Elfenlied

7 janvier 2016 à 17:30

Il y a bien longtemps que le monde a changé. La civilisation s’est perdue et avec elle, la technologie des anciens humains. C’est la magie qui a survécu, et hélas, ses usages les plus sombres aussi. Même dans ce chaos, pourtant, le monde a trouvé une forme d’ordre. Les démons ont été repoussés, et les diverses créatures foulant la terre ont trouvé, au terme d’une guerre immense, un nouvel équilibre. C’est désormais sur un arbre sacré appelé Ellcrys, qu’on dit magique, qui préserve cette paix fragile. Lorsque l’arbre commence à s’affaiblir, les perspectives d’avenir des elfes, des humains, des gnomes et des trolls semblent soudain très obscurcies…

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Dire que The Shannara Chronicles commence sous le signe de l’originalité, et que son intrigue rend curieux, est extrêmement généreux, je ne vais pas vous mentir.
Le problème n’est pas simplement le matériau d’origine qui manque de fraîcheur (le premier tome de la saga remonte gentillement à 1977), mais plutôt la démarche de la série elle-même. Le but de ce premier (double) épisode d’exposition est ainsi de mettre en place les personnages, leurs relations, leurs motivations personnelles et communes, et les enjeux en général, en se limitant au strict minimum et en insistant toujours sur les évidences ; en revanche, des efforts surhumains sont déployés pour que ce soit dans un superbe écrin. Il en résulte que les dialogues de ce premier opus sont subtils comme un troll affamé, mais que visuellement, par contre, ça envoie du lourd.
D’entrée de jeu on a droit à des introductions fines, à l’instar d’un personnage dont la deuxième réplique à peine sera de dire à un autre : « en tant que ton amie et ta servante loyale, je veille sur toi » juste pour dire qu’elle s’est assurée que la voie était libre. Punaise, faut vraiment être frappé d’une crise de flemmingite foudroyante. Tout est à l’avenant : chaque fois que les personnages ont une discussion pendant les dix ou quinze premières minutes de l’épisode, et je suis gentille, il faut à tout prix expliciter sur quoi elle porte, pourquoi ils l’ont, comment ils sont liés entre eux, ce qu’ils pensent, et ce qu’ils ont mangé à midi. C’est pas super pointu (héhé) comme technique. Je comprends les réticences de MTV à considérer son public comme doué d’intelligence, mais à un moment il faut lâcher la bride sur le cou aux scénaristes, et laisser le langage non-corporel et la réalisation faire une part du boulot. The Shannara Chronicles s’y refuse, ou au pire, quand la série s’y plie, c’est pour faire mine de créer du « suspense », qui est le mot que je choisis dans ma grande bonté pour qualifier les moments où l’épisode ne donne pas une information tout de suite, afin de nous faire croire qu’il ne ne passe pas forcément ce qu’on croit. Or, il se passe toujours très exactement ce qu’on croit. C’est un tant soit peu gênant. Et légèrement abrutissant sur près d’une heure trente.

Alors d’un côté je comprends les multiples critiques et journalistes US qui se sont rués sur leurs screeners de The Shannara Chronicles avec enthousiasme pour nous claironner que c’était l’une des grandes séries de cette mi-saison, parce qu’il y a un véritable effort pour offrir une fiction visuellement léchée, avec une ambition bien au-delà de ses séries originales précédentes (pardon de le dire, quelques unes sont regardables voire sympathiques, mais on n’est pas exactement dans le haut du panier téléphagique). MTV a donné un sérieux coup de collier ; sa façon d’émuler les tentatives récentes de The CW (elles aussi souvent ambitieuses) font plaisir à voir. Tout ça augure de plein de bonnes choses pour la fiction pour ados et jeunes adultes dans un avenir proche aux États-Unis, et je me plaindrai jamais qu’on offre autre chose à la jeunesse que des soaps stupides. Il reste des efforts à faire pour les pré-ados, mais The Shannara Chronicles leur étant intellectuellement accessible, ainsi qu’à un poulet sans tête, c’est toujours ça que Disney et Nickelodeon n’auront pas.
Cela étant, il faut quand même dire les choses comme elles sont : The Shannara Chronicles n’est pas exactement la parousie. Les gens étaient là, « oui, c’est la nouvelle Game of Thrones« , mais à un moment il faut arrêter la drogue. Sur le fond ça sonne très creux, et il me semble assez difficile de s’impliquer émotionnellement dans une série qui ne vous laisse pas le temps de ressentir quoi que ce soit qu’elle vous a déjà donné tous les éléments pour intellectuellement savoir qu’il ne peut rien se passer de si terrible que ses vaillants héros ne puissent surmonter, et vaincre. Le confort me semble en fait profondément incompatible avec une série d’aventure, toute esthétiquement réussie soit-elle et, je le répète pour les places du fond, elle l’est.

Ah et puisque je vous tiens, je vais m’agacer une minute de plus, et vous délivrer un message d’utilité publique : il faut arrêter les comparaisons simplistes avec Game of Thrones.
En fait, arrêter les comparaisons simplistes tout court. Complètement arrêter, d’un coup sec, ou au pire se désintoxiquer avec l’aide de professionels. En cas de rechute, se retirer dans les bois et ne plus jamais revenir à la civilisation. Les comparaisons simplistes c’est le mal, jurez-moi que vous ne tomberez pas dans cette drogue. Cette saloperie a fait tant de victimes. J’en ai vu beaucoup trop tomber de mon vivant. Beaucoup trop. On a perdu des tas de gens bien à cause de raccourcis simplistes. Si vous voulez dire qu’une série est d’un genre donné, dites que c’est une série de fantasy ou de type fantastique (et si votre interlocuteur sait pas ce qu’est une série fantastique, sincèrement c’est plus la peine de lui adresser la parole donc ne vous fatiguez pas). Mais arrêtez de faire croire que parce que deux séries ont un élément en commun sur le papier, d’un coup, elles sont comparables. Lorsque vous arrivez à faire une comparaison simpliste entre deux séries sans qu’il soit nécessaire d’avoir vu les deux pour comprendre le point commun, de toute façon c’est mauvais signe. Si encore les comparaisons portaient sur des points précis du scénario, sur la structure géopolitique des séries, ou sur un personnage au parcours similaire, admettons, mais là le seul point commun c’est que ce sont des séries fantastiques. A ce compte-là The Shannara Chronicles est le nouveau Revolution, tant qu’on y est, parce que dans les deux la verdure a recouvert les vestiges de la civilisation. Je me fais bien comprendre ? Plus. De. Comparaisons. Simplistes. Dites-vous que c’est votre bonne résolution de 2016 pour un monde téléphagique meilleur.
Voilà, c’est dit, on n’en parle plus, pis de toute façon vous avez juré donc affaire réglée.

Donc, The Shannara Chronicles, c’est pas Game of Thrones, mais esthétiquement ça se tient, et ça se regarde sans réfléchir parce que de toute façon dés qu’on essaie on s’emmerde. Je crois que c’est clair, donc on en parle plus.
Pas dans ces colonnes en tout cas. Procédure d’archivage du dossier enclenchée.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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