C’est l’été et la famille Law est, comme à son habitude, noyée dans un tourbillon de petites choses. Il y a l’anniversaire de Benjamin, d’abord, prélude d’un autre évènement majeur de la saison pour l’adolescent : le concours de talents, où il espère que cette année sera enfin la sienne. Pour sa grande sœur Candy, l’heure est aux sorties ; pour son grand frère Andrew, ce sont plutôt les premières amours. Quant aux jeunes sœurs Michelle et Tammy, elles ont bien-sûr des dizaines d’occasions de se quereller. Tout ce petit monde tente de cohabiter sous l’autorité de leur mère, Jenny, et avec l’affection distante d’un père très occupé par la tenue de son restaurant, Danny.
Mais à l’approche de Noël, le chaos ne va faire qu’empirer.
Si vous aimez les familles dysfonctionnelles, The Family Law ne peut que charmer. La dramédie est pleine de bruit et de chamailleries ; on y trouve une maison un peu bordélique et où il y a toujours du monde ; on y oscille entre le normal et l’exubérant. C’est tout ce que l’on aime chez les séries du genre, quoi.
L’histoire est racontée par Benjamin, donc (la série est l’adaptation de l’autobiographie du véritable Benjamin Law, auteur et journaliste), qui aime être au centre de l’attention, donc ça tombe bien. Consumé par son envie de réussir à la compétition artistique de son école, il est assez peu attentif à ce qui se passe autour de lui ; le spectateur, lui, capte quelques vagues signaux qui pour l’instant, au stade du premier épisode, ne sont pas encore totalement significatifs parce que l’egocentrisme de Benjamin nous empêche d’avoir accès aux autres personnages. Mais à mesure que l’épisode avance, il va bien lui falloir regarder en face ce qui se trame sous son propre toit.
Car si The Family Law a un ADN de séries comique, la série exprime aussi des traits moins clownesques. L’épisode comporte quelques moments plus calmes, pendant lesquels Benjamin se retrouve en tête-à-tête avec l’un de ses parents. Ce sont des moments touchants, mais sans aller jusqu’au sirupeux ; ces instants d’intimité familiale permettent aussi de rappeler que les Law ne sont pas juste des gens à la vie trépidante, ce sont aussi… des gens, tout simplement. Que Danny se pose pour se vider la tête devant une série chinoise stupide au beau milieu d’une maisonnée endormie, ou que Jenny tente de garder le contact avec ses enfants en les écoutant pendant qu’elle fait le repassage, l’idée est la même : dans la famille Law, il est difficile de trouver du temps pour soi. Mais on le trouve quand même.
Lorsqu’à la fin de l’épisode, les accrochages à répétition entre Jenny et Danny, qui semblaient faire partie du décor, deviennent soudain extrêmement significatifs, The Family Law indique aussi aux spectateur que des évènements beaucoup moins drôles s’annoncent et qu’il faudra s’habituer aux changements de ton ; et s’habituer vite : la saison ne comptera que 6 épisodes.
L’air de rien, la conversation sur la fameuse « diversité » a atteint les rives de l’Australie. Certes, la chaîne multiculturelle SBS est toujours en première ligne pour offrir des histoires et des personnages de diverses origines ethniques (c’était encore le cas avec The Principal il y a quelques mois après tout). Mais c’est aussi l’impulsion du producteur Tony Ayres (et de sa compagnie Matchbox Pictures) qui permet de voir émerger de plus en plus de séries s’engageant sur ce terrain. Il a ainsi produit The Slap, dont c’était la base-même du propos que de se pencher sur les divergences d’opinions dans une un microcosme multiculturel. Plus récemment, The Family Law fait partie de ces séries produites par lui, comme le sont la série pour la jeunesse Nowhere Boys (qui inclut également un personnage principal asiatique, et dans une moindre mesure sa famille) ou la comédie d’action Maximum Choppage (dont tous les personnages sont asiatiques) ; à partir de là vous serez moyennement surpris si je vous rappelle qu’Ayres lui-même est d’origine asiatique.
Si l’on ajoute à cela le phénomène récent d’empowerment de la communauté aborigène à la télévision publique australienne (dont on parlait à l’occasion de 8MMM), cela commence à dessiner un joli portrait d’un pays multiculturel, et surtout, auquel sa télévision ressemble. En Australie, les chaînes publiques et les networks privés se lancent moins dans des discours onanistes sur leur démarche de « diversité », mais il n’empêche que les résultats sont là.
Et ça donne avec The Family Law un excellent résultat. Dés l’introduction de l’épisode, Benjamin se demande si sa mère est embarrassante parce qu’elle est chinoise… ou parce qu’elle est comme ça (la réponse est qu’elle est comme ça). Elle est montrée comme flirtant avec certains stéréotypes, avant que l’épisode ne les déconstruise pour prouver que n’importe quelle mère de famille nombreuse aurait besoin d’être une femme à poigne ; il y a aussi des moments plus subtils, comme lors d’une conversation avec Benjamin, lorsque Jenny s’interrompt pour noter un mot nouveau dans un calepin et s’en faire expliquer la définition par son jeune fils… En parlant d’immigration l’air de rien, de particularité culturelles et historiques, mais aussi d’universalité, The Family Law rappelle les bases de la question de la représentation des minorités à la télévision. Et ce n’est que le début, car la biographie de Benjamin Law va bien au-delà de la question raciale… Ça tombe bien : la dernière série australienne à représenter cette diversité là était, je crois, Outland.
The Family Law est ainsi tendre, futé, déjanté et plein de personnalité. La série n’est interchangeable pour rien au monde avec une autre de son genre, et pourtant elle partage de nombreux points communs avec des séries que vous avez peut-être aimées avant elle (il y a parfois des airs de Malcolm dans la cohue de la maison des Law). Le premier épisode, même s’il contient quelques scènes moins drôles que d’autres (le talent show en lui même n’est pas extraordinairement drôle), charme au premier visionnage. Mais mes souvenirs de celui-ci sont déjà flous : j’en suis au troisième. Et j’adore toujours autant les Law. Vite, la suite !