Entourage jouisseur

24 avril 2016 à 17:00

Quand l’argent manque, dans les séries, souvent, les gens prennent de drôles de décision. Dans la comédie israélienne Johnny Ve Abirey Hagalil, cette décision est supposée être drôle. Je ne vous cache pas mon scepticisme.

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Après 4 ans d’absence, Johnny revient en Galilée. Son père est décédé et il a donc s’occuper de sa jeune sœur Heli, une adolescente dégourdie… et bien obligée de l’être, puisque leur père est mort depuis quelques semaines déjà et que Johnny ne s’est vraiment pas hâté de venir prendre soin d’elle. Dans l’intervalle, la situation à la maison n’a fait qu’empirer : l’exploitation apicole de la famille ne permet même plus de payer régulièrement le seul employé Kais, l’eau a été coupée, et l’électricité ne devrait plus être loin derrière. Quant aux services sociaux, alertés sur le fait que Heli vit seule, ils envisagent de la retirer à son foyer et la placer en pension. Et Heli n’est pas spécialement enthousiaste, il faut le dire.
Alors quand Johnny arrive, les responsabilités lui retombent un peu dessus. Or Johnny a une particularité : c’est un grand rêveur, et pas top un bosseur. Les trucs chiants, très peu pour lui : il préfère aller à la simplicité quitte à emprunter des chemins moins légaux qu’attendu (par exemple plutôt que de s’échiner à faire rétablir l’eau, il préfère avec quelques amis la détourner de canalisations publiques). Cela fait peut-être du jeune homme un copain marrant et pas prise de tête, mais comme grand frère, il est nul. Comme apiculteur, il n’est pas meilleur : il a de grandes idées, mais il n’est pas un travailleur très performant, et le marché du miel de Galilée n’est pas franchement en plein boom de toute façon. Or, avec cette affaire pressante des services sociaux, il va bien falloir prouver qu’il peut garder sa sœur à ses côtés.

A partir de là, Johnny Ve Abirey Hagalil s’oriente vers quelque chose d’assez cliché : ses héros (soit Johnny, Kais, mais aussi leurs amis Shimi et Itamar) vont se lancer dans un business juteux en jouant les escort boys auprès des femmes de la région. C’est le meilleur service de ce type de toute la région ! Bon, c’est aussi le seul.

Le problème c’est que dans son enthousiasme à nous montrer un Johnny pas vraiment sérieux, prenant tout à la plaisanterie et décidé à privilégier le plaisir face aux responsabilités, Johnny Ve Abirey Hagalil démontre les mêmes traits de caractère. La série ne repose pour ainsi dire sur aucun conflit : une fois qu’il a passé sa première nuit avec une cliente (il pensait au départ lui vendre du miel, et n’a compris que le lendemain matin qu’elle allait le payer pour sa compagnie), Johnny ne réfléchit pas longtemps à ses options et se lance dans l’aventure sans particulièrement envisager des inconvénients. Il traine à sa suite ses copains, lesquels sont bien trop contents de se voir offrir la possibilité de coucher avec toute la Galilée tout en étant payés (seul l’un d’entre eux, marié, rencontre à cet égard des difficultés en fin de premier épisode). Ils parviennent sans aucun mal à trouver des boulots rémunérateurs ; leur première fête d’enterrement de vie de jeune fille ressemblera plus à une occasion pour eux de draguer et de s’amuser, qu’à un travail présentant (comme tout travail) des nuances.
Il faut en outre ajouter que dans Johnny Ve Abirey Hagalil, étrangement, toutes les femmes sont séduisantes, toutes les femmes ont un énorme budget, toutes les missions sont remplies facilement. Même quand ils sont maladroits, tout va dans leur sens. Le premier épisode s’achève alors qu’en quelques heures, Johnny a racheté tout le mobilier qui avait été saisi par des huissiers, et accueille une assistante sociale parfaitement convaincue d’avoir atterri dans un foyer idéal de Galilée.

Bien-sûr ce n’est que le premier épisode, mais ne faudrait-il pas se poser quelques questions, histoire de garantir des enjeux dans les épisodes prochains de Johnny Ve Abirey Hagalil ? La prostitution, c’est différent de se pointer à une fête, s’amuser, et repartir avec le slip plein à craquer de biffetons. Nos quatre amis passent pour des jouisseurs, or leur boulot n’est pas de prendre du plaisir, mais d’en donner ; la série traite les personnages comme s’ils étaient naturellement doués pour faire passer leur plaisir après celui des femmes qu’ils rencontrent. Pour tout commentaire, je me contenterai de hausser un sourcil circonspect devant ce portrait simpliste de la sexualité hétérosexuelle…

Franchement, dans les coulisses de Séries Mania, il y a des séries qui m’ont fait enrager à l’idée que quasiment personne ne les verrait jamais… Johnny Ve Abirey Hagalil n’en fait clairement pas partie. Son parti-pris simpliste ne permet même pas d’imaginer qu’il peut y avoir à l’avenir des péripéties dans la série : on a juste l’impression d’avoir affaire à une bande de potes qui a trouvé un moyen de transformer ses loisirs en un travail rémunéré.
Vu que j’écris cette review à titre entièrement gratuit, il y a peut-être un fond de jalousie dans ma réaction. Mais quand même aussi, voire surtout, beaucoup d’ennui.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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