qui s’est fait voler son sac à main avec sa paie dedans, Igor va simplement répondre en… achetant un nouveau sac et en remplaçant le montant de sa paie. Comment ? On sait pas. Ça n’a pas de sens puisqu’on a vu papa Sokolovsky découper la Gold Mastercard de fiston juste avant, mais Major n’a vraiment aucune intention de faire des trucs avec des machins qui ont du sens.
C’est aussi ce qui explique que Major ait décidé d’insérer une séquence pendant laquelle Igor se rend dans un squat de drogués, et finit par se faire voler son portefeuille et ses fringues ; il se réveille dans un peignoir de boxeur, avec la police en bas de l’immeuble, et réalise qu’il a été piégé… quoi ? Hein ? Pourquoi ? Qui ? Donc ? Mais ? Hein ?! Même en admettant que ses collègues le détestent au point de l’envoyer sous un faux prétexte dans un repère de drogués, qu’est-ce qu’au juste cette manip serait supposée accomplir ? Major n’a aucune explication valable à fournir, et d’ailleurs elle oubliera totalement que cette séquence a eu lieu pendant le reste de l’épisode.
C’est aussi ce genre de flemmardise qui pousse Major à créer un triangle amoureux. Au sein de l’unité de police où est muté Igor. Avec sa cheffe. Qui a une relation avec un autre flic de l’unité. Tout est normal.
C’est, enfin, la raison pour laquelle Major se sent autorisée à balancer sans aucun contexte des cauchemars-qui-sont-en-fait-des-flashbacks sur la mort mystérieuse de la maman d’Igor, sur laquelle idéalement il faudrait qu’un flic enquête, mais qui donc mais qui donc ? Le suspense est entier.

Le seul vague intérêt de Major, c’est que, bien-sûr, ce travail de flic va pousser Igor à évoluer. Problème : le jeune homme se transforme en héros responsable en une journée à peine !
Le soir de son premier jour de travail, donc 24h à peine après avoir imité GTA dans les rue de Moscou, Igor sort avec Stas et sa sœur (j’ai même pas envie de me faire chier à aller voir son nom sur ru.Wikipedia, à ce stade), et sort un monologue moralisateur à son meilleur pote Stas pour qu’il arrête totalement la drogue. Oui, cold turkey, ça a complètement du sens. Avant de tourner les talons et ne plus jamais mettre les pieds dans un club, Igor jure que si Stas continue comme ça il va se passer un truc, et évidemment il se passe un truc : une petite fille est percutée par une voiture pendant la nuit. L’assassin court toujours et seul Igor, intervenu au petit matin sur sa toute première scène de crime avec cadavre, a compris que le chauffard est évidemment Stas ! Il le dénonce donc à la police parce que maintenant Igor a tout compris de la vie. Alors la frangine de Stas, naturellement, le quitte (vous comprenez qu’à ce stade, retenir son nom est le cadet de mes soucis). Ce qui permet en outre de laisser le champ libre à la cheffe d’Igor qui lui fait de l’œil depuis le début de l’épisode. Et maintenant il va pouvoir se dédier à l’histoire de la mort de sa mère. A L’AIDE.

Étant donné que Major n’a aucune envie de proposer le moindre character development, vu qu’il a entièrement été accompli à la fin du premier épisode, on se doute qu’à partir de là, la série va devenir hautement répétitive. Étant donné l’intelligence aiguë du scénario, il y a vraiment de quoi craindre le pire. Et je constate avec horreur qu’il existe DEUX saisons de cette merde !
C’est très difficile d’essayer d’inciter les gens à essayer des séries russes quand ils courent le risque de tomber sur une daube pareille. Cela étant… je ne serais pas surprise que TFHein commande un remake. Même un remake français de la première chaîne peut difficilement faire pire que ça. Même.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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